Le Saint-Siège et le Parlement européen ont créé la surprise en annonçant jeudi 11 septembre une visite du pape à Strasbourg le 25 novembre
Le pape François prononcera un discours devant les députés européens au cours d’une séance solennelle
Ce déplacement, qui ne sera pas une visite pastorale en France, survient à un moment de crise du projet européen et de renouvellement des institutions
« L’Europe est fatiguée (…) elle s’est lassée. Nous devons l’aider à rajeunir, à trouver ses racines », déclarait le pape François le 15 juin à Rome devant la communauté Sant’Egidio. Cette aide, le pape compte l’apporter à l’occasion d’un déplacement au Parlement européen, à Strasbourg, le 25 novembre. L’annonce, jusqu’ici tenue secrète, a été donnée officiellement jeudi matin 11 septembre par l’actuel président de l’hémicycle européen, Martin Schulz, et aussitôt confirmée par le directeur de la Salle de presse du Saint-Siège, le P. Federico Lombardi.
Le pape s’adressera aux 751 députés issus du scrutin de juin à l’occasion d’une « séance solennelle », comme le Parlement européen en tient durant ses séances plénières mensuelles. « Cela correspond à un moment où la nouvelle Commission Juncker devrait tout juste rentrer en fonction et où la nouvelle législature aura pris son rythme de croisière », explique une source diplomatique européenne, se référant au récent renouvellement des dirigeants des institutions européennes.
La visite, qui se déroulera 25 ans après la chute du mur de Berlin, survient aussi durant la présidence italienne du Conseil de l’UE menée par Matteo Renzi. Il ne s’agit pas toutefois d’une visite en France.
UNE VISITE PRÉPARÉE EN TOUTE DISCRÉTION
« Cette décision de venir à Strasbourg avant toute autre visite individuelle dans un État membre de l’UE est en soi un signal fort », a réagi le cardinal Reinhard Marx, président de la Conférence des épiscopats de la Communauté européenne (Comece), cité comme l’un des possibles artisans de cette venue du pape, dont il est un proche. « Le pape François marque ainsi son soutien et son encouragement à la poursuite du projet d’intégration et d’unité de l’Europe », poursuit l’archevêque de Munich dans son communiqué : il « reconnaît ainsi le caractère unique des institutions européennes dans la vie de notre continent ».
Préparée en toute discrétion durant le mois d’août, par l’entremise notamment du nonce apostolique à Bruxelles, Mgr Alain Lebeaupin, cette visite était loin d’être acquise. Plusieurs diplomates des pays de l’Union près le Saint-Siège restaient jusqu’alors dans la « désillusion », selon l’un d’eux, jugeant que ce pape non-Européen ne prêtait guère d’intérêt à une construction étrangère à sa culture latino-américaine.
« L’Europe, la confiance ou la méfiance dans l’Europe. Également l’euro, certains veulent retourner en arrière… Je ne comprends pas bien toutes ces choses », avait reconnu Jorge Bergoglio, interrogé au lendemain des élections européennes marquées par une vague populiste. Une attitude qui tranchait avec la préoccupation de ses deux prédécesseurs, Benoît XVI et Jean-Paul II, qui s’exprima devant les députés européens le 11 octobre 1988.
« CE PAPE PLAÎT AUSSI À LA GAUCHE »
C’est à l’occasion du 25e anniversaire de cette visite, jour pour jour, que Martin Schulz vint à Rome inviter officiellement le nouveau pape. Le Vatican, devenu relativement critique à l’égard de plusieurs législations européennes, voulait alors laisser passer le temps des élections européennes. Sans pour autant fermer la porte. « Ce pape va apprendre l’Europe comme Jean-Paul II a dû apprendre l’œcuménisme », prédisait tout récemment un cardinal allemand établi à Rome.
Dans l’entourage de Martin Schulz, jeudi, on se disait confiant quant à l’accueil cordial que les députés européens réserveront au pape François : « Ce pape plaît aussi à la gauche. Il est prêt à prendre des risques et diffère de son prédécesseur ». Si Benoît XVI a aussi été invité à Strasbourg par le chrétien-démocrate allemand, Hans-Gert Pöttering, qui présidait alors le Parlement européen, il s’est gardé d’en franchir le seuil, redoutant un hémicycle hostile.
LE PAPE NE MANQUE PAS DE SE PRONONCER SUR LES SUJETS CONTROVERSÉS
Populaire très au-delà des cercles catholiques depuis son élection, le pape François ne manque pas pour autant de se prononcer sur les sujets controversés, telles les racines de l’Europe qu’il pourrait à nouveau évoquer. Il n’a jamais employé pour autant explicitement à ce sujet l’expression de « racines chrétiennes », associant celles-ci d’abord à l’accueil des plus pauvres et des étrangers.
« Je vois ici de nombreux "nouveaux européens" », avait-il observé dans son discours à Sant’Egidio du 15 juin, à propos « des migrants arrivés après des voyages douloureux et dangereux. » Le même jour, il annonçait plus tôt son premier déplacement hors d’Italie en Europe, créant de nouveau la surprise en choisissant l’Albanie.
Le pape se rendra le 21 septembre dans la capitale de ce petit pays pauvre en marge du continent, où coexistent bien musulmans et chrétiens mais où la pratique religieuse est faible. Dans la foulée de sa visite à Strasbourg, il devrait se rendre, à la fin de la même semaine, en Turquie.
Sébastien Maillard, à Rome
11/9/14 - 16 H 32 - Mis à jour le 11/9/14 - 16 H 36
http://www.la-croix.com/Religion/Actualite/Le-pape-Francois-va-s-adresser-aux-Europeens-depuis-Strasbourg-2014-09-11-1204693