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| L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L | |
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Miséricorde de Dieu
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| Sujet: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L Mar 27 Oct - 4:49 | |
| Rappel du premier message :
A LA BIENHEUREUSE VIERGE MARIE MÈRE DE DIEU patronne de la bonne mort en signe de profonde gratitude et d'humble obéissance.
PREMIÈRE PARTIE LA PROFONDEUR DE L'AME ET LA VIE PRÉSENTE
Pour procéder avec ordre, considérons d'abord les profondeurs de la sensibilité éclairée par la connaissance sensible, puis celle de la volonté éclairée par l'intelligence. Le progrès des vertus acquises, plus encore celui des vertus infuses ou surnaturelles nous manifestent ces profondeurs, en particulier le progrès de la charité dans l'âme des Saints, soit aux heures d'épreuves, soit dans leurs joies et leur apostolat débordant.
CHAPITRE I - LA SENSIBILITÉ ET LA CONNAISSANCE SENSIBLE
La sensibilité, principe des émotions et des passions, est, comme les sens et l'imagination, commune à l'homme et à l'animal. On l'appelle aussi appétit sensitif, pour la distinguer de la volonté spirituelle, commune à l'homme, à l'ange et à Dieu, et qui en nous mérite le nom d'appétit rationnel.
Les mouvements de l'appétit sensitif, émotions et passions, se produisent du fait que les sens ou l'imagination nous proposent un objet sensible, soit attrayant, soit redoutable. Ainsi l'animal désire sa nourriture, et chez lui l'émotion et la passion ont tantôt une forme douce, comme chez la colombe ou chez l'agneau, tantôt une forme violente, comme chez le loup, le tigre ou le lion.
Parmi les passions, la première de toutes, supposée par les autres, est l'amour sensitif ; par exemple chez l'animal, celui de la nourriture dont il a besoin. De cet amour naît le désir, la joie, l'espoir, l'audace ou la haine de ce qui lui est contraire, l'aversion, la tristesse, le désespoir, la crainte, la colère.
La passion n'est pas toujours vive, véhémente, dominatrice, mais elle peut le devenir. Chez l'homme les passions doivent être réglées, disciplinées par la droite raison et la volonté ; elles sont alors des forces utiles, pour défendre une grande cause. Mais au contraire les passions déréglées ou indisciplinées deviennent des vices ; l'amour sensitif devient gourmandise et luxure ; l'aversion devient jalousie et envie ; l'audace devient témérité ; la crainte devient lâcheté ou pusillanimité.
On voit alors, soit dans l'ordre du bien, soit dans celui du mal, la profondeur de la sensibilité. Cette profondeur apparaît déjà dans l'animal, dans l'amour et la haine ; par exemple chez le lion qui désire sa proie, ou chez la lionne qui défend ses petits, par l'amour instinctif de la conservation de son espèce.
Mais cette profondeur de la sensibilité apparaît plus encore chez l'homme, car chez lui au-dessus de l'imagination, il y a l'intelligence qui conçoit le bien universel, et la volonté qui désire un bien sans limite lequel n'est réalisé qu'en Dieu. Si donc l'homme, par sa volonté, ne suit pas le droit chemin, s'il cherche le bonheur suprême, non pas en Dieu, mais dans les créatures, alors sa concupiscence devient insatiable, car elle poursuit un bien apparent, qu'elle désire sans bornes.
Si la volonté, faite pour aimer le bien suprême et son rayonnement universel, est dévoyée, alors sa tendance vers l'universel se retrouve dans sa déviation. Cette faculté supérieure devenue folle influe lamentablement sur les autres. C'est une triste preuve, mais encore une preuve, de la spiritualité de l'âme, comme un souvenir de sa grandeur en sa déchéance.
Saint Thomas dit à ce sujet : « La concupiscence naturelle, ou véritablement fondée sur notre nature, ne peut être infinie, car elle porte sur ce qu'exige notre nature et celle-ci ne demande qu'un bien sensible limité ; aussi jamais l'homme ne désire une nourriture infinie, ni un breuvage infini. Au contraire la concupiscence qui n'est pas naturelle, ou fondée sur notre nature, peut-être infinie ; elle procède en effet d'une raison dévoyée qui conçoit l'universel sans limites. Ainsi celui qui désire les richesses, peut les désirer sans fin, il peut désirer devenir toujours plus riche. C'est ce qui arrive chez celui qui met sa fin dernière dans les richesses (Cf. SAINT THOMAS Ia, IIae, q. 3o, a. 4.).
Source : Livres-mystiques.com
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| Sujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L Ven 19 Fév - 17:12 | |
| QUATRIÈME PARTIE
CHAPITRE VI - L'ÉTAT DES AMES DU PURGATOIRE
DESCRIPTION DE L'ÉTAT DES AMES DU PURGATOIRE PAR SAINTE CATHERINE DE GÊNES
Ch. XVII. Ainsi éclairées sur la nécessité de la réparation, elles voudraient dire aux mortels : « O misérables créatures, pourquoi êtes-vous si aveuglées par les choses passagères, que vous ne fassiez aucune provision pour la grande nécessité qui tombera sur vous. Vous dites : « Je me confesserai, je gagnerai une indulgence plénière et je serai sauvée ».
Rappelez-vous que l'entière confession et la parfaite contrition requises pour gagner l'indulgence plénière ne s'atteignent pas si facilement.
Ch. XVIII. Ces âmes souffrent leurs peines si volontiers, qu'elles ne voudraient pas les alléger le moins du monde, sachant combien justement elles les ont méritées.
Ch. XIX. Cette sorte de purification à laquelle je vois sujettes les âmes du purgatoire, je l'expérimente en moi-même depuis deux ans... Tout ce qui m'était un allègement corporel ou spirituel m'a été graduellement enlevé... Finalement pour conclure comprenez bien que tout ce qui est humain est entièrement transformé par notre Dieu tout puissant et Miséricordieux, et que c'est l'œuvre du purgatoire. ».
Une autre mystique, Mère Marie de Saint-Augustin, religieuse anglaise des Auxiliatrices du purgatoire, a comparé les âmes de l'Église souffrante avec Marie-Madeleine au pied de la Croix. (The divine Crucible of Purgatory, by MOTHER MARY OF ST-AUGUSTIN, Helper of the Holy Souls, Revised and edited by Nicolas Ryan, S. J. New York, 1940, p. 61.)
Voici ce qu'elle a écrit : « Marie-Madeleine, la pénitente, n'était-elle pas remplie, au pied de la Croix, de cette lumière si pénétrante, (par laquelle les âmes du purgatoire voient la malice du péché) ? Elle était devant le Crucifié comme un miroir vivant, (la douleur du Sauveur passait en elle), et elle restait sans mouvement les yeux levés vers Lui.
La sublimité de la révélation, qu'elle reçut alors, dépasse toute parole, toute pensée, tout sentiment. La sainteté ineffable du Christ, sa douleur immense et sa paix rayonnaient sur elle et l'enveloppaient.
Ces trois heures au Calvaire furent son très douloureux purgatoire ; cependant elle n'aurait pas voulu échanger un seul moment de cette union douloureuse pour toutes les joies du Thabor.
En Notre-Seigneur et par Lui, elle expiait ses propres fautes, et pourtant toute réflexion sur elle-même disparaissait ; elle était comme immergée et perdue dans la contemplation de la Lumière (du Verbe fait chair) qui souffrait pour les péchés du monde.
C'était en Lui, mieux qu'en elle-même, qu'elle comprenait ce que signifie le péché pour Dieu et pour l'homme. C'est là vraiment une image des âmes du purgatoire. Cette scène du Calvaire montre la pénétration de la lumière divine dans leurs ténèbres et leur capacité silencieuse de réception par rapport à cette lumière qui descend avec toutes les douleurs de Jésus crucifié.
Elle montre aussi la douleur purifiante et pacifiante que trouvent les personnes vivantes sous l'influence de la Sainteté de Celui qui efface les péchés du monde ».
Source : Livres-mystiques.com
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| Sujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L Dim 21 Fév - 3:05 | |
| QUATRIÈME PARTIE
CHAPITRE VI - L'ÉTAT DES AMES DU PURGATOIRE
DESCRIPTION DE L'ÉTAT DES AMES DU PURGATOIRE PAR SAINTE CATHERINE DE GÊNES
Tout cela nous porte de plus en plus à penser que la purification passive des sens et de l'esprit, décrite par saint Jean de la Croix, doit se faire le plus possible durant la vie terrestre, avec mérite, pour qu'il ne soit pas nécessaire de la subir sans mérite après la mort.
Et donc nous devons généreusement accepter par amour de Dieu les contrariétés de la vie présente ; alors la réparation se fera avec mérite et augmentation de charité, de façon à obtenir au ciel une vue de Dieu plus pénétrante et un amour de Dieu plus intense et plus fort pour l'éternité.
Mais de fait les âmes qui évitent complètement le purgatoire sont probablement bien rares, puisqu'il fut révélé à sainte Thérèse que parmi les très bons religieux qu'elle avait connus, trois seulement l'avait complètement évité.
LE PURGATOIRE DES AMES PARFAITES
Dans son livre, L'Idéal de l'âme fervente, 1920, Mgr A. Saudreau parle du purgatoire des âmes parfaites (p. 53) qui ont encore quelques dettes à payer. « Le Seigneur, dit-il, fait passer ses amis eux-mêmes par des douleurs qui achèvent de les purifier, mais il le fait comme à regret ; et à ces âmes tendrement aimées il ne peut s'empêcher d'accorder des consolations qui adoucissent leurs peines ».
Ainsi Moïse fut puni d'un manque de confiance en Dieu, en mourant avant d'entrer dans la Terre promise, mais le Seigneur le fit monter sur le Mont Nébo pour embrasser d'un regard toute cette contrée, qui était depuis 40 ans l'objet de ses désirs. (Deut., III, 23 ss.)
« Le Seigneur peut, par exemple, montrer de suite aux âmes qui ont été fort généreuses, combien leur générosité lui a été agréable, combien elle a été féconde pour les autres, combien elle leur sera éternellement profitable... Malgré ces adoucissements, il leur reste des souffrances à subir, mais elles les endurent avec un grand amour.
Ainsi saint Laurent sur son gril ressentait d'affreuses douleurs, mais l'ardeur de son amour les lui faisait trouver légères... A mesure que les âmes du purgatoire se purifient, elles apprennent à mieux connaître la bonté ineffable de Dieu, sa sagesse, sa sainteté ennemie des plus petites souillures ; elles comprennent mieux tout ce qui lui est dû de respect, de soumission, de profonde adoration.
Alors, dans leur amour pour la volonté divine, elles finissent par accepter de grand coeur les châtiments que cette volonté sainte leur impose et qu'elles ont si bien mérités » (ibid.).
Les âmes du purgatoire voient en particulier que la divine Providence est toujours irréprochable, même lorsqu'elle permet les plus grands maux, qu'elle pourrait empêcher, car elle ne les permet que pour un plus grand bien, pour la manifestation de la Miséricorde Divine et pour celle de la justice infinie. Ce plus grand bien apparaît de plus en plus à l'âme qui approche du ciel.
Elle saisit de mieux en mieux ce que dit saint Paul (ROM., VIII, 28) : « Toutes choses concourent au bien de ceux qui aiment Dieu », jusqu'à la fin. Même leurs fautes, dit saint Augustin, concourent à leur bien spirituel, car ils s'en humilient comme saint Pierre après son reniement, et plus défiants d'eux-mêmes, ils mettent en Dieu toute leur confiance en s'abandonnant à Lui.
Voir aussi les visions du purgatoire dans le livre déjà cité, Un appel à l'amour : Le Message du Coeur de Jésus au monde et sa messagère Soeur Josepha Menéndez, religieuse coadjutrice de la société du Sacré-Coeur de Jésus 1890-1923. Ed. Apostolat de la prière, Toulouse, 1944.
Source : Livres-mystiques.com
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| Sujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L Dim 21 Fév - 16:15 | |
| QUATRIÈME PARTIE
CHAPITRE VII LA CHARITÉ ENVERS LES AMES DU PURGATOIRE ET LA COMMUNION DES SAINTS
Considérons d'abord le fondement de cette Charité, puis comment elle s'exerce et quels en sont les fruits.
FONDEMENT ET EXCELLENCE DE CETTE CHARITÉ
Saint Thomas énonce le principe de cette doctrine relative aux suffrages pour les morts en disant « Tous les fidèles en état de grâce sont unis par la charité et sont les membres d'un seul corps, celui de l'Eglise.
Or dans un organisme, chaque membre est aidé par les autres, et donc chaque chrétien peut être aidé par le mérite des autres. ( IV Sent., d. 45, q. 2, a 1. qua 2 et Suppl. q. 71, a. 1) « Sans doute, est-il dit ibid., seul Jésus-Christ constitué tête de l'humanité a pu mériter en justice pour nous, mais chaque juste peut aider son prochain par le mérite de convenance ( Ce mérite de convenance est fondé non pas sur la justice, mais sur la charité, qui nous unit à Dieu. En raison de notre charité il accorde un secours à ceux que nous aimons. Cf. Ia, IIae, q. 114, a, 6), les oeuvres satisfactoires et la prière.
Et ce qui est dit du prochain, est vrai des âmes du purgatoire, car elles appartiennent à l'Église souffrante.
C'est un devoir de charité d'aimer Dieu, auteur de la grâce par dessus tout, et d'aimer comme soi-même les enfants de Dieu et ceux appelés à le devenir, tous ceux qui sont appelés à la même béatitude éternelle que nous. Or ces âmes souffrantes sont par la grâce sanctifiante, enfants de Dieu, et elles le sont pour toujours ; la Sainte Trinité habite en elles, Jésus vit en elles intimement.
Nous devons donc les aimer comme notre prochain, d'autant que plusieurs sont de la même famille terrestre que nous, et nous avons des devoirs spéciaux de charité envers les âmes de nos parents défunts.
Cette charité doit s'exercer d'autant plus que ces âmes souffrantes ne peuvent plus rien faire pour elles-mêmes : elles ne peuvent plus mériter, ni satisfaire, ni recevoir les sacrements, ni gagner des indulgences ; elles ne peuvent qu'accepter et offrir leur souffrance ou satispassion. Et alors il convient grandement de les aider.
C'est ce que comprit particulièrement la fondatrice des Auxiliatrices du purgatoire. Encore enfant, elle disait à ses amies : « Si l'une de nous était dans une prison de feu et qu'il nous fut possible de la faire sortir, en disant un mot, comme nous le ferions vite, n'est-ce pas ?... Voilà pourtant ce qu'est le purgatoire, les âmes sont dans une prison de feu, mais le bon Dieu, qui les tient enfermées, ne demande qu'une prière pour leur ouvrir, et cette prière nous ne la disons pas ». ( La Révérende Mère Marie de Providence, fondatrice de la Société des Auxiliatrices du purgatoire 1825-1871 (Notice. Paris, Gabalda, 1828, P. 7).)
Cette enfant arriva peu à peu à cette intuition : « la délivrance des âmes du purgatoire pour la plus grande gloire de Dieu » ; il faut Lui donner ces âmes qu'Il appelle à Lui. Quelques années plus tard le Curé d'Ars faisait dire à cette jeune fille : « Elle fera bien de fonder un Ordre pour les âmes du purgatoire ; c'est Dieu qui lui a donné l'idée d'un si sublime dévouement... Cet Ordre prendra dans l'Église une rapide extension » .( Cf. Ibid., p. 14.)
Source : Livres-mystiques.com
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| Sujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L Dim 21 Fév - 16:31 | |
| 22 février : Bienheureuse Isabelle de France :
ReligieuseIsabelle de France, naquit en mars 1225, fille du roi de France Louis VIII le Lion et de Blanche de Castille. Dès son plus jeune âge, comme son frère Saint Louis elle reçu une bonne éducation catholique et se fit remarquer par sa piété et sa tempérance. Elle refusa plusieurs partis et fit savoir au pape qu'elle souhaitait garder sa virginité. Il le permit, et lui accorda, par bulle le 26 mai 1254, l’autorisation de se mettre sous la protection des Franciscains. Elle fit construire le monastère de Longchamp achevé en 1259. Les premières clarisses de Saint-Damien venues du monastère de Reims, le 23 juin 1260 vinrent occuper le monastère. S’inspirant de la Règle de Ste Claire d’Assise, elle composa elle-même une règle, un peu moins sévère, qui fut approuvée par Alexandre IV. Saint Bonaventure vint plusieurs fois prêcher au monastère. Isabelle mourut le 23 février 1270. Elle fut béatifiée par Léon X en 1521. Biographie de la Bienheureuse Isabelle de France. https://fr.wikipedia.org/wiki/Isabelle_de_France_%281225-1270%29Litanies royalistes. http://notredamedesneiges.over-blog.com/article-17499356.htmlPrière à la bienheureuse Isabelle de France.https://www.etoilenotredame.org/actualites/priere-du-22-fevrier-sainte-isabelle-de-franceIsabelle de France, sœur de saint Louis. https://journals.openedition.org/medievales/10505 miracles attribués à la Bienheureuse Isabelle de France.http://www.bon-a-tirer.com/volume156/kostathefaine.htmlSAINTS DU 22 FEVRIERhttps://nominis.cef.fr/contenus/fetes/22/2/2021/22-Fevrier-2021.htmlQue Jésus Miséricordieux vous bénisse Miséricorde de Dieu | |
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| Sujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L Lun 22 Fév - 16:24 | |
| QUATRIÈME PARTIE
CHAPITRE VII
FONDEMENT ET EXCELLENCE DE CETTE CHARITÉ
Il faut en outre remarquer avec le P. Faber (Tout Pour Jésus, ch. 9 du Purgatoire, 2.) , qu'en travaillant pour ces âmes souffrantes, on travaille à coup sûr, car elles seront sûrement sauvées ; ce qu'on fait pour elles n'est jamais perdu.
Enfin la charité exercée à leur égard est excellente, car elle contribue à donner à Dieu des âmes qu'Il attire à Lui, et à obtenir à ces âmes le plus grand de tous les dons : Dieu vu face à face ; à leur obtenir plus vite l'éternelle béatitude. En même temps s'accroît la joie accidentelle de Notre-Seigneur, de sa Sainte Mère et des Saints.
COMMENT EXERCER CETTE CHARITÉ ?
Par les suffrages pour les défunts, c'est-à-dire par nos mérites de convenance, par nos prières, nos satisfactions, nos aumônes, en gagnant des indulgences et surtout par le sacrifice de la Messe offert pour le repos de ces âmes.
L'Église même nous donne l'exemple, puisque à chaque messe elle nous fait prier pour elles au Memento des défunts, et en ouvrant largement pour elles le trésor des mérites du Christ et des Saints par les indulgences qui leur sont applicables.
« Les indulgences, dit saint Thomas ( Suppl. q. 71, a. 10.), profitent principalement à celui qui accomplit une bonne oeuvre à laquelle une indulgence est attachée ; mais elles profitent aussi secondairement à ceux pour lesquels on fait cette bonne oeuvre ; et rien n'empêche l'Église de les appliquer ainsi aux âmes du purgatoire ».
Le Saint Docteur se demande (Suppl. q. 72) : Les suffrages offerts pour un défunt sont-ils plus profitables pour lui que pour les autres ? - Il répond : à raison de l'intention ils sont plus profitables comme remise de la peine, pour le défunt pour lequel ils sont offerts ; mais à raison de la charité, qui ne doit exclure personne, ils sont plus profitables à d'autres défunts qui ont une plus grande charité, et leur apportent surtout une plus grande consolation. Ils reçoivent plus parce qu'ils sont mieux disposés.
On distingue pour cela le fruit spécial de la messe pour la personne pour laquelle la messe est spécialement appliquée, et le fruit général auquel participent tous les fidèles, et qui n'est certainement pas diminué même si le nombre de ceux qui y participent est très grand.
Saint Thomas se demande aussi ( IV Sent., d. 45, q. 2, a. 4, qa 2 et Suppl. q. 71, a. 13.) : Les suffrages offerts pour plusieurs défunts ensemble, leur sont-ils aussi profitables que s'ils étaient offerts pour un seul d'entr'eux ? Par exemple si une Messe est dite pour vingt ou trente défunts et même pour beaucoup plus ?
Il répond : « A raison de la charité qui les inspire, ces suffrages sont aussi profitables pour beaucoup que s'ils étaient offerts pour un seul, car la charité n'est pas diminuée par cette division, et ainsi une seule messe réjouit aussi bien dix mille âmes du purgatoire qu'une seule.
Mais ces mêmes suffrages comme satisfaction (et remise de la peine) que nous avons l'intention d'appliquer aux défunts, sont plus profitables à celui pour qui ils sont singulièrement offerts » Source : Livres-mystiques.com
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| Sujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L Mar 23 Fév - 17:13 | |
| QUATRIÈME PARTIE
CHAPITRE VII
COMMENT EXERCER CETTE CHARITÉ ?
Elle est du moins la pensée de saint Thomas, jeune, quand il écrit le Commentaire sur le l.IV des Sentences, d. 45, q. 2, a. 4, qa, 2.
Mais à la fin de sa vie, en composant sa Somme III, a. q. 79, a. 5, corp. fin, il dit au sujet du sacrifice de la messe : « Quoique l'oblation de ce sacrifice, par sa propre valeur, suffise à satisfaire pour toute peine, cependant elle est satisfactoire pour ceux pour qui elle est offerte et pour ceux qui l'offrent selon le mesure de leur dévotion, et non pas pour toute la peine ». Cette mesure de dévotion dépend pour les âmes du purgatoire des dispositions qu'elles ont eues au moment de la mort.
Ici saint Thomas ne donne d'autre limite à l'effet satisfactoire de la Messe que la limite de la dévotion de ceux qui l'offrent et de ceux pour qui ils l'offrent. Et l'on admet généralement qu'une seule Messe paroissiale offerte le dimanche pour tous les fidèles très nombreux d'une très grande paroisse est aussi profitable à chacun, selon leur dévotion, que si ces fidèles étaient très peu nombreux comme dans une petite paroisse.
Parmi les grands Commentateurs de saint Thomas in IIIam, q. 79, a. 5, Cajetan, Jean de Saint Thomas, Gonet, les Carmes de Salamanque, insistent sur la valeur infinie de la Messe, à raison de la victime offerte et du prêtre principal qui l'offre, et ils tiennent qu'une seule Messe offerte pour beaucoup de personnes peut être aussi profitable pour chacune (selon la mesure de sa dévotion) que si elle était offerte pour elle seule, comme le soleil éclaire aussi bien sur une place dix mille personnes qu'une seule.
On peut dire proportionnellement la même chose pour les âmes du purgatoire. L'effet d'une cause universelle n'est limité que par la capacité des sujets qui en reçoivent l'influence.
Ainsi une des trois Messes du jour des morts dite pour tous les défunts ensemble, peut être très profitable à des âmes du purgatoire délaissées, pour lesquelles personne ne fait célébrer une Messe spéciale, soit parce qu'on les oublie, soit parce que leurs parents sont trop pauvres. ( De même le Pape demande quelquefois qu'on célèbre quelques messes pour s'acquitter de celles très nombreuses qui avaient été demandées par des legs et des fondations dont il ne reste plus de traces après une révolution.)
FRUITS DE CETTE CHARITÉ
On le voit par le sacrifice de la messe célébrée pour les défunts, nous pouvons faire couler le sang rédempteur sur les pauvres âmes, hâter l'heure de leur délivrance. Or chacune de ces âmes est comme un univers spirituel (unum versus omnia), qui gravite vers Dieu. Nous pouvons les aider à parvenir plus vite jusqu'à Lui. Et si nous ne pouvons faire célébrer le saint sacrifice pour nos défunts, assistons-y à cette intention. Faisons le possible, surtout certains jours de fête, pour gagner pour eux une indulgence plénière puisque ce trésor est ouvert pour leurs âmes, allons y puiser, la charité le demande.
A ce sujet, bien des fidèles croient trop facilement à la prompte délivrance de l'âme de leurs défunts, et au bout d'un mois ne prient plus assez pour eux.
Enfin aidons-les par de multiples actes de vertu, au cours de la journée, par un signe de croix, une aumône, une contrariété acceptée.
Source : Livres-mystiques.com
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| Sujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L Mer 24 Fév - 16:42 | |
| QUATRIÈME PARTIE
CHAPITRE VII
FRUITS DE CETTE CHARITÉ
Pensons aux âmes les plus abandonnées et quelquefois aux plus saintes qui, nous l'avons vu, souffrent beaucoup elles aussi.
Nous entrerons aussi de plus en plus dans le mystère de la Communion des Saints. Dieu accepte tous les actes surnaturels qui montent vers Lui, Il allège la souffrance de ces âmes qui ne peuvent plus rien faire pour elles-mêmes. Il nous récompense aussi de notre charité. Nous verrons ainsi de mieux en mieux le prix de la vie présente, le néant des choses terrestres, la gravité du péché, le besoin de réparation, la valeur de la Croix et de la Messe.
Dieu se plaît à récompenser nos moindres services. De plus ces âmes après leur délivrance ne manqueront pas, par gratitude, de nous aider, et même avant leur délivrance, elles prient pour leurs bienfaiteurs quels qu'ils soient. Elles ont en effet la charité, qui n'exclut personne, et qui leur fait un devoir spécial de prier pour ceux des leurs qui sont restés sur la terre, même si elles n'apprennent plus rien à leur sujet, comme nous prions pour elles sans savoir si elles sont encore en purgatoire. ( Cf. E. HUGON, Tractatus Dogmatici, f. IV de Novissimis, p. 828.)
L'Église dans sa Liturgie ne prie pas les âmes du purgatoire, il n'est cependant pas défendu de les prier d'une façon privée ; mais cela doit rester accessoire, car il faut surtout prier pour elles. En ce sens saint Thomas a dit : « Non sunt in statu orandi, sed magis ut oretur pro eis » II, IIa, q. 83, a, 11, ad 3m. Cf. Dict, Théol. Cath., art. Purgatoire, c. 1315-1318.
On comprend d'après tout ce qui précède que des chrétiens fervents se dépouillent pour les âmes du purgatoire de toutes leurs satisfactions, y compris celles dont on pourrait bénéficier après la mort. Cet acte est justement appelé acte héroïque par la Sainte Église. Aussi ne doit-il pas être fait avec empressement, sans une sérieuse réflexion. Nous pouvons ainsi, comme le conseille saint Louis Marie de Montfort, dans son Traité de la vraie dévotion à la Sainte Vierge, abandonner à Marie tout ce qu'il y a de communicable aux autres âmes en nos bonnes oeuvres méritoires, satisfactoires, en nos prières, pour qu'elle les distribue à son gré, soit pour nous, soit pour d'autres âmes de la terre ou du purgatoire ; sa sagesse le fera incomparablement mieux que nous. Il convient de conseiller cet acte d'offrande, qui n'est pas un voeu, aux âmes intérieures, d'abord pour un an ou deux et puis pour toujours.
Telle est l'excellence et la fécondité de la charité envers les âmes souffrantes ; par elle nous entrons de plus en plus dans le mystère de la Communion des Saints. On voit que ce dogme dérive de la doctrine selon laquelle le Christ est tête des hommes et des anges, tête de l'Église militante, souffrante et triomphante. Aussi tous les fidèles participent aux mérites du Christ, et aux mérites, satisfactions et prières les uns des autres. L'Église apparaît ainsi non seulement comme une société visible, hiérarchique, mais comme le Corps mystique du Sauveur.
C'est le royaume de Dieu annoncé, dans l'Évangile, le royaume où règne la Charité qui fait de tous les fidèles et de tous les Bienheureux une famille vraie, dont Dieu est le Père. Ainsi se réalisent les paroles du Sauveur : « Je suis la vigne, vous êtes les rameaux » Ainsi se réalise son désir « Que tous soient un, comme mon Père et moi, nous sommes un ». Saint Paul voit surtout dans l'Église le Corps mystique dont le Christ est la tête ; il insiste souvent sur les rapports de chaque membre avec la tête et de tous les membres entre eux. Les Pères des trois premiers siècles commentent souvent ces paroles. Finalement saint Augustin et les docteurs du Moyen Age font la synthèse de cet enseignement.
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| Sujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L Jeu 25 Fév - 16:37 | |
| QUATRIÈME PARTIE
CHAPITRE VII FRUITS DE CETTE CHARITÉ
De Dieu trine et un par le Christ, la vie de la grâce descend, comme un fleuve spirituel, sur les âmes de la terre, du purgatoire et du ciel et elle remonte ensuite vers Dieu sous forme d'adoration, de supplication, de réparation et d'action de grâces.
Pratiquement il convient de se dire, en relisant la Parabole du bon Samaritain : il faut exercer ainsi la charité à l'égard de tous ceux que nous pouvons soulager, en particulier à l'égard des âmes du purgatoire.
Le bon Samaritain, en cette parabole, est un vrai miséricordieux, car il est ému de la misère du prochain, et non seulement il est ému, mais il lui porte un secours efficace ; et il mérite lui-même de recevoir la miséricorde de Dieu ; car « bienheureux les Miséricordieux, ils recevront Miséricorde ».
De même nous devons avoir une réelle compassion à l'égard des âmes du purgatoire ; leur porter secours en priant pour elles, en acceptant pour elles les contrariétés quotidiennes, en assistant à la Messe et en faisant le chemin de la croix à leur intention. Ce que nous ferons ainsi pour elles ne sera jamais perdu. Et pour nous aussi se réalisera la parole du Sauveur « Bienheureux les Miséricordieux, car eux aussi obtiendront Miséricorde ». Nous obtiendrons ainsi la grâce d'une sainte mort.
CINQUIÈME PARTIE LE CIEL
La Plénitude de l'éternelle vie Sa fraîcheur toujours nouvelle
Le ciel est le lieu et plus encore l'état de la suprême béatitude. Si Dieu n'avait créé aucun corps mais seulement de purs esprits, le ciel ne serait pas un lieu, mais seulement l'état des anges qui jouissent de la possession de Dieu. ( Un pur esprit n'est dans un lieu que s'il exerce une action sur un corps ; par lui-même un pur esprit est d'un ordre supérieur à l'espace.). De fait le ciel est aussi un lieu, où se trouvent l'humanité de Jésus depuis l'Ascension, la Bienheureuse Vierge Marie depuis l'Assomption, les Anges et les âmes des saints. Bien que nous ne puissions dire avec certitude où se trouve ce lieu par rapport à l'ensemble de l'univers, la Révélation ne permet pas, nous allons le voir, de douter de son existence.
Nous parlerons d'abord de l'existence du ciel ou de la béatitude céleste, puis nous verrons quelle est la nature de cette béatitude, ce qu'est la vision béatifique, l'amour béatifique et la béatitude accidentelle.
CHAPITRE PREMIER - L'EXISTENCE DU CIEL OU DE LA BÉATITUDE CÉLESTE
L'Église enseigne comme vérité de foi, définie par Benoît XII (1336): « les âmes de tous les saints, dans lesquelles il n'y a plus rien à purifier, sont au ciel, même avant la résurrection des corps et le jugement général ; elles voient l'essence divine par une vision intuitive et faciale, sans l'intermédiaire d'aucune créature dont la vue s'interposerait ; par cette vision elles jouissent de l'essence divine,... elles sont vraiment bienheureuses ; elles ont la vie et le repos éternel ». (Denz. 530). Le Concile de Florence (Denz. 693) dit plus brièvement que les âmes en état de grâce après être purifiées, « entrent au ciel, voient clairement Dieu trine et un, comme il est en lui-même, d'une façon plus ou moins parfaite selon la diversité de leurs mérites ». Source : Livres-mystiques.com
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| Sujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L Sam 27 Fév - 3:30 | |
| CINQUIÈME PARTIE
CHAPITRE PREMIER - L'EXISTENCE DU CIEL OU DE LA BÉATITUDE CÉLESTE
LE TÉMOIGNAGE DE L'ÉCRITURE
Dans l'Ancien Testament on trouve une révélation progressive sur la rémunération des justes après la mort ( Cf. Dict. de Théol. Cath., art. Ciel (P.BERNARD) et art. Intuitive (vision) (A. MICHEL).). Cette révélation est encore bien obscure dans les premiers livres, car l'Ancien Testament est ordonné, non pas immédiatement à la vie éternelle, mais à la venue du Sauveur promis, lequel après sa mort, ouvrira aux justes les portes du Ciel. Cela constitue une très grande différence avec le Nouveau Testament où l'expression « vie éternelle » est fréquente, tandis qu'elle est rare dans l'Ancien.
Avant les Prophètes il est dit que les âmes des défunts descendent dans le scheol, où elles ne méritent plus ; la récompense réservée aux bons se précise peu à peu en opposition avec les châtiments des impies. Il est dit dans la GEN., XXV, 9., qu'Abraham, après sa mort, « fut réuni à son peuple ». Le Seigneur est appelé « le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob » et sa bénédiction reste sur eux, cf. GEN., XXVI, 24, XLVI, 1, 3, EXOD., III, 6, IV, 5. De plus on lit plusieurs fois de Jahveh « qu'il conduit au scheol et qu'il en ramène », qu'il « fait mourir et qu'il vivifie » Deut., XXXII, 39; I. REG., II, 6 ; IV. REG., V, 7. De Moïse il est dit qu'après sa mort « il sera réuni à son peuple » Deut., XXXII, 50.
Les Prophètes parlent plus clairement de la récompense réservée aux justes après la mort. ISAIE, LXV, 17 ; XXX, 10, dit : « les cieux et la terre seront renouvelés et la joie des élus sera éternelle ». DANIEL, II, 44 : « Le Dieu du ciel suscitera un royaume qui ne sera jamais détruit » ; VII, 18 : « les Saints du Très-Haut recevront le royaume, ils le posséderont à jamais, pour une éternité d'éternités » ; VII, 27: « Et toutes les puissances le serviront et lui obéiront ».
Au livre de la SAGESSE III, 1-9 on lit : « Les âmes des justes sont dans la main de Dieu..., elles sont dans la paix. Dieu les a trouvées dignes de lui. Ses fidèles habiteront avec lui dans l'amour, car la grâce et la Miséricorde sont pour ses élus ».
Le Ps. X, 7 dit de même : « Le Seigneur est juste, il aime sa justice ; les hommes droits contempleront sa face ». Ps. XV, 7 : « Il y a une plénitude de joie devant ta face, des délices éternelles dans ta droite ». Ps. XVI, 15 : « Pour moi, dans mon innocence je serai devant toi et mes désirs seront assouvis lorsque ta gloire apparaîtra ». Ps. XLVIII, 16 : « Dieu rachètera mon âme de la puissance du scheol, car il me prendra avec lui ».
Le Nouveau Testament est l'annonce prochaine du royaume des cieux, où « ceux qui ont le coeur pur verront Dieu » et seront semblables aux « anges qui voient la face du Père » MATTH., V, 3, 8, 12 ; XVI, 27 ; XII, 30 ; XVIII, 10, 43 ; XXV, 24 ; MARC, XII, 25 ; LUC, XVI, 22-25, XIX, 12-27. Seuls les justes feront partie du royaume, ils régneront avec Jésus-Christ qui est déjà monté au Ciel. Act. I, 2, 9, 11; HEBR. XII, 26.
SAINT PAUL dit I. COR., XIII, 8-12: « La charité durera éternellement... maintenant (par la foi) nous voyons Dieu dans un miroir, d'une manière obscure, mais alors nous le verrons face à face ; aujourd'hui je le connais en partie, mais alors je le connaîtrai comme je suis connu ». Or Dieu nous connaît immédiatement, nous le connaîtrons donc immédiatement nous aussi. Saint Paul dit encore I. COR. II, 9, que l'objet de cette vision dépasse tout ce que l'œil peut voir, l'oreille entendre et le coeur désirer. - II. COR. V, 6-8, il oppose à la foi, la claire vue de Dieu et la jouissance de sa présence. Cependant chacun « recevra sa récompense selon son propre travail ». I. COR. III, 8.
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| Sujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L Dim 28 Fév - 3:10 | |
| CINQUIÈME PARTIE
CHAPITRE PREMIER - L'EXISTENCE DU CIEL OU DE LA BÉATITUDE CÉLESTE
LE TÉMOIGNAGE DE L'ÉCRITURE
Saint Jean rapporte dans le IVe ÉVANGILE XVII, 3, cette parole de Jésus : « La vie éternelle c'est qu'ils vous connaissent vous, le seul vrai Dieu, et Celui que vous avez envoyé, Jésus-Christ ». - Dans la Ire de ses ÉPITRES, III, 2, il dit : « Nous serons semblables à Dieu, car nous le verrons tel qu'il est ». - Dans l'Apoc., XXII, 1-4, on lit : « Dans la Jérusalem céleste sera le trône de Dieu et de l'Agneau, ses serviteurs le serviront et ils le verront face à face ».
Depuis la Genèse jusqu'à ce dernier livre du Nouveau Testament on voit la continuité de cette révélation ; elle est comme un fleuve, dont la source ne permet pas encore de prévoir ce qu'il sera, mais qui devient de plus en plus large, majestueux et puissant. Le sens plein de ces paroles divines se manifeste de plus en plus à la contemplation des âmes intérieures et n'apparaîtra tout à fait qu'au moment de l'entrée au ciel.
TÉMOIGNAGE DE LA TRADITION
L'existence de la vision béatifique est affirmée d'une façon claire et explicite par les Pères dès l'âge apostolique ( Cf. Dict. Théol. Cath, art. Ciel, col. 2478-2503, art, Intuitive (vision), o. 2369 ss. - R. DE JOURNEL, Ench. patrist. index théol. n. 606-612.). Une grande pensée anime tous les écrits de saint Ignace d'Antioche, celle de la possession de Dieu dans la pure lumière ( AD ROM., II, 2 ; IV, I ; VI, 2 ; AD EPHES., X, I ; AD SMYRN., IX, 2.). Saint Polycarpe attend aussi la récompense promise aux martyrs, la réunion avec le Christ, à la droite de Dieu ( AD PHIL. II, I ; V, 2 ; IX, 2.).
Si l'erreur millénariste est accueillie par les premiers apologistes comme saint Justin et Tertullien, s'ils pensent que l'entrée des justes dans le royaume des cieux est retardée jusqu'à la résurrection générale et au dernier jugement, ils ne mettent pas en doute l'existence du ciel, les millénaristes non plus. Et même dès les premiers siècles, bien des Pères affirment que les âmes des martyrs sitôt après la mort jouissent de la possession de Dieu, sans attendre la résurrection générale, et au IVe siècle cette doctrine est communément reçue. ( Les millénaristes croyaient que le Christ régnerait mille ans sur la terre, avant ou après le dernier jugement, ce qui est contraire à tout le chapitre XXV de saint Matthieu et à Matthieu XVI, 27, où il est dit que le second avènement du Christ aura lieu juste avant le jugement dernier, après lequel il n'y a aucune place pour un règne de mille ans sur la terre. L'erreur millénariste a été réfutée par Origène, saint Jérôme, saint Augustin et tous les scolastiques. )
Parmi les Pères anténicéens qui ont le plus clairement affirmé l'existence de la vision béatifique, il faut citer saint Irénée qui écrit : « Ce que Dieu accorde à ceux qui l'aiment, c'est de le voir, comme l'ont annoncé les prophètes. L'homme par lui-même ne peut pas voir Dieu, mais Dieu veut être vu par nous, et il l'accorde à ceux qu'il veut, quand il le veut et comme il le veut » ( Adv. Haeres,, IV, 20, 5 (JOURNEL, 236), cf. ibid., V, 31, 2 ; III, 12, 3.). Saint Hippolyte parle de même.
Dans l'école d'Alexandrie, Clément d'Alexandrie dit qu'aux élus est réservée la vision de Dieu par la grâce du Christ. ( Strom., V, I.). Origène affirme aussi qu'ils ont la claire vue de Dieu. ( De princ., l.II, c, II.).
Saint jean Chrysostome est moins clair, mais il redit les paroles de saint Paul : « videbimus Deum non in aenigmate neque per speculum, sed facie ad faciem » ( Epist. 5 ad Theodorum Lapsum, c. 7.).
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| Sujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L Dim 28 Fév - 16:43 | |
| CINQUIÈME PARTIE CHAPITRE PREMIER - L'EXISTENCE DU CIEL OU DE LA BÉATITUDE CÉLESTE
TÉMOIGNAGE DE LA TRADITION
En Afrique, saint Cyprien écrit : « Quelle gloire et quelle joie d'être admis à voir Dieu, d'être honoré avec le Christ Notre Seigneur ; ce sera la joie du salut et de la lumière éternelle, avec les justes et tous les amis de Dieu dans ce royaume où l'immortalité est assurée... Lorsque la lumière de Dieu brillera sur nous, nous serons heureux d'un bonheur inconcevable, et participerons pour toujours au règne du Christ » ( Epist. LVI, ad Thibaritanos, 10 (JOURNEL, 579).).
Saint Augustin redit souvent et avec le relief le plus saisissant que tous les saints au Ciel, comme les anges, jouissent de la vue de Dieu avec le Christ». ( De Civ. Dei, l.XX, c. 9, n. - Enarr. in Ps. XXX, serm. III, 8 ; Epist. 112.)
RAISONS DE CONVENANCE DE LA POSSIBILITÉ ET DE L'EXISTENCE DE LA VISION BÉATIFIQUE
Au moyen âge, au XIIe siècle des hérétiques comme Amaury de Bène soutinrent que notre intelligence et l'intelligence angélique, même aidées d'une lumière surnaturelle, ne peuvent voir Dieu immédiatement, mais seulement le rayonnement créé de l'essence divine, comme l'oeil de l'oiseau de nuit est trop faible pour voir le soleil. - D'autres, au contraire, comme les Béguards, disaient que la vision béatifique est due à notre nature et n'exige pas une lumière surnaturelle (Denz., 475). - Selon l'Église, la vérité est comme un sommet qui s'élève au milieu et au-dessus de ces positions contraires l'une à l'autre ; en d'autres termes, la vision béatifique est une vue immédiate de Dieu, mais elle est essentiellement surnaturelle (Denz., 530. 475).
Que s'ensuit-il pour la question qui nous occupe ?
La raison par ses seules forces ne peut démontrer l'existence de la vision béatifique, car celle-ci est un don gratuit, qui dépend du libre arbitre de Dieu, et qui n'est point dû à notre nature ni à celle des anges, comme l'a nettement affirmé l'Église contre Baius (Denz. 1001-1004, 1021-1024). L'objet de la vision béatifique n'est autre en effet que l'objet même de la connaissance incréée de Dieu, il dépasse donc l'objet naturel de toute intelligence créée et créable, qui est immensément inférieure à Dieu.
La raison par ses seules forces, selon la plupart des théologiens et surtout des thomistes, ne peut pas non plus prouver positivement et apodictiquement la possibilité de la vision béatifique, car celle-ci est, non seulement gratuite comme l'est déjà le miracle, mais essentiellement surnaturelle, comme la grâce qu'elle suppose. Ainsi que les mystères de la T. S. Trinité, de l'Incarnation, de la Rédemption, elle dépasse la sphère du démontrable. Tandis que le miracle naturellement connaissable n'est surnaturel que par le mode de sa production (par exemple la résurrection rend surnaturellement au cadavre la vie naturelle), la vision béatifique, comme la grâce et la lumière de gloire qu'elle exige, est surnaturelle par son essence même ; elle dépasse donc la portée de nos démonstrations comme les mystères proprement dits (cf. Conc. Vat., Denz., 1816). Nous avons longuement établi ailleurs ce point de doctrine. Cf. De Deo uno, 1938, p. 264-269.
Cependant les plus grands théologiens, en particulier saint Thomas ont donné des raisons de convenance de la possibilité et de l'existence de la vision béatifique, surtout une raison fort profonde, qui constitue une très sérieuse probabilité et qui peut être toujours scrutée davantage, sans pourtant jamais arriver à fournir une démonstration rigoureuse; ainsi on peut toujours multiplier les côtés du polygone inscrit dans la circonférence, sans qu'il s'identifie jamais avec celle-ci.
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| Sujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L Lun 1 Mar - 17:17 | |
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RAISONS DE CONVENANCE DE LA POSSIBILITÉ ET DE L'EXISTENCE DE LA VISION BÉATIFIQUE
Cette raison de convenance est celle qu'expose saint Thomas, Ia, q. 12, a. 1 : « Il y a dans l'homme un désir naturel de connaître la cause, lorsqu'il voit l'effet, de là naît l'étonnement tant que la cause n'est pas connue. Si donc l'intelligence humaine ne peut arriver à connaître la cause première de toutes choses, ce désir naturel demeurera vain ».
Saint Thomas dit plus explicitement Ia, IIae, q. 3, a. 8 : « L'objet de l'intelligence est l'essence ou nature des choses, et cette faculté s'approche d'autant plus de sa perfection qu'elle connaît mieux l'essence des choses. Aussi lorsque nous connaissons un effet, il y a en nous un désir naturel de connaître l'essence ou nature de sa cause... Si donc nous ne pouvons arriver à connaître l'essence de la Cause première, mais seulement son existence, ce désir naturel ne sera pas complètement satisfait et l'homme ne sera pas parfaitement heureux ». Cf. C. Gentes, l.III, c. 50.
On a beaucoup écrit sur cet argument ; nous l'avons longuement examiné ailleurs : De Revelatione 2a, éd. 1925, t. I, PP. 384-403. Nous ne disons ici que l'essentiel.
Ce désir naturel ne saurait être un désir efficace ou d'exigence, car la vision béatifique est un don gratuit, comme l'Église l'a affirmé contre Baius. (Dent., 1021). Mais c'est un désir conditionnel et inefficace : s'il plaît à Dieu de nous accorder ce don gratuit ; ainsi le cultivateur désire la pluie, si la Providence veut bien l'accorder.
Ce désir fonde un sérieux argument de convenance en faveur de l'existence de la vision béatifique ; mais il ne prouve pas positivement et apodictiquement, même la simple possibilité de celle-ci, car cette vision est essentiellement surnaturelle comme la grâce et la lumière de gloire qu'elle suppose et exige ; et démontrer sa possibilité ce serait prouver apodictiquement la possibilité de la grâce et de la lumière de gloire qui dépassent la sphère du démontrable.
Du moins cet argument montre que nul ne peut établir l'impossibilité de la vision béatifique, il permet de réfuter les raisons contraires, et c'est beaucoup.
On s'explique mieux la chose en remarquant que déjà le philosophe par la seule raison peut prouver avec certitude l'existence de Dieu et de ses principaux attributs. Mais il reste une grande obscurité sur la conciliation intime de ces attributs, en particulier sur la conciliation de l'immutabilité absolue et de la souveraine liberté, sur celle de l'infinie justice et de l'infinie Miséricorde, sur celle de la toute puissante bonté et de la permission divine des plus grands maux d'ordre physique et d'ordre moral.
D'où le désir naturel, conditionnel et inefficace, de voir l'essence même de la Cause première, car seule cette vision immédiate montrerait l'intime conciliation de ces attributs divins dont l'essence de Dieu est le principe, et qui sont contenues formellement dans son éminence.
Ce désir naturel de voir Dieu a été admirablement exprimé par Platon dans le Banquet, c. 29 (211, c.), lorsqu'il dit qu'il faut s'élever de l'amour du beau sensible, à l'amour de la beauté intellectuelle et morale, et à l'amour de la Beauté suprême, éternellement subsistante en elle-même.
Il conclut : « Que penser d'un mortel à qui il serait donné de contempler la beauté pure, simple, sans mélange, non revêtue de chairs et de couleurs humaines et de toutes les autres vanités périssables, mais la Beauté divine elle-même ?... Ne crois-tu pas que cet homme, étant le seul qui perçoive le beau par la faculté à laquelle le beau est perceptible, pourra seul engendrer, non pas des images de vertu, mais des vertus véritables, puisque c'est à la vérité qu'il s'attache ? Or, c'est à celui qui enfante et nourrit la véritable vertu qu'il appartient d'être chéri de Dieu ; et si quelque homme doit être immortel, c'est celui-là surtout ».
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| Sujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L Mar 2 Mar - 17:23 | |
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RAISONS DE CONVENANCE DE LA POSSIBILITÉ ET DE L'EXISTENCE DE LA VISION BÉATIFIQUE
Ces paroles de Platon sont confirmées à leur tour par les aspirations de l'âme humaine qui se retrouvent, quoique souvent altérées, en bien des religions.
Cet argument de convenance en faveur de la possibilité et de l'existence de la vision béatifique peut se proposer indépendamment de la révélation divine et sans supposer que nous avons été appelés à la vie de la grâce ; bien plus, cet argument montre lui-même la convenance de notre élévation à cette vie surnaturelle.
Mais en supposant cette élévation, nous pouvons dire aussi : il y a en nous un désir connaturel de voir Dieu, qui procède de la grâce (seconde nature), de l'espérance infuse et de la charité. La grâce en effet est le germe de la gloire et ce germe tend par lui-même vers son épanouissement dernier. Ce n'est plus seulement alors un désir conditionnel et inefficace, mais un désir qui doit aboutir, si non chez chacun des justes, car plusieurs peuvent défaillir et ne pas continuer à répondre à l'appel divin, du moins chez un bon nombre d'entre eux qui seront fidèles.
Cette raison est d'autant plus forte que Jésus dit à plusieurs reprises en l'Évangile de saint Jean « Celui qui croit en moi (d'une foi vive, unie à la charité) a la vie éternelle » (I. JOAN., III, 36 ; V, 24 ; VI, 40, 47). Il a déjà la vie éternelle commencée, car la foi infuse tend à la vision que nous espérons ; de plus la grâce sanctifiante et la charité, qui sont dans le juste, de soi, doivent durer éternellement, et de fait dureraient toujours si le vase fragile, dans lequel elles sont reçues, ne venait lui-même à se briser, si la volonté ne se détournait pas de Dieu par le péché mortel et quelquefois pour toujours.
Quoi qu'il en soit de ces chutes, la vie de la grâce ici-bas est la même en son fond que la vie du ciel, comme le germe contenu dans le gland est de même nature que le chêne pleinement développé qui sortira de lui. C'est la même vie en son fond, car lorsque la foi aura fait place à la vision, et l'espérance à la possession de Dieu, la grâce sanctifiante et la charité, qui dès maintenant sont dans le juste, dureront éternellement. « Caritas nunquam excidit », I. COR., XIII, 8.
Ce désir connaturel et surnaturel, procédant de la grâce, seconde nature, est constamment renouvelé en nous par la parole du Sauveur: « Demandez et vous recevrez, cherchez et vous trouverez ». C'est ce désir que saint Augustin exprime en disant : « Fecisti nos, Domine, ad te, et irrequietum est cor nostrum, donec requiescat in te » ( Confess., l. I, c. 1). Notre cœur reste sans repos, Seigneur, jusqu'à ce qu'il se repose en toi.
Voilà ce que la Révélation fait dire au croyant, ce qui confirme grandement l'argument de convenance que nous avons développé un peu plus haut du seul point de vue rationnel. On s'explique dès lors avec quelle fermeté l'Église (Denz. 530) a répondu à ceux qui considéraient comme impossible la vision immédiate de Dieu et qui disaient que les bienheureux ne peuvent voir que le rayonnement créé de la divine essence, comme les oiseaux de nuit sont incapables de supporter la splendeur du soleil.
Certes cela est vrai de toute intelligence créée et créable laissée à ses seules forces naturelles, mais ce n'est pas vrai de l'intelligence créée surnaturalisée par la grâce consommée et la lumière de gloire qui sont une participation de la nature ou de la vie intime de Dieu.
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| Sujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L Mer 3 Mar - 17:23 | |
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CHAPITRE II - QUELLE EST LA NATURE DE L'ÉTERNELLE BÉATITUDE ?
Il faut la considérer d'abord du côté de l'objet capable de nous rendre pleinement heureux, et ensuite du côté du sujet et de ses facultés. ( Cf. Dict. Théol. Cath., art. Béatitude (A. GARDEIL).)
LA BÉATITUDE DU CÔTÉ DE SON OBJET
Saint Thomas définit l'objet de la béatitude: « le bien parfait qui donne le repos et satisfait pleinement le désir de l'être raisonnable ». ( « Bonum perfectum totaliter quietans et satians appetitum » Ia, IIae, q. 2, a. 8.).
Et il ajoute : « seul le bien incréé et infini peut satisfaire pleinement le désir d'une créature qui, par l'intelligence, conçoit le bien universel ».
Tandis que le vrai est formellement dans l'esprit qui juge en conformité avec les choses, le bien, objet de la volonté, est dans les choses bonnes ; le désir naturel ou connaturel de la volonté se porte donc, non pas vers l'idée abstraite du bien, mais vers le bien réel, et il ne peut trouver la vraie béatitude en aucun bien fini et limité, mais seulement dans le Souverain Bien, qui est le bien universel par son être même ou sa Perfection, et la source de tous les autres. ( Solus Deus est bonum universale, non in praedicando, sed in essendo et in causando.).
Il est impossible que l'homme trouve le vrai bonheur qu'il désire naturellement, en aucun bien limité (plaisirs, richesses, honneur, gloire, pouvoir, connaissance de sciences, etc.), car notre intelligence, constatant aussitôt la limite, conçoit un bien supérieur et nous porte à le désirer. Il faut le redire : notre volonté, éclairée par l'intelligence, est d'une profondeur sans mesure, que Dieu seul peut combler.
C'est ce qui faisait dire à saint Augustin ( Conf., l. V, c. IV.) : « Malheureux celui qui connaît toutes ces choses et qui ne vous connaît pas, mon Dieu ; bienheureux celui qui vous connaît, quoiqu'il les ignore. Et quant à celui qui vous connaît et connaît aussi ces choses, il n'est pas plus heureux pour les connaître, mais c'est la seule connaissance qu'il a de vous qui le rend heureux, pourvu qu'en vous connaissant comme Dieu, il vous glorifie aussi comme Dieu, qu'il vous rende grâces de vos dons et ne se perde pas dans la vanité de ses pensées ».
On distingue la béatitude naturelle et la béatitude surnaturelle.
La béatitude naturelle consiste dans la connaissance et l'amour de Dieu, auxquels on parviendrait par les seules facultés naturelles.
Et si l'homme avait été créé dans un état purement naturel, il aurait, par sa fidélité au devoir, mérité cette béatitude : une connaissance naturelle de Dieu par le reflet de ses perfections dans les créatures, connaissance sans mélange d'erreur, et un amour raisonnable de Dieu, auteur de la nature, de Dieu créateur, amour fait de respect, de soumission, de fidélité, de la reconnaissance, non pas du fils, mais du bon serviteur à l'égard du meilleur des Maîtres.
La béatitude surnaturelle, celle dont nous parlons, dépasse sans mesure les forces naturelles et les exigences de toute nature créée, même des natures angéliques les plus hautes et de celles que Dieu pourrait encore créer.
Elle consiste dans une participation de la béatitude même de Dieu, de celle dont Il jouit en se voyant et en s'aimant lui-même de toute éternité. Ainsi est-il dit dans la parabole des talents, au bon serviteur : « intra in gaudium Domini tui, entre dans la béatitude même de ton maître ». MATTH., XXV, 21, prends part à ma béatitude même.
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| Sujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L Jeu 4 Mar - 16:57 | |
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CHAPITRE II - QUELLE EST LA NATURE DE L'ÉTERNELLE BÉATITUDE ?
LA BÉATITUDE DU CÔTÉ DE SON OBJET
Nous sommes appelés à voir Dieu comme il se voit, à l'aimer comme il s'aime. Vraiment la profondeur de notre volonté est telle que Dieu seul vu face à face peut la combler et irrésistiblement l'attirer.
Cette profondeur que notre volonté possède par sa nature même, est augmentée en quelque sorte par l'espérance infuse et la charité, qui dilatent pour ainsi dire notre coeur, creusent sa capacité d'amour et suscitent en nous des aspirations plus profondes et plus hautes que les aspirations naturelles les plus intimes et les plus élevées.
Saint Augustin l'exprime en disant : « Dieu est le but de nos désirs, lui que l'on verra sans fin, que l'on aimera sans se lasser, et que l'on glorifiera toujours sans fatigue ». ( « Ipse (Deus) finis erit desideriorum nostrorum, qui sine fine videbitur, sine fastidio amabitur, sine fatigatione glorificabitur » De Civ. Dei, l. XXII, c. 30, 1. C'est une des plus belles définitions de la béatitude céleste qui ait été donnée ; nous n'en connaissons pas de plus parfaite. Voir surtout Sermo 362,29 : « insatiabiliter satiaberis veritate ».)
LA BÉATITUDE FORMELLE
Si tel est l'objet de l'éternelle béatitude, qu'est-ce qui la constitue formellement du côté du sujet et de ses facultés ?
Tous les théologiens admettent que la béatitude essentielle des justes consiste dans une union vitale avec Dieu par les facultés supérieures, intelligence et volonté, c'est-à-dire dans la vision béatifique et l'amour qui en résulte.
Saint Thomas se demande si elle est formellement dans la vision ou dans l'amour ( Ia, IIae, q. 3, a. 4.). Selon lui et ses disciples, la béatitude essentielle consiste formellement dans la possession de Dieu ; or c'est par la vision béatifique que les saints au ciel possèdent Dieu, et l'amour béatifique suit cette possession, car il présuppose la présence de Dieu vu face à face. L'amour en effet se porte soit vers la fin encore absente, lorsqu'il la désire, soit vers la fin déjà présente, lorsqu'il en jouit et se repose en elle ; cette joie suppose déjà la possession de Dieu par la vision immédiate. L'amour vient ainsi soit avant, soit après la possession, il ne la constitue pas. ( Cf. ibid. : « Voluntas fertur in finem et absentera, cura ipsum desiderat et praesentem, cura in ipso requiescens delectatur. Manifestum est autem, quod ipsum desiderium finis non est consecutio finis. Delectatio autem advenit voluatati ex hoc quod finis fit praesens : non autem e convenu ex hoc aliquid fit praesens, quia voluntas delectatur in ipso... Unde Deus fit praesens nobis per actus intellectus (scil. per visionem), et tunc voluntas de)ectata conquiescit in fine jam adepto ».). Au contraire l'intelligence par l'intuition, reçoit l'objet en elle (intussusception) et d'une certaine manière devient l'objet connu, tandis que la volonté reste pour ainsi dire au dehors de cet objet reçu dans l'intelligence intuitive.
Ainsi nous ne pouvons jouir d'un paysage que si d'abord nous pouvons le contempler, et nous ne jouissons d'une symphonie de Beethoven que si nous l'entendons. La jouissance suit la connaissance qui nous fait prendre possession de la beauté en laquelle l'âme se complaît.
La béatitude essentielle consiste donc formellement dans la vision immédiate et elle a son complément ou sa consommation dans l'amour, qui dérive de la vision de l'infinie bonté. Il en dérive comme les propriétés de l'homme, sa liberté, sa moralité, sa sociabilité, dérivent de sa nature d'être raisonnable.
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| Sujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L Ven 5 Mar - 17:42 | |
| CINQUIÈME PARTIE CHAPITRE II - QUELLE EST LA NATURE DE L'ÉTERNELLE BÉATITUDE ?
LA BÉATITUDE FORMELLE
Cette doctrine trouve un fondement en plusieurs textes de l'Écriture : MATTH., V, 5 : « Bienheureux les coeurs purs, car ils verront Dieu » - JEAN, XVII, 3. « La vie éternelle, c'est qu'ils vous connaissent vous, le seul vrai Dieu et Celui que vous avez envoyé, Jésus-Christ ». - I, JEAN, III, 2 : « Nous lui serons semblables, parce que nous le verrons tel qu'il est ». - I. COR. XII, 12 : « Maintenant nous voyons dans un miroir, d'une manière obscure, mais alors nous verrons face à face ».
Cet enseignement de saint Thomas est conforme enfin à ce qu'il établit sur les rapports de l'intelligence et de la volonté ( Ia, q. 82, a. 3.). Selon lui, l'intelligence est supérieure à la volonté qu'elle dirige, car elle a un objet plus absolu et plus universel, l'être comme vrai ; l'objet de la volonté est en effet le bien, qui suppose l'être et le vrai, sans quoi il ne serait pas un vrai bien, mais seulement un bien apparent et illusoire. ( Cf. JANVIER, Conférences de Notre-Dame, Carême de 1903, la béatitude, pp. 122-123. voir aussi Dict. Théol. Cath. art. Gloire de Dieu (A. MICHEL), col. 1396.).
Scot et les scotistes partent au contraire de cette position que la volonté est supérieure à l'intelligence, et ils soutiennent que la béatitude essentielle du juste consiste formellement dans l'amour béatifique auquel la vision serait ordonnée, même subordonnée, et ils parlent de l'amour de charité par lequel le bienheureux aime Dieu pour lui-même. Les thomistes répondent : Scot considère la béatitude comme état concret qui comporte plusieurs éléments et qui très certainement s'achève dans l'amour ; mais il s'agit maintenant de déterminer la nature de la béatitude, ce qui la constitue formellement, le principe d'où dérivent ses propriétés. Et de ce point de vue, les thomistes maintiennent à bon droit que l'intelligence est supérieure à la volonté qu'elle dirige, que la béatitude formelle est essentiellement la possession de Dieu, et que cette possession se fait par la vision immédiate comme le disent les textes scripturaires cités.
Ils ajoutent : ici-bas il est plus parfait d'aimer Dieu que de le connaître, parce que notre connaissance lui impose la limite de nos idées bornées, tandis que notre amour libre et méritoire s'élève vers lui ; mais au ciel, notre connaissance ne sera plus imparfaite, elle sera purement intuitive, supérieure à toute idée créée, et l'amour béatifique suivra nécessairement la vision (comme une propriété de la béatitude), car il ne sera pas libre, mais au-dessus de la liberté, comme nous le verrons. Benoît XII dans sa Constitution « Benedictus Deus » (Denz. 530), insiste aussi sur la vision dite communément béatifique, parce qu'elle béatifie, et que, sans elle, l'éternelle béatitude n'existe plus.
Suarez après avoir examiné la position de saint Thomas et celle de Scot, propose de dire que la béatitude essentielle consiste formellement à la fois dans la vision et dans l'amour.
Les thomistes répondent : s'il en était ainsi l'intelligence et la volonté ne seraient pas subordonnées, mais coordonnées, ex aequo, sur le pied d'égalité, comme deux individus très semblables d'une même espèce. Or il n'en est pas ainsi : l'intelligence et la volonté sont deux facultés spécifiquement distinctes et donc inégales ; la volonté est subordonnée à l'intelligence qui la dirige, elle ne se porte sur un vrai bien, qu'à la condition de suivre le jugement droit de l'intelligence conforme au réel. On ne désire que ce que l'on connaît, et l'on ne jouit que de ce que l'on possède ; la jouissance ne constitue pas la possession, mais la suppose. L'intelligence et la volonté ne sont pas également premières (ex aequo) à posséder Dieu ; il y a un ordre établi entre elles. Par la vision l'âme possède Dieu, et par l'amour elle jouit de lui, se repose en lui, et le préfère à elle, comme on préfère l'infini à un pauvre bien fini.
Source : Livres-mystiques.com
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| Sujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L Dim 7 Mar - 2:44 | |
| CINQUIÈME PARTIE CHAPITRE II - QUELLE EST LA NATURE DE L'ÉTERNELLE BÉATITUDE ?
LA BÉATITUDE FORMELLE
Saint Augustin dans ses Confessions, l. IX, c. X, rapportant son entretien avec sa mère à Ostie, sur le royaume des cieux, a écrit : « Si toutes les choses se taisaient après nous avoir parlé du Créateur, et que Lui seul nous parlât, non plus par elles, mais par lui-même, comme à présent notre âme s'élève par le vol de sa pensée jusqu'à la sagesse éternelle ; si cette sublime contemplation pouvait continuer, et que toutes les autres vues de l'esprit ayant cessé, celle-là seule absorbât l'âme et la comblât d'une joie tout intérieure et toute divine, et que la vie éternelle fut semblable à ce ravissement en Dieu, que nous venons d'éprouver pour un moment, et après lequel notre âme soupire encore, ne serait-ce pas là l'accomplissement de cette parole : Entrez dans la joie de votre Seigneur ?
De fait la béatitude céleste sera la consommation de l'union transformante dont parlent sainte Thérèse et saint Jean de la Croix, la consommation de cette union par laquelle l'âme juste déifiée se fond en quelque sorte en Dieu. Au ciel cette fusion se fera par la vision immédiate et l'amour ; l'âme restera pourtant inférieure à Dieu par sa nature créée, car Dieu seul est l'Être même, « Celui qui est », et en comparaison de lui nous sommes toujours comme n'étant pas. Il conservera éternellement aux âmes justes, par son amour, leur être naturel et leur être de grâce, en les attirant incessamment à Lui. Il sera éternellement en elles, et il est encore plus vrai de dire, qu'elles seront éternellement en Lui.
CHAPITRE III - L'EXCELLENCE DE LA VISION BÉATIFIQUE
Pour se faire une juste idée de cette vision, il faut voir en quel sens elle est immédiate, quel est son principe, et puis quel est son objet premier et son objet secondaire. (Cf. SAINT THOMAS, Ia, q. 12, toute cette question et Commentaires. de CAJETAN, de JEAN DE SAINT-THOMAS, etc. Voir aussi Dict. Théol. Cath. art Intuitive (vision) par A. MICHEL.)
ELLE EST INTUITIVE ET IMMÉDIATE
Comme l'enseigne l'Église par Benoît XII (Denz. 530), cet acte d'intelligence est une vision claire, intuitive, immédiate de l'essence divine ; sans être compréhensive, elle nous fait connaître Dieu « sicuti est » tel qu'il est en lui-même.
Par sa clarté, cette vision se distingue de la connaissance obscure que nous avons de Dieu soit par la raison, soit par la foi.
Par son caractère intuitif et immédiat, cette vision est immensément supérieure à toute connaissance abstraite, discursive, analogique, qui n'atteint Dieu qu'en partant de ses effets. Elle est très au-dessus de toute abstraction, de tout raisonnement, de toute analogie, c'est l'intuition immédiate de la Réalité suprême du Dieu vivant. Elle dépasse aussi de beaucoup toutes les visions même intellectuelles que reçoivent ici-bas quelques grands mystiques et qui restent dans l'ordre de la foi, car elles ne donnent pas encore l'évidence intrinsèque de la Trinité. La vision béatifique donne au contraire cette évidence et montre que si Dieu n'était pas trine, il ne serait pas Dieu.
Nous sommes donc appelés à voir Dieu non pas seulement dans le miroir des créatures si parfaites soient-elles, non pas seulement par son rayonnement dans le monde des anges, mais à le voir immédiatement sans l'intermédiaire d'aucune créature dont la vue s'interposerait, mieux même que nous ne voyons les personnes avec lesquelles nous parlons, car Dieu étant tout spirituel sera intimement présent dans notre intelligence qu'il éclairera et fortifiera pour lui donner la force de le voir.
Source : Livres-mystiques.com
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| Sujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L Dim 7 Mar - 17:04 | |
| CINQUIÈME PARTIE CHAPITRE II - QUELLE EST LA NATURE DE L'ÉTERNELLE BÉATITUDE ?
ELLE EST INTUITIVE ET IMMÉDIATE
Comme le montre saint Thomas (Ia, q. 12, a. 2), entre Dieu et nous, il n'y aura même pas l'intermédiaire d'une idée, car toute idée créée, même infuse, si élevée qu'on la suppose, serait toujours une participation limitée de la vérité et ne pourrait donc représenter tel qu'il est en soi Celui qui est l'Être même, la vérité infinie, la sagesse sans borne, la source infiniment lumineuse de tout savoir. Jamais une idée créée ne pourrait représenter tel qu'il est en soi celui qui est la Pensée même, l'« Ipsum intelligere subsistens », un pur éclair intellectuel éternellement subsistant.
Ainsi le verre d'un enfant, dit saint Augustin, ne peut contenir l'océan. Parfois dans un orage, la nuit, nous voyons un éclair d'une extrémité du ciel à l'autre, pensons à un éclair non pas sensible, mais intellectuel, à un éclair de génie, mais éternellement subsistant, qui serait la Vérité même, la Sagesse même, et qui serait en même temps une vive flamme d'amour, l'Amour même ; nous aurons quelque idée de Dieu.
Nous ne pourrons pas non plus, disent les thomistes, exprimer notre contemplation en une parole, même en une parole intérieure, en un verbe mental, car ce verbe créé et fini ne pourrait exprimer l'Infini tel qu'il est en soi. Cette contemplation immédiate nous absorbera en quelque sorte en Dieu, en nous laissant sans parole pour la traduire, car un seul verbe peut exprimer parfaitement l'essence divine le Verbe engendré de toute éternité par le Père. L'essence divine étant souverainement intelligible par elle-même et plus intime à nous que nous-mêmes, jouera en notre intelligence fortifiée et éclairée le rôle d'idée imprimée et exprimée (Cf. SAINT-THOMAS, Ia, q. 12, a. 2, et ses commentateurs CAJETAN, JEAN DE SAINT THOMAS, GONET, SALMANTICENSES, BILLUART : l'essence divine elle-même joue ici le rôle d'espèce impresse et d'espèce expresse ou verbe mental. Cf. Dict. Théol. Cath., art. Intuitive (vision) c. 2375-2380.
Les théologiens ont souvent comparé cette union si intime dans l'ordre de la connaissance à ce qu'est, dans l'ordre de l'être, l'union hypostatique de l'humanité de Jésus et de la personne du Verbe, qui la termine et la possède. Si la seconde de ces deux unions n'est pas impossible, la première, à plus forte raison, doit être possible elle aussi. ). On ne peut concevoir dans l'ordre de la connaissance une union plus intime quoiqu'elle comporte des degrés divers.
Dès ici-bas, lorsque nous sommes devant un spectacle sublime, nous ne trouvons pas de paroles pour l'exprimer, nous disons qu'il est ineffable ou indicible ; à plus forte raison lorsque nous verrons Dieu face à face.
Intuitive et absolument immédiate, cette vision ne sera pourtant pas compréhensive, comme celle que Dieu a de lui-même. Lui seul, peut se connaître autant qu'il est connaissable. Il n'y a point là de contradiction : ici-bas plusieurs personnes voient le même paysage plus ou moins bien, selon qu'elles ont une vue plus ou moins bonne, chacune pourtant voit tout le paysage. De même plusieurs intelligences saisissent plus ou moins profondément la même vérité énoncée, selon qu'elles sont plus ou moins pénétrantes.
Chacune saisit toute la proposition énoncée (sujet, verbe et attribut), mais plus ou moins parfaitement. De même au ciel tous les bienheureux voient Dieu immédiatement, mais avec une pénétration différente proportionnée à leurs mérites, et jamais aussi profondément que Dieu même qui se connaît, autant qu'il est connaissable, en tout ce qu'il est, en tout ce qu'il peut, en tout ce qu'il veut. ( Cf. SAINT THOMAS Ia, q. 12, a. 6 et 7. Dieu, disent les théologiens, est vu totus, sed nom totaliter par les bienheureux.)
Source : Livres-mystiques.com
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| Sujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L Lun 8 Mar - 17:20 | |
| CINQUIÈME PARTIE CHAPITRE II - QUELLE EST LA NATURE DE L'ÉTERNELLE BÉATITUDE ?
LA LUMIÈRE DE GLOIRE PRINCIPE DE LA VISION BÉATIFIQUE
Cette vision intuitive et immédiate atteint ainsi l'objet même de la vision incréée que Dieu a de lui-même ; elle l'atteint moins parfaitement que Lui, mais elle l'atteint.
Comment cela est-il possible ? Ce serait absolument impossible pour toute intelligence créée et créable laissée à ses seules forces naturelles, car ces forces sont proportionnées à leur objet naturel, lequel est infiniment inférieur à l'objet propre de l'intelligence divine.
L'intelligence créée, si haute soit-elle, a donc besoin d'une lumière surnaturelle qui l'élève, qui la fortifie, pour qu'elle devienne capable de voir Dieu tel qu'il est en soi ; autrement elle serait devant lui, comme l'oiseau de nuit devant le soleil, elle ne pourrait le voir ( Cf. SAINT THOMAS, Ia, q. 12, a. 4 et 5.). Cette lumière, reçue d'une façon permanente dans l'intelligence des bienheureux, est appelée lumière de gloire, et elle est en eux plus ou moins intense, selon le degré de leurs mérites et de leur charité. Le Concile de Vienne (Denz. 475) a condamné ceux qui prétendaient que «l'âme humaine n'a pas besoin d'être élevée par la lumière de gloire pour voir Dieu et jouir saintement de Lui ».
La vision béatifique procède ainsi de la faculté intellectuelle des bienheureux comme de son principe radical, et elle procède de la lumière de gloire comme de son principe prochain, qui surélève jusqu'à la vitalité de notre intelligence pour lui donner une vie nouvelle. Ainsi la vertu infuse de charité surélève la vitalité de notre volonté.
La lumière de gloire et la charité infuse, reçues dans nos deux facultés supérieures, dérivent de la grâce sanctifiante consommée, reçue comme une greffe divine en l'essence même de l'âme. On voit dès lors de mieux en mieux que la grâce sanctifiante mérite d'être appelée participation de la nature divine, car elle est un principe radical d'opérations, qui, lorsqu'il est pleinement développé, nous rend capables de voir Dieu immédiatement comme il se voit.
En Dieu, la nature divine est le principe des opérations strictement divines, comme la vision incréée de lui-même ; dans l'âme juste au ciel, la grâce sanctifiante est principe radical de la vision intuitive de la divine essence, vision qui a le même objet que la connaissance incréée, sans pourtant le pénétrer aussi profondément.
L'OBJET DE LA VISION BÉATIFIQUE
L'objet premier et essentiel est Dieu même ; l'objet secondaire, ce sont les créatures connues en Dieu. Les bienheureux voient clairement et intuitivement Dieu même tel qu'il est, c'est-à-dire : son essence, ses attributs et les trois personnes divines. Le Concile de Florence (Denz. 693) dit : « intuentur clare ipsum Deum trinum et unam sicuti est ». Par là la vision béatifique dépasse immensément non seulement la plus sublime philosophie, mais la connaissance naturelle des anges les plus élevés et de tout ange créable.
Les bienheureux voient toutes les perfections divines concentrées et harmonisées dans leur source commune, dans l'Essence divine qui les contient éminemment et formellement, plus et mieux que la lumière blanche ne contient les sept couleurs de l'arc-en-ciel. Ils voient aussi comment la Miséricorde la plus tendre et la justice la plus inflexible procèdent d'un seul et même Amour, infiniment généreux et infiniment saint ; comment la même qualité éminente d'amour identifie en soi des attributs en apparence si opposés.
Les bienheureux voient comment la Miséricorde et la justice s'unissent de façons variées en toutes les oeuvres de Dieu. Ils voient comment l'Amour incréé, même en son bon plaisir le plus libre, s'identifie avec la pure Sagesse, comment rien n'est en lui qui ne soit sage, et comment rien n'est dans la divine Sagesse qui ne se convertisse en amour. Ils voient comment cet Amour s'identifie avec le Souverain Bien toujours aimé de toute éternité, comment la divine Sagesse s'identifie avec la Vérité première toujours connue, comment toutes ces perfections ne font qu'un dans l'essence même de Celui qui est.
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| Sujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L Mar 9 Mar - 16:01 | |
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CHAPITRE II - QUELLE EST LA NATURE DE L'ÉTERNELLE BÉATITUDE ?
L'OBJET DE LA VISION BÉATIFIQUE
Ils contemplent cette éminente simplicité de Dieu, cette pureté et cette sainteté absolue, condensation de toutes les perfections sans trace d'aucune imperfection.
Du même et unique regard intellectuel, jamais interrompu, ils voient aussi l'infinie fécondité de la nature divine s'épanouissant en trois Personnes, l'éternelle génération du Verbe, « splendeur du Père et figure de sa substance, » l'ineffable spiration du Saint Esprit, terme de l'amour mutuel du Père et du Fils, qui éternellement les unit dans la plus intime diffusion d'eux-mêmes.
Tel est l'objet premier de la vision béatifique.
Ici-bas nous ne pouvons qu'énumérer les perfections divines, les unes après les autres, et nous ne voyons pas de quelle manière intime elles se concilient ; comment l'infinie bonté s'unit à la permission du mal et parfois d'une malice effroyable ; nous disons justement que Dieu ne permet le mal que pour un plus grand bien, mais ce plus grand bien nous ne le voyons pas encore à découvert.
Alors au contraire, au ciel, tout s'éclairera. Nous verrons tout le prix des épreuves subies, de même nous verrons comment se concilient intimement l'infinie justice si redoutable et la tendresse de l'infinie Miséricorde, comment elles se concilient dans l'amour incréé de la divine Bonté ; car celle-ci est essentiellement diffusive de soi, c'est le principe de la Miséricorde ; et d'autre part cette infinie Bonté a droit à être aimée par-dessus tout ; c'est le principe de la justice.
Nous sommes ici-bas comme un homme qui connaîtrait les sept couleurs de l'arc-en-ciel, mais qui n'aurait jamais vu la lumière blanche. Au ciel nous verrons la Lumière incréée et par là même comment les perfections divines les plus différentes se concilient en elle et ne font qu'un.
Mais les bienheureux voient aussi en Dieu, in Verbo, la sainte humanité que le Fils unique a assumée pour toujours pour notre salut.
Ils contemplent en elle la grâce d'union hypostatique, la plénitude de grâce, de gloire et de charité de la sainte âme de Jésus, la valeur infinie de ses actes théandriques, le prix sans mesure du mystère de la Rédemption, son rayonnement, la valeur infinie de chaque Messe, la vitalité surnaturelle de tout le corps mystique, de l'Église triomphante, souffrante et militante.
Ils voient avec admiration ce qui appartient au Christ comme Prêtre pour l'éternité, comme juge des vivants et des morts, comme Roi universel de toutes les créatures et comme Père des pauvres.
Par la même vision béatifique les saints contemplent en Dieu l'éminente dignité de la Mère de Dieu, sa plénitude de grâce, ses vertus, ses dons, sa médiation universelle de co-rédemptrice.
Et puisque la béatitude est un état parfait qui comporte la réunion de tous les biens légitimes, chaque saint au ciel connaît en Dieu les autres bienheureux, surtout ceux qu'il a connus précédemment et qu'il a surnaturellement aimés.
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| Sujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L Mer 10 Mar - 16:56 | |
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CHAPITRE III - L'EXCELLENCE DE LA VISION BÉATIFIQUE
L'OBJET DE LA VISION BÉATIFIQUE
De même chaque saint voit, soit en Dieu, soit hors de Dieu par des idées créées, ceux qui sont encore sur la terre ou au purgatoire et qui ont un rapport spécial avec lui. ( Cf. SAINT THOMAS Ia, q. 12, a. 10. Ce que les bienheureux voient en Dieu, ils le voient non pas successivement, mais simultanément, car la vision béatifique, mesurée par l'éternité participée, ne comporte pas de succession.
Ce que les bienheureux apprennent successivement, ils le voient extra Verbum, par une connaissance inférieure à la vision béatifique et appelée pour cela la vision du soir, tandis que la première est comme un éternel matin. Cf. Dict. Théol. Cath., art. Intuitive (vision), c. 2387, ss. ). Par exemple un fondateur d'Ordre connaît tout ce qui concerne sa famille religieuse et les prières que ses fils lui adressent.
Un père et une mère de famille connaissent les besoins spirituels de leurs enfants qui sont encore ici-bas ; un ami arrivé au but de sa course connaît de même ce qui peut faciliter le voyage des amis qui s'adressent à lui.
Saint Cyprien (De immortalitate, c. 25) nous dit « Dans la patrie tous ceux des nôtres qui y sont arrivés nous attendent, désirent vivement que nous participions à la même béatitude et sont pleins de sollicitude à notre égard ».
La vision béatifique est donc un acte unique toujours identique, mesuré par l'unique instant de l'immobile éternité ; c'est donc un acte inamissible, source du bonheur des élus et, nous allons le voir, de leur impeccabilité absolue.
Dans cette connaissance surnaturelle parfaite tout s'harmonise, il n'y a plus danger de donner trop d'attention au secondaire, en perdant de vue le principal. On ne voit les choses corporelles que d'en haut par rapport aux choses spitiruelles. On ne voit celles du temps que par rapport à la plénitude de vie de l'éternité.
On ne voit plus les effets naturels ou surnaturels de Dieu que comme le rayonnement de son action ; ces effets dès lors ne peuvent plus nous arrêter à eux. On ne voit plus les moyens que par rapport à la fin ultime, à Dieu principe et fin de tout. Ce n'est plus la vue horizontale qui atteint tout sur la ligne du temps entre le passé et le futur, c'est la vue verticale qui juge de tout d'en haut par la Vérité suprême.
Aussi tout ce que fait connaître la vision béatifique porte les saints à aimer Dieu par-dessus tout d'un amour immuable, et à aimer ses créatures en Lui, dans la mesure où elles sont une manifestation de son infinie bonté.
CHAPITRE IV - L'AMOUR BÉATIFIQUE ET LA JOIE QUI EN RÉSULTE
Les saints au ciel ne peuvent voir Dieu face à face sans l'aimer par-dessus tout et plus qu'eux-mêmes, parce qu'ils voient avec la plus parfaite évidence que Dieu est infiniment meilleur que toutes les créatures réunies.
L'AMOUR SUPRÊME DE CHARITÉ
SAINT PAUL dit I. COR., XIII, 8 : « La charité ne passera jamais ». La foi cessera pour faire place à la vision, l'espérance aussi pour être remplacée par la possession, mais la charité durera éternellement dans les élus.
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| Sujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L Jeu 11 Mar - 17:46 | |
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CHAPITRE IV - L'AMOUR BÉATIFIQUE ET LA JOIE QUI EN RÉSULTE
L'AMOUR SUPRÊME DE CHARITÉ
Par elle, déjà ici-bas, nous aimons Dieu non seulement comme le bien souverainement désirable, objet de l'espérance, mais nous l'aimons pour lui-même et plus que nous, à cause de son infinie bonté, très supérieure à ses dons, et nous voulons qu'il soit connu et aimé, qu'il soit glorifié, que ses droits imprescriptibles soient reconnus, que « son nom soit sanctifié, une sa volonté soit faite », nous le voulons par amour pour Lui. C'est là un amour d'amitié par lequel nous voulons à Dieu le bien qui lui convient, comme lui-même veut le nôtre ; dès ici-bas nous participons à sa vie intime par une vie commune surnaturelle (convictus, convivere), par une communion spirituelle entre Lui et nous ( Cf. SAINT THOMAS, IIa IIae, q.23 a. 1 : Utrum caritas sit amicitia.).
Cette charité doit durer éternellement. Ce serait une erreur et même une hérésie de penser que l'amour de Dieu au ciel n'est que la consommation de l'espérance, qui nous fait désirer Dieu comme notre bien suprême. Déjà sur terre l'acte d'espérance qui peut exister dans une âme en état de péché mortel, est notablement inférieur à l'acte de charité, et l'amour de Dieu au ciel sera l'acte parfait de charité. Aussi ce sera un amour par lequel l'âme se dépassera elle-même, elle aimera sans cesse Dieu pour Lui, elle sortira d'elle-même pour ainsi dire ; ce sera l'extase ininterrompue de l'amour. ( Ia, IIae, q. 28, a. 3, Utrum extasis sit effectus amoris : « In amore amicitiae affectus alicujus simpliciter exit extra se, quia vult amico bonum et operatur bonum ».).
Cet amour sera fait d'admiration, de respect, de reconnaissance, surtout d'amitié avec la simplicité et toute l'intimité qu'elle comporte ; ce sera l'amour avec toute sa tendresse et toute sa force, l'amour de l'enfant qui se plonge en quelque sorte dans le regard aimant et la tendresse de son Père, et qui veut à son Père tout ce qui lui convient, comme le Père le fait participer à sa propre béatitude. Dieu nous dira : « Entre dans ma béatitude infinie : intra in gaudium Domini tui », MATTH., XXV, 21. « Venez les bénis de mon Père », MATTH., XXV, 34. Nous n'aimerons jamais Dieu autant qu'il nous aime, mais le Saint Esprit nous inspirera pourtant un amour digne de lui.
Ce sera l'union transformante consommée, comme la fusion de notre vie et de la vie intime du Très-Haut qui s'inclinera vers nous pour nous attirer définitivement à lui. Par cet amour nous nous réjouirons surtout que Dieu soit Dieu, infiniment saint, juste et miséricordieux, par cet amour nous adorerons tous les décrets de sa Providence en vue de sa gloire, de la manifestation de sa bonté et nous nous subordonnerons pleinement à Lui, en lui disant « Non nobis, Domine, non nobis, sed nomini tuo da gloriam ». « Non pas à nous, Seigneur, non pas à nous, mais à ton nom donne la gloire ». Ps. CXIII, 1.
Ce sera l'acte suprême de la plus haute des trois vertus théologales, la seule qui doit durer éternellement. Dieu seul peut s'aimer infiniment, autant qu'il est aimable, mais chaque bienheureux l'aimera continuellement de tout son pouvoir, et il n'y aura plus d'obstacle à cet amour (cf. IIa, IIae q. 184, a 2).
LES BIENHEUREUX INSATIABLEMENT RASSASIÉS DE LA VÉRITÉ FRAICHEUR TOUJOURS NOUVELLE D'UN ÉTERNEL PRINTEMPS
Ce rassasiement est toujours nouveau, sa nouveauté ne passe pas. Saint Augustin dans le Sermon 362, n. 29 parle admirablement de ce sujet. Ce passage est cité par Bossuet, IVe Sermon pour la fête de tous les Saints.
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| Sujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L Sam 13 Mar - 2:07 | |
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CHAPITRE IV - L'AMOUR BÉATIFIQUE ET LA JOIE QUI EN RÉSULTE
LES BIENHEUREUX INSATIABLEMENT RASSASIÉS DE LA VÉRITÉ FRAICHEUR TOUJOURS NOUVELLE D'UN ÉTERNEL PRINTEMPS
En cet endroit saint Augustin a écrit : « Toute notre action sera un Amen, un Alleluia. (Amen veut dire cela est vrai, et Alleluia est l'expression de la louange dans l'adoration et l'action de grâces). Mais n'allez pas vous attrister en considérant cette chose d'une manière toute chamelle et ne dites pas ici que si quelqu'un entreprenait, étant debout, de dire toujours Amen, Alleluia, il serait bientôt consumé d'ennui, et s'endormirait enfin tout en répétant ces paroles.
Cet Amen, cet Alleluia, ne seront point exprimés par des sons qui passent, mais par les sentiments de l'âme embrasée d'amour. Car que signifie cet Amen ? que veut dire cet Alleluia ?
Amen, il est vrai ; Alleluia, louez Dieu. Dieu est la vérité immuable, qui ne connaît ni défaut, ni progrès, ni déchet, ni accroissement, ni le moindre attrait pour la fausseté : vérité éternelle et stable, elle demeure toujours incorruptible.
« Ainsi nous dirons effectivement Amen, mais avec une satiété insatiable : avec satiété, parce que nous serons dans une parfaite abondance ; mais avec une satiété toujours insatiable, si l'on peut parler ainsi, parce que ce bien, toujours satisfaisant, produira en nous un plaisir toujours nouveau.
Autant donc que vous serez insatiablement rassasié de la vérité, autant direz-vous par cette insatiable vérité Amen, il est vrai. Ouam ergo insatiabiliter satiaberis veritate, tam insatiabili veritate dices : Amen. Reposez-vous et voyez ; ce sera un sabbat continuel ».
Ce sera un éternel repos dans une action souveraine qui ne cessera pas, et qui sera en quelque sorte toujours nouvelle ; le repos en Dieu éternellement possédé et aimé par-dessus tout et plus que nous.
Les philosophes grecs ont discuté pour savoir si la béatitude se trouve dans le plaisir en mouvement ou dans le plaisir en repos. Aristote montre bien que la joie la plus haute est celle qui est le complément, l'achèvement de l'activité normale parfaite, qui ne tend plus vers sa fin, mais la possède et se repose en elle ( Ethique à Nicomaque, l. X, c. 4, 5, 8 . « Le plaisir s'ajoute à l'acte comme à la jeunesse sa fleur ». Et la plus haute joie est celle qui résulte de l'acte le plus élevé de la plus haute faculté, c'est-à-dire de la connaissance intellectuelle de Dieu, unie à l'amour du Souverain Bien.). C'est ce qui se réalise éminemment dans la béatitude du ciel.
La joie qui s'y trouve est un rassasiement toujours nouveau, parce que sa nouveauté ne passe pas. Le premier instant de la vision béatifique dure toujours, comme un éternel matin, un éternel printemps, une éternelle jeunesse. Cela s'explique si l'on considère la béatitude même de Dieu.
Il possède sa vie tout à la fois dans l'unique instant de l'immobile éternité ; il ne saurait vieillir ; pour Lui il n'y a pas de passé, ni de futur, mais un éternel présent, qui contient éminemment toute la suite des temps comme le sommet d'une pyramide ou d'un cône contient éminemment tous les points de la base de cette figure géométrique, comme le regard d'un homme placé sur une montagne embrasse toute la vallée. Dieu possède ainsi « toute à la fois » « tota simul » sa vie sans commencement ni fin ; c'est la définition de l'éternité.
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| Sujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L Dim 14 Mar - 0:43 | |
| CINQUIÈME PARTIE
CHAPITRE IV - L'AMOUR BÉATIFIQUE ET LA JOIE QUI EN RÉSULTE
LES BIENHEUREUX INSATIABLEMENT RASSASIÉS DE LA VÉRITÉ FRAICHEUR TOUJOURS NOUVELLE D'UN ÉTERNEL PRINTEMPS
Nous pouvons soupçonner cette richesse quand on nous dit que Mozart, en composant une mélodie, l'entendait « toute à la fois », dans la loi musicale qui l'engendrait ; il entendait déjà la fin en composant le début. Ainsi les grands savants embrassent toute leur science d'un seul regard.
Or la vision béatifique des saints est mesurée elle aussi par l'unique instant de l'immobile éternité. De la sorte l'immense joie de l'instant de leur entrée au ciel ne passera pas ; sa nouveauté, sa fraîcheur sera éternellement présente. Et donc, en ce sens, cette vision sera toujours nouvelle et de même la joie qui résultera d'elle.
Nous le pressentons par la joie très pure que nous éprouvons en goûtant la parole de Dieu. Si nous sommes bien disposés, c'est une joie qui ne passe pas, mais qui augmente, parce que nous voyons toujours de mieux en mieux le prix de la parole divine ; plus nous la recevons, plus nous sommes avides de la recevoir, tandis que plus nous possédons les biens sensibles d'abord vivement désirés, plus nous voyons leur limite, et plus la joie qu'ils nous donnent diminue.
Si une amitié spirituelle dure dix ans, vingt ans et plus et reste toujours nouvelle, c'est un signe qu'elle est d'origine divine. De même la parole de Dieu donne une sainte joie, qui fait oublier pour un temps les embarras des affaires, les soins empressés d'une maison, la recherche trop ardente des vains divertissements.
Ce qui nourrit l'âme, c'est la vérité divine et la bonté suprême entrevues. Comme le dit Bossuet, loc. cit., « si cette vérité divine nous délecte quand elle nous est exprimée par des sons qui passent, combien nous ravira-t-elle quand elle nous parlera de sa propre voix éternellement permanente !... Dieu au ciel, ne dit pas beaucoup de paroles, il en dit une seule, la même de toute éternité, son Verbe, et il a tout dit.
C'est en ce Verbe que nous verrons tout » - « Goûtez et voyez combien le Seigneur est doux » dit le Psalmiste et vous aurez comme le prélude de la joie du ciel. Ce sera le repos dans une action incessante, dans une vision immédiate de Dieu, qui remplira l'âme d'amour et d'une joie toujours nouvelle. Gaudium de veritate et de bonitate divina.
Saint Thomas ( Ia, IIae, q. 2, a. 1, a. 3m ; IIa, IIae q. 20, a. 4.) dit, avec saint Augustin : tandis qu'on se fatigue des biens sensibles quand on les possède, au contraire plus on possède les biens spirituels plus on les aime ; car ils ne se consument pas, ne s'épuisent pas et sont de nature à produire en nous une joie toujours nouvelle.
On l'expérimente quelquefois dans l'oraison, c'est comme la réalisation de l'admirable prière de Saint Nicolas de Flue : « Mon Seigneur et mon Dieu, enlève-moi tout ce qui m'empêche d'aller à Toi ; donne-moi tout ce qui me conduira jusqu'à Toi ; prends-moi à moi et donne-moi tout à Toi pour que je t'appartienne totalement ».
C'est comme si Dieu pénétrait de plus en plus dans les profondeurs de notre volonté spirituelle, qui désire de plus en plus être prise et comme blessée par lui, pour qu'il la possède pleinement.
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| Sujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L Dim 14 Mar - 18:00 | |
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CHAPITRE IV - L'AMOUR BÉATIFIQUE ET LA JOIE QUI EN RÉSULTE
LES BIENHEUREUX INSATIABLEMENT RASSASIÉS DE LA VÉRITÉ FRAICHEUR TOUJOURS NOUVELLE D'UN ÉTERNEL PRINTEMPS
Nous pouvons soupçonner cette richesse quand on nous dit que Mozart, en composant une mélodie, l'entendait « toute à la fois », dans la loi musicale qui l'engendrait ; il entendait déjà la fin en composant le début. Ainsi les grands savants embrassent toute leur science d'un seul regard.
Or la vision béatifique des saints est mesurée elle aussi par l'unique instant de l'immobile éternité. De la sorte l'immense joie de l'instant de leur entrée au ciel ne passera pas ; sa nouveauté, sa fraîcheur sera éternellement présente. Et donc, en ce sens, cette vision sera toujours nouvelle et de même la joie qui résultera d'elle.
Nous le pressentons par la joie très pure que nous éprouvons en goûtant la parole de Dieu. Si nous sommes bien disposés, c'est une joie qui ne passe pas, mais qui augmente, parce que nous voyons toujours de mieux en mieux le prix de la parole divine ; plus nous la recevons, plus nous sommes avides de la recevoir, tandis que plus nous possédons les biens sensibles d'abord vivement désirés, plus nous voyons leur limite, et plus la joie qu'ils nous donnent diminue.
Si une amitié spirituelle dure dix ans, vingt ans et plus et reste toujours nouvelle, c'est un signe qu'elle est d'origine divine. De même la parole de Dieu donne une sainte joie, qui fait oublier pour un temps les embarras des affaires, les soins empressés d'une maison, la recherche trop ardente des vains divertissements.
Ce qui nourrit l'âme, c'est la vérité divine et la bonté suprême entrevues. Comme le dit Bossuet, loc. cit., « si cette vérité divine nous délecte quand elle nous est exprimée par des sons qui passent, combien nous ravira-t-elle quand elle nous parlera de sa propre voix éternellement permanente !... Dieu au ciel, ne dit pas beaucoup de paroles, il en dit une seule, la même de toute éternité, son Verbe, et il a tout dit.
C'est en ce Verbe que nous verrons tout » - « Goûtez et voyez combien le Seigneur est doux » dit le Psalmiste et vous aurez comme le prélude de la joie du ciel. Ce sera le repos dans une action incessante, dans une vision immédiate de Dieu, qui remplira l'âme d'amour et d'une joie toujours nouvelle. Gaudium de veritate et de bonitate divina.
Saint Thomas ( Ia, IIae, q. 2, a. 1, a. 3m ; IIa, IIae q. 20, a. 4.) dit, avec saint Augustin : tandis qu'on se fatigue des biens sensibles quand on les possède, au contraire plus on possède les biens spirituels plus on les aime ; car ils ne se consument pas, ne s'épuisent pas et sont de nature à produire en nous une joie toujours nouvelle.
On l'expérimente quelquefois dans l'oraison, c'est comme la réalisation de l'admirable prière de Saint Nicolas de Flue : « Mon Seigneur et mon Dieu, enlève-moi tout ce qui m'empêche d'aller à Toi ; donne-moi tout ce qui me conduira jusqu'à Toi ; prends-moi à moi et donne-moi tout à Toi pour que je t'appartienne totalement ».
C'est comme si Dieu pénétrait de plus en plus dans les profondeurs de notre volonté spirituelle, qui désire de plus en plus être prise et comme blessée par lui, pour qu'il la possède pleinement.
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| Sujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L Lun 15 Mar - 18:12 | |
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CHAPITRE IV - L'AMOUR BÉATIFIQUE ET LA JOIE QUI EN RÉSULTE
AMOUR SOUVERAINEMENT SPONTANÉ MAIS AU-DESSUS DE LA LIBERTÉ
Les thomistes enseignent communément in Iam, IIae, e. 4, a. 4 : « Visionem beatificam sequitur felix amandi necessitas etiam quoad exercitium. Voluntas beatorum totaliter impletur, adaequatur, imo inundatur et vincitur a Summo bono clare viso. ».
Notre amour de Dieu, au ciel, sera donc souverainement spontané, nullement forcé, mais il ne sera plus libre, nous ne pourrons pas ne pas aimer Dieu vu face à face.
Certes cet amour ne sera pas au-dessous de la liberté et du mérite comme un acte irréfléchi et involontaire de sensibilité ; mais il sera au-dessus de la liberté et du mérite, comme l'amour très spontané que Dieu se porte à lui-même de toute éternité, et qui est commun aux trois Personnes divines.
Dieu aime nécessairement sa bonté infinie. Pour la même raison, connue la vision béatifique dont il sera la conséquence nécessaire, notre acte d'amour de Dieu ne sera jamais interrompu et ne pourra plus rien perdre de sa ferveur.
Je lisais récemment l'expression de cette haute vérité dans les manuscrits d'une personne qui n'a aucune culture humaine, mais qui parait avancée dans les voies de l'oraison : « Au ciel, dit-elle, l'âme accueille Dieu en elle, et étant accueillie par Lui et en Lui, elle perd en Lui sa liberté, en tant qu'elle est entièrement attirée par Dieu, et qu'elle s'adonne à la jouissance de Dieu avec toute sa force et avec tout l'élan possible.
Elle possède Dieu et elle est possédée par Lui, et elle expérimente cette jouissance comme son état éternel ». État toujours nouveau en ce sens que sa nouveauté ne passe pas, comme le serait un éternel matin.
L'IMPECCABILITÉ DES BIENHEUREUX
Il suit de là aussi que les bienheureux au ciel sont impeccables, et ils le sont, non pas seulement parce que Dieu les préserve du péché, comme il préserve ici-bas des saints confirmés en grâce, mais parce que celui qui a la vision béatifique de l'infinie Bonté, ne peut se détourner d'elle par le péché mortel, ni trouver le moindre prétexte de moins l'aimer un seul moment ( Cf. SAINT-THOMAS, Ia, IIae, q. 4, a. 4. et Commentaires de CAJETAN, JEAN DE SAINT THOMAS, GONET, BILLUART.).
De même qu'ici-bas l'homme ne peut cesser de vouloir être heureux (quoiqu'il cherche souvent le bonheur là où il n'est pas, même parfois dans le suicide), ainsi au Ciel les saints ne peuvent cesser de vouloir aimer Dieu vu face à face, ni cesser de vouloir le contempler.
Ils restent pourtant libres d'aimer tel ou tel bien fini, telle ou telle âme, de préférence à une autre, de prier pour elle, et c'est librement qu'ils exécutent les ordres de Dieu pour nous assister. Mais cette liberté ne dévie jamais du côté du mal ; elle ressemble ainsi de loin à la liberté divine, qui est à la fois souveraine et impeccable.
Il en était ainsi dès ici-bas de la liberté humaine du Christ, qui jouissait de la vision béatifique dès le premier instant de sa conception. Mais en Jésus ces actes libres sur terre étaient encore méritoires, car il était encore voyageur « viator et comprehensor », tandis que les actes libres des bienheureux ne sont plus méritoires puisqu'il sont arrivés au terme de leur voyage et du mérite. Ce sont les actes libres d'âme confirmée en grâce, et qui n'a plus rien à mériter.
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| Sujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L Mar 16 Mar - 18:37 | |
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CHAPITRE IV - L'AMOUR BÉATIFIQUE ET LA JOIE QUI EN RÉSULTE
L'INAMISSIBILITÉ DE LA BÉATITUDE
Enfin il suit de tout ce que nous venons de dire que la béatitude céleste est inamissible, et elle l'est par sa nature même ou intrinsèquement. L'Écriture l'appelle « la vie éternelle ». Jésus dit : « Ceux-ci (les méchants) s'en iront à l'éternel supplice, et les justes à la vie éternelle » ( MATTH., XXV, 46.). Saint Pierre parle « de la couronne de gloire, qui ne se flétrit jamais » ( I. PETR., V, 4. ).
Saint Paul dit que « cette couronne est impérissable » ( I COR., IX, 25 ) et il ajoute : « notre légère affliction du moment présent produit pour nous, au delà de toute mesure, un poids éternel de gloire » ( II. COR., IV, 17.). Le Credo s'achève par ces mots « Credo... in vitam aeternam » ( Cf. Conc. Lateran., IV, Denz. 430 ).
L'expression « vie éternelle » dit beaucoup plus que « vie future ». Le futur n'est qu'une partie du temps qui s'écoule, il comporte lui-même une succession de moments divers. Au contraire « la vie éternelle » n'est pas mesurée par le temps, ni par le temps continu (comme notre temps solaire), ni par le temps discret ou discontinu ou spirituel de la succession des pensées et des sentiments dans l'âme séparée non encore béatifiée ; la vie éternelle est mesurée par l'unique instant de l'immobile éternité, un instant qui ne passe pas, comme une éternelle aurore, ou un lever de soleil qui ne passerait pas.
Les théologiens disent que la vie éternelle des bienheureux est mesurée par l'éternité participée. Celle-ci diffère sans doute de l'Éternité par essence qui est propre à Dieu ; elle en diffère parce qu'elle a commencé au moment de l'entrée au ciel, mais ensuite elle ne finira pas, et de plus elle ne comportera en elle-même aucune succession ; ce sera vraiment l'instant unique de l'éternité immobile, mais souverainement vivante, puisque ce sera la condensation de toute la vie de l'intelligence et de la volonté dans la vision et l'amour, avec toute la tendresse et la force de celui-ci.
Cependant au-dessous de cette vision, et de cet amour qui ne seront jamais interrompus à la cime de l'âme béatifiée, il y aura dans une région moins haute de l'intelligence et de la volonté, une succession de pensées (de connaissances particulières, extra Verbum, par des idées créées) et une succession de sentiments, de vouloirs subordonnés, comme par exemple les prières adressées à Dieu à la demande de telle ou telle âme de la terre.
Cette inamissibilité de la béatitude dérive de l'essence de celle-ci. La béatitude céleste doit en effet par sa nature combler les aspirations de l'âme juste, ce qui n'existerait pas si les bienheureux pouvaient se dire : il arrivera peut-être une heure où je cesserai de voir Dieu.
La cessation de la béatitude serait du reste, surtout après l'avoir possédée, la souveraine douleur et une peine qui serait infligée sans aucune faute. Si nous tenons tant à la vie présente malgré ses tristesses, combien plus tiendrons-nous à la vie du ciel !
Enfin rien ne peut faire cesser la vision béatifique, ni Dieu qui l'a promise comme récompense, ni l'âme qui trouve par elle le Souverain bien (Ia, IIae, q. 5, a. 4).
Le Catéchisme du Concile de Trente ( Ia, P., c. 13, n. 3.), dit : « Celui qui est heureux peut-il ne pas désirer ardemment de jouir sans fin de ce qui fait son bonheur ? Et sans l'assurance d'une félicité stable et certaine, ne serait-il pas malgré lui en proie à tous les tourments de la crainte ? »
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| Sujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L Jeu 18 Mar - 3:18 | |
| CINQUIÈME PARTIE CHAPITRE IV - L'AMOUR BÉATIFIQUE ET LA JOIE QUI EN RÉSULTE
L'INAMISSIBILITÉ DE LA BÉATITUDE
Les âmes bienheureuses sont au-dessus des heures, des jours, des années, elles sont dans l'unique instant qui ne passe pas. Nous ne pensons certainement pas assez à l'instant de l'entrée an ciel, à l'instant où nous recevrons la lumière de gloire et où nous verrons Dieu pour toujours.
Or cet instant doit être préparé;, par rapport à lui trois autres ont une importance capitale : celui de la justification par le baptême, celui de la réconciliation avec Dieu si nous l'avons gravement offensé, et celui de la bonne mort ou de la persévérance finale. C'est là ce qui compte le plus pour nous préparer à la vie éternelle.
Nous ne pouvons nous faire une idée de la grandeur de l'amour béatifique, mais cependant il correspondra comme degré d'intensité à nos mérites, et donc ce n'est pas au ciel que nous apprendrons à aimer Dieu, c'est ici-bas que nous devons l'apprendre; le degré de notre vie de l'éternité dépendra du degré de nos mérites au moment de la mort.
Jésus a dit : « Il y a plusieurs demeures dans la maison de mon Père » ( JOAN., XIV, I.) et chacun selon ses mérites et la sincérité de son désir, y recevra une récompense plus ou moins grande. « Celui qui sème peu, recueillera peu ; celui qui sème beaucoup, moissonnera beaucoup » ( II COR., IX, 6. cf. SAINT THOMAS, Suppl., q. 93, a. 3.).
La vie chrétienne, par la charité qui l'anime, doit être en ce sens la vie éternelle commencée. La grâce sanctifiante et la charité, qui dès maintenant sont en nous, doivent durer éternellement. Comme le dit saint Jean de la Croix, « au soir de notre vie nous serons jugés sur l'amour », sur la sincérité, la générosité et le degré de notre amour de Dieu et du prochain.
La joie éternelle qui résultera de la vision immédiate de l'essence divine et de l'amour béatifique est inexprimable. Si déjà nous sommes enchantés par le reflet des perfections divines dans les créatures, par les fééries du monde sensible, par les harmonies des couleurs et des sons, par l'immensité de l'océan, par les splendeurs du ciel étoilé, et plus encore par les splendeurs spirituelles que révèle la vie des saints, que sera-ce lorsque nous verrons Dieu, ce foyer spirituel de lumière et d'amour, cette plénitude infinie éternellement subsistante, d'où procède la vie de la création !
Chacun se réjouira. non seulement de la récompense reçue, mais aussi de celle des autres élus et plus encore de la gloire de Dieu, de la manifestation de l'infinie Bonté. Cette joie sera donc un acte de la vertu de charité, la suite normale de l'amour de Dieu et des créatures pour Dieu. Telle est la gloire essentielle que Dieu réserve à ceux qui l'aiment : « L'oeil de l'homme, dit saint Paul, n'a pas vu, l'oreille n'a pas entendu, le coeur de l'homme n'a pas désiré les choses que Dieu a préparées pour ceux qui l'aiment » I. COR., II, 9.
Alors nous verrons l'immense opposition des biens matériels et des biens spirituels. Les mêmes biens matériels, la même maison, le même champ, le même territoire ne peuvent appartenir simultanément et intégralement à plusieurs, la possession de celui-ci empêche l'autre de posséder comme il le désire, car ces biens matériels sont trop pauvres pour répondre aux désirs de tous. Au contraire, les mêmes biens spirituels, la même vérité, la même vertu, le même Dieu vu face à face, peuvent appartenir simultanément à tous, sans que la possession de l'un gêne celle de l'autre. Bien plus, nous possédons ces biens spirituels d'autant mieux que nous les possédons avec les autres et que nous nous réjouissons de leur joie.
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| Sujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L Jeu 18 Mar - 18:35 | |
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CHAPITRE IV - L'AMOUR BÉATIFIQUE ET LA JOIE QUI EN RÉSULTE
L'INAMISSIBILITÉ DE LA BÉATITUDE
De même au ciel nous verrons clairement que la bonté est essentiellement communicative, et qu'elle se donne d'autant plus intimement et abondamment qu'elle est d'un ordre spirituel plus élevé. Dieu le Père de toute éternité communique toute sa nature à son Fils et par lui au Saint-Esprit ; la personne du Verbe s'est communiquée à l'humanité de Jésus et par elle, dans la communion, nous communique une participation toujours plus élevée de la vie divine.
Les élus au ciel sont de la famille de Dieu. La Sainte Trinité vue à découvert et aimée par-dessus tout habite en eux comme dans un tabernacle vivant, comme dans un temple de gloire doué de connaissance et d'amour. Dès lors le Père en eux engendre le Verbe dans l'unique instant de l'éternité ; le Père et le Fils en eux spirent l'Amour personnel.
La charité les rend dans une mesure semblables au Saint-Esprit, la vision les assimile au Verbe, qui les assimile lui-même au Père dont il est l'image. Ils entrent ainsi en un sens dans le cycle de la Trinité sainte, qui est en eux, et plus encore ils sont en elle, au sommet de l'Être, de la Pensée et de l'Amour ( Cf. BOSSUET, Méditations sur l'Evangile, 2e partie, 75e-76e jours: les élus aimés de Dieu en Jésus. - Père saint. ).
L'AMOUR DES SAINTS POUR NOTRE SEIGNEUR ET SA SAINTE MÈRE
Les Bienheureux, voyant à découvert les trois Personnes divines, voient de même en Dieu l'union personnelle du Verbe et de l'humanité de jésus, la plénitude de grâce, de gloire, de charité de sa sainte âme, les trésors de son Coeur, la valeur infinie de ses actes théandriques, de ses mérites passés, le prix de sa Passion, de la moindre goutte de son sang, la valeur sans mesure de chaque messe, le fruit des absolutions ; ils voient de même la gloire qui rejaillit de l'âme du Sauveur sur son corps depuis sa résurrection, et, comment depuis l'Ascension, il est au sommet de toute la création matérielle et spirituelle.
Ils voient de même in Verbo Marie corédemptrice, l'éminente dignité de sa Maternité divine, qui, par son terme est de l'ordre hypostatique, supérieur à ceux de la nature et de la grâce. Ils contemplent aussi la grandeur de son amour au pied de la croix, son élévation au-dessus des hiérarchies angéliques, le rayonnement de sa médiation universelle. Cette vision in Verbo de Jésus et de Marie se rattache à la béatitude essentielle, comme l'objet secondaire le plus élevé se rattache dans la vision béatifique à l'objet premier.
Au contraire la vision extra Verbum et à plus forte raison la vision sensible du Christ et du corps glorieux de Marie appartiennent à la béatitude accidentelle. Il y a une grande différence entre ces deux connaissances, la plus haute est appelée par saint Augustin la vision du matin, l'autre la vision du soir, car elle atteint les créatures, non pas dans la lumière divine, mais dans leur lumière créée qui est comme celle du crépuscule.
On voit mieux cette différence si l'on pense: deux connaissances qu'on peut avoir des lunes sur la terre : on peut les considérer en elles-mêmes par ce qu'elles disent ou écrivent, comme le fait un psychologue, ou on peut les considérer en Dieu comme le faisait par exemple le Saint Curé d'Ars lorsqu'il écoutait en confession ceux qui s'adressaient à lui ; il fut le génie surnaturel du confessionnal parce qu'il écoutait les âmes en Dieu, en restant en oraison, et c'est pourquoi sous l'inspiration divine, il leur donnait une réponse surnaturelle non seulement vraie mais immédiatement applicable et l'on allait à lui parce qu'il avait l'âme pleine de Dieu.
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| Sujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L Dim 21 Mar - 3:40 | |
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CHAPITRE IV - L'AMOUR BÉATIFIQUE ET LA JOIE QUI EN RÉSULTE
L'AMOUR DES SAINTS POUR NOTRE SEIGNEUR ET SA SAINTE MÈRE
Les Saints par suite aiment ardemment Notre Seigneur, comme leur Sauveur, auquel ils doivent tout. Ils voient que sans lui, ils n'auraient rien pu faire dans l'ordre du salut ; ils voient jusqu'au moindre détail, toutes les grâces qu'ils ont reçues de lui, qu'ils lui doivent tous les effets de leur prédestination : la vocation, la justification conservée, la glorification ; ils ne cessent de l'en remercier. Ils sont toujours vivifiés par Lui. Chacun voit en Lui l'Époux des âmes et aussi l'Époux de l'Église militante, souffrante et triomphante. Quelle vue et quel amour n'ont-ils pas du Corps mystique dont Jésus est la tête ! Ils se sentent aimés de Dieu en Jésus-Christ comme ses membres.
Alors se réalise ce qui est dit dans l'APOCALYPSE V, 12 : « Des milliers d'anges disent d'une voix forte « L'Agneau qui a été immolé est digne de recevoir la puissance, la richesse, la sagesse, la force, l'honneur, la gloire et la bénédiction ». C'est « l'Agneau immolé qui a racheté par son sang les hommes de toute tribu, de toute langue, de tout peuple, de toute nation ». (APOC., V, 9) « La Jérusalem céleste n'a besoin ni du soleil, ni de la lune pour l'éclairer, car la gloire de Dieu l'illumine et l'Agneau est son flambeau. Les nations marcheront à sa lumière et les rois de la terre y apporteront leur magnificence... Il n'y entrera rien de souillé, mais ceux-là seuls qui sont inscrits dans le livre de vie de l'Agneau ».
Bossuet dans ses Méditations sur l'Evangile, IIe P., 72e jour, a écrit : « Commençons donc dès cette vie à contempler par la foi la gloire de Jésus-Christ, et à lui devenir semblables en l'imitant. Un jour nous lui serons semblables par l'effusion de sa gloire, et n'aimant en lui que le bonheur de lui ressembler, nous serons enivrés de son amour. Ce sera là la dernière et parfaite consommation de l'œuvre pour lequel Jésus-Christ est venu ».
Ibid., 75e jour : « Jésus dit aux élus: Je suis en eux (JEAN, XVII, 26). Ils sont mes membres vivants, ...d'autres moi-même... Ainsi le Père éternel ne voit en eux que Jésus-Christ, c'est pourquoi il les aime par l'effusion et l'extension du même amour qu'il a pour son Fils. Après quoi il faut se taire avec le Sauveur, et demeurant dans l'étonnement de tant de grandeurs où nous sommes appelés en Jésus-Christ, n'avoir plus d'autre désir que de nous en rendre dignes avec sa grâce ».
En ces âmes unies au Christ, tant qu'elles sont sur la terre, le Saint-Esprit écrit un Evangile spirituel ; il l'écrit non pas avec de l'encre, sur du parchemin mais avec la grâce sur les intelligences et les volontés. Cet évangile spirituel est le complément de celui que nous lisons chaque jour à la Messe. Il s'imprime pendant toute la durée des siècles et il ne sera terminé qu'au dernier jour. C'est l'histoire spirituelle du Corps mystique ; Dieu la connaît de toute éternité, et les bienheureux en voient les lignes essentielles dans l'essence divine. Le Père de Caussade a écrit sur ce sujet des pages admirables, dans son traité de l'Abandon à la Providence.
Au-dessus de tous les saints, Marie au ciel est par tous reconnue et aimée comme la très digne Mère de Dieu, la Mère de la divine grâce, la Vierge puissante, la Mère de Miséricorde, le refuge des pécheurs, la consolatrice des affligés, le secours des chrétiens, la reine des Patriarches, des Prophètes, des Apôtres, des Martyrs, des Confesseurs, des Vierges et de tous les Saints. Cet amour de charité des saints pour Jésus et Marie contemplés en Dieu, in Verbo, se rattache à la béatitude essentielle comme le plus élevé des objets secondaires à l'objet premier.
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CHAPITRE IV - L'AMOUR BÉATIFIQUE ET LA JOIE QUI EN RÉSULTE
L'AMOUR DES SAINTS LES UNS POUR LES AUTRES
Enfin les saints, se voyant les uns les autres en Dieu, s'aiment en lui et pour lui d'une charité mutuelle inamissible. Chacun aime les autres d'autant plus qu'ils sont plus près de Dieu et se réjouit du degré de béatitude que les autres ont reçu.
Mais cependant chacun aime d'une affection spéciale ceux auxquels il a été légitimement uni sur la terre. ( Cf. SAINT THOMAS, IIa, IIae, q. 26, a. 13.)
Les élus forment dans la gloire une immense assemblée depuis les Patriarches, les Prophètes, le Précurseur, saint Joseph, les Apôtres, jusqu'à l'âme des enfants morts peu après leur baptême ( Saint Joseph est le plus élevé de tous après Marie, mais il est souvent nommé après les Patriarches, les Prophètes, le Précurseur, en tant qu'il appartient au Nouveau Testament ; le Précurseur fait la transition.).
En cette assemblée immense, il y a la plus grande variété dans la plus intime unité et la plus grande intensité de vie dans le repos parfait. Les saints, que nous appelons des morts parce qu'ils ont quitté la terre, sont débordants de vie.
Chacun de ces saints a sa mentalité personnelle, chacun est lui-même avec tous les dons naturels et surnaturels qu'il a reçus, pleinement développés.
Saint Paul diffère de saint Jean, saint Augustin de saint François d'Assise, sainte Thérèse de sainte Catherine de Sienne ; mais tous se ressemblent par la contemplation de la même vérité divine et l'amour de Dieu.
Aussi les maîtres de la vie spirituelle nous disent : « Soyez surnaturellement vous-mêmes », en éliminant vos défauts, et l'image de Dieu et de son Fils se formera de plus en plus en vous ; chacun les reproduira à sa manière ; cette unité dans la diversité lorsqu'elle resplendit, c'est le beau, ici le beau spirituel et immortel.
Enfin les bienheureux nous aiment, ils prient particulièrement et incessamment pour ceux qu'ils ont connus ici-bas et d'autant mieux qu'ils ont une plus grande charité. Et comme ils sont si près de la source de tout bien, ils nous comblent de bienfaits. Ils puisent en Dieu pour nous ce que sa bonté veut nous donner. Leur amour pour nous loin d'être diminué, est transformé.
Bien plus tous les saints du ciel nous aiment, ils nous veulent du bien, ceux-là même dont nous ignorons l'existence, car nous sommes avec eux les membres du même corps mystique dont Jésus est la tête.
Nous devons donc aimer ces saints, d'autant que cet amour est une source sûre et abondante de progrès spirituel pour nous. Qui peut dire les fruits qui résultent de l'intimité de grâce qui existe entre nous et tel ou tel saint du ciel que nous sommes portés à imiter ? Et, en eux tous, nous trouvons Notre Seigneur, notre modèle suprême ( cf. MGR CH. GAY. La vie et les vertes chrétiennes, ch. XVII : De l'amour que nous devons à l'Église triomphante.).
L'amour des saints les uns pour les autres se rattache à la béatitude essentielle, car ils se voient et s'aiment en Dieu, in Verbo, comme l'objet secondaire de la vision béatifique et de la charité inamissible. Il en résulte une joie qui provient surtout du bien incréé contemplé dans son rayonnement.
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| Sujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L Lun 22 Mar - 5:46 | |
| CINQUIÈME PARTIE
CHAPITRE IV - L'AMOUR BÉATIFIQUE ET LA JOIE QUI EN RÉSULTE
L'AMOUR DES SAINTS LES UNS POUR LES AUTRES
On lit dans l'Imitation, l. III, ch. 49, n. 6 : « Pensez, mon fils, aux fruits de vos travaux, à leur prompte fin, à leur récompense très grande, et loin de les porter avec douleur, vous y trouverez une puissante consolation.
Pour avoir renoncé maintenant à quelques vaines convoitises, vous ferez éternellement votre volonté dans le Ciel.
Là, tous vos voeux seront accomplis, tous vos désirs satisfaits... Là, votre volonté ne cessant jamais d'être unie à la mienne, vous ne souhaiterez rien hors de moi, rien qui vous soit propre.
Là personne ne vous résistera, personne ne se plaindra de vous, personne ne vous suscitera de contrariétés, mais tout ce qui peut être désiré étant présent à la fois, votre âme, rassasiée pleinement, sera comme plongée dans cette béatitude sans mesure. « Là je donnerai la gloire pour les opprobres soufferts, la joie pour les larmes, pour la dernière place un trône dans mon royaume éternel ». - Ibid., Ch. 58, n. 3
C'est moi, dit le Seigneur, qui ai fait tous les saints, moi qui leur ai donné la grâce, moi qui leur ai distribué la gloire. Je sais les mérites de chacun ; je les ai prévenus de mes plus douces bénédictions. Je les ai connus et aimés avant tous les siècles ; je les ai choisis au milieu du monde (JEAN, XV, 19), et ce ne sont pas eux qui m'ont choisi les premiers. Je les ai appelés par ma grâce ; je les ai attirés par ma Miséricorde, et conduits à travers des tentations diverses.
J'ai répandu en eux d'ineffables consolations, je leur ai donné de persévérer, et j'ai couronné leur patience. Je connais le premier et le dernier, et je les embrasse tous dans mon amour immense. C'est moi qu'on doit louer dans tous mes saints, que j'ai ainsi élevés dans la gloire et prédestinés, sans aucun mérite précédent de leur part... J'ai fait le petit et le grand. Tous ne sont qu'un par le lien de la charité ; ils sont tous unis par le même amour. Ils m'aiment plus qu'ils ne s'aiment. Ravis au-dessus d'eux-mêmes, au-dessus de leur propre amour, ils se perdent dans le mien et s'y reposent délicieusement. Ils ne sauraient détourner leur coeur vers un autre objet ; parce que, remplis de la vérité éternelle, ils brûlent d'une charité qui ne peut s'éteindre... Ils ne se glorifient point de leurs mérites, parce qu'ils ne s'attribuent rien de bon, mais qu'ils attribuent tout à moi, qui leur ai tout donné par une charité infinie. Plus ils sont élevés dans la gloire, plus ils sont humbles en eux-mêmes, et leur humilité me les rend plus chers et les unit plus étroitement à moi. Il est écrit : « Ils se prosternent devant l'Agneau et ils adorent Celui qui vit dans les siècles des siècles ». APOC., IV, 10, V, 14. Humbles, réjouissez-vous ; pauvres, tressaillez d'allégresse parce que le royaume de Dieu est à vous, si vous marchez dans la vérité »
CHAPITRE V - LA BÉATITUDE ACCIDENTELLE ET LA RÉSURRECTION
Nous avons parlé de la béatitude essentielle qui consiste dans la vision immédiate de Dieu et des créatures en Dieu, et dans l'amour qui dérive de cette vision. Le Seigneur qui est riche en Miséricorde, donne largement à ses élus, et, en dehors de la béatitude essentielle, il leur fait trouver une joie dans les biens créés légitimes qui répondent à leurs aspirations. C'est ce qu'on appelle la béatitude accidentelle.
Elle se trouve dans la société des amis ; dans la joie du bien fait sur la terre et de sa récompense spéciale telle l'auréole des vierges, des docteurs ou des martyrs. Elle se trouvera enfin dans la résurrection et les propriétés des corps glorieux.
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| Sujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L Mar 23 Mar - 2:20 | |
| CINQUIÈME PARTIE
CHAPITRE V - LA BÉATITUDE ACCIDENTELLE ET LA RÉSURRECTION
LA BÉATITUDE ACCIDENTELLE DE L'AME
Les saints du ciel au sujet de ceux qu'ils ont connus et aimés sur la terre, reçoivent en dehors de la vision béatifique, extra Verbum, des connaissances nouvelles ; c'est pour eux une joie accidentelle très appréciable d'apprendre par exemple le progrès spirituel que tel de leurs protégés fait ici-bas, et de voir entrer au ciel de nouvelles âmes, surtout si elles leur sont particulièrement liées.
Ces connaissances extra Verbum sont inférieures à la vision béatifique et ce sont elles qui sont appelées vision du soir ou du crépuscule par opposition à celle du matin qui fait voir en Dieu les choses créées. ( Il y a entre les deux, nous l'avons dit, une grande différence, tout comme il y en a une très notable entre la connaissance qu'un psychologue acquiert d'une âme par ses paroles et ses écrits, et celle qu'en peut avoir un saint directeur comme un saint François de sales lorsqu'il considère cette âme en Dieu, en priant pour elle dans l'oraison. ) .
De plus chacun des bienheureux est heureux de se voir honoré par Dieu « nimis honorati sunt amici tui, Domine » ( Ps. CXXXVIII, 17.), d'être estimé de ceux qui brillent par leur sagesse. Chacun se réjouit spécialement de voir reconnu et apprécié le bien qu'il a fait ici-bas au milieu souvent de grandes difficultés.
Une récompense spéciale sera accordée pour les victoires privilégiées contre la chair, le monde et le démon : l'auréole des vierges pour la victoire contre la concupiscence de la chair ; l'auréole des martyrs pour la victoire sur les persécuteurs animés par l'esprit du monde ; l'auréole des docteurs pour la victoire sur l'ignorance, l'erreur, l'infidélité, l'hérésie, l'esprit de division et de négation.
Cette auréole sera donnée non pas seulement à ceux qui auront enseigné publiquement la science sacrée par la parole ou par la plume, mais aussi à ceux et à celles qui l'auront fait d'une façon privée quand l'occasion s'en présentait. Cf. DANIEL, XII, 3 : « Ceux qui en auront conduit beaucoup à la justice seront comme des étoiles éternellement et toujours ». ( Cf. SAINT THOMAS, Suppl., q. 96, a. 5-7. )
L'auréole est d'abord dans l'esprit, mais, après la résurrection générale, elle aura, comme la gloire essentielle de l'âme, son reflet sur le corps ressuscité.
LA RÉSURRECTION DE LA CHAIR
A la béatitude accidentelle se rattache aussi la résurrection et les propriétés des corps glorieux ( Cf. SAINT THOMAS, Suppl., q. 75-86.).
La résurrection est un dogme de foi qui fut nié par les Sadducéens, par les Manichéens, les Albigeois, plus tard par les Sociniens, aujourd'hui par les protestants libéraux et les rationalistes.
D'abord il faut nous dire : si un bon nombre de morts comme Lazare, comme le fils de la veuve de Naïm, ont été rappelés à la vie par Notre Seigneur, puis par les Apôtres et par d'autres saints dans la suite, qu'est-ce qui empêcherait que notre âme immortelle, faite par nature pour informer et vivifier son corps, lui soit de nouveau unie pour toujours, et cela d'une façon différente suivant ses mérites ou ses démérites ?
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| Sujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L Mer 24 Mar - 6:51 | |
| CINQUIÈME PARTIE
CHAPITRE V - LA BÉATITUDE ACCIDENTELLE ET LA RÉSURRECTION
LA RÉSURRECTION DE LA CHAIR
Cette vérité révélée est d'ailleurs définie par l'Église et elle a pour elle dans l'Écriture de nombreux témoignages, comme l'explique longuement le Catéchisme du Concile de Trente, Iere p., ch. 12.
Le IVe Concile de Latran a défini : « Tous ressusciteront avec leur propre corps qu'ils ont eu sur terre, pour recevoir ce qu'ils ont mérité selon leurs œuvres bonnes ou mauvaises » ( Cf. Denz. 429 : « Omnes cum suis propriis resurgent corporibus, quae nunc gestant, ut recipiant secundum opera sua, sive bona fuerint sive mala : illi cum diabolo poenam perpetuam, isti cum Christo gloriam sempiternam ».).
La résurrection universelle est de foi. Cette résurrection requiert au moins pour qu'il y ait identité du corps ressuscité, qu'il y ait la même âme individuelle qui informe et vivifie ce corps. Selon certains ( C'est l'opinion de Durand de S. Pourçain reprise par quelques auteurs modernes.), cela suffit, parce que l'âme comme forme substantielle, donne au corps la vie spécifique et jusqu'à l'actualité qui s'appelle la corporéité.
Cependant les théologiens tiennent communément avec saint Thomas que ce doit être aussi le même corps, c'est-à-dire au moins une partie de matière qui a été en lui. Autrement comment pourrait-on dire que chacun ressuscite avec le propre corps qu'il a eu sur la terre » comme dit le IVe Concile de Latran ? Comment pourrait-on dire que ce corps individuel ressuscite ?
Cf. SAINT THOMAS, Suppl., q. 79, a. 1, 2, 3, (ex. IV Sent., d. 44, q. 1, a. 1) : a. 1 : « Si non est idem corpus quod anima resumit, nec dicetur resurrectio, sed magis novi corporis assumptio » - a. 2 : « Oportet quod idem homo numero resurgat ; et hoc quidem fit, dum eadem anima numero eidem corpori numero conjungitur, alias enim non esset resurrectio proprie, nisi idem homo repararetur. » Cf. ibid. a. 3. C. Gentes, IV, c. 80. Tabula aurea, vox: resurrectio, II-12. Cf. E. HUGON Tractatus dogmatici, De novissimis, p. 470. Cependant comme notre organisme sans perdre son identité se renouvelle par assimilation et désassimilation, il suffit qu'une partie de la matière qui a appartenu à notre corps soit réanimée dans le corps ressuscité, pour que l'identité de celui-ci soit assurée.
Par là saint Thomas, C. Gentes, IV, c. 81 répond aux objections qu'on a coutume de faire sur ce point. Les anthropophages se nourrissent sans doute parfois de chair humaine, mais ce n'est pas leur unique aliment. Les plantes dans les cimetières s'assimilent la matière des cadavres en décomposition et ensuite elles servent parfois à l'alimentation d'autres hommes, mais la matière de ces plantes ne provient pas uniquement de ces cadavres. Cf. HERVE, Manuale theol. dogm., t. IV, n° 636. Enfin il n'est pas impossible à l'infinie Sagesse et à la Toute-Puissance de retrouver la matière d'un corps disparu pour ressusciter celui-ci. Cf. MONSABRE, Conférences de Notre-Dame, la Résurrection (1889),p. 218 ss..
Saint Paul dit : « Il faut que ce corps corruptible que j'ai maintenant soit revêtu d'incorruptibilité, que ce corps mortel soit revêtu d'immortalité ». Oportet corruptibile hoc induere incorruptibilitatem, et mortale hoc induere immortalitatem ». I. COR., XV, 53.
Le Catéchisme du Concile de Trente loc. cit. dit à ce sujet : « Chacun de nous ressuscitera avec le corps que nous avons eu sur la terre, et qui aura été corrompu dans le tombeau et réduit en poussière ». Ainsi paraissent l'indiquer l'Écriture et la Tradition.
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| Sujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L Jeu 25 Mar - 5:09 | |
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CHAPITRE V - LA BÉATITUDE ACCIDENTELLE ET LA RÉSURRECTION
LA RÉSURRECTION DE LA CHAIR
Dans l'Ancien Testament, JOB, XIX, 25-27, dit déjà : « Dans ce squelette revêtu de sa peau, dans ma chair, je verrai Dieu; je le verrai moi-même, je le contemplerai de mes propres yeux, moi et non un autre ». - ISAIE, XXVI, 19, annonce : « Que vos morts reviennent à la vie, que leurs cadavres se relèvent ! Réveillez-vous et poussez des cris de joie, vous qui êtes couchés dans la poussière... La terre rendra au jour ses trépassés ». - DANIEL, XII, 12 : « Beaucoup de ceux qui dorment dans la poussière se réveilleront, les uns pour une vie éternelle, les autres pour un opprobre, pour une infâmie éternelle ». Au Livre II des MACCHABÉES, VII, 9, un des martyrs dit à son juge : « Scélérat que tu es, tu m'ôtes la vie présente, mais le Roi de l'univers nous ressuscitera pour une vie éternelle, nous qui mourons pour être fidèles à ses lois. »
Jésus défend la résurrection de la chair contre les Sadducéens, cf. MATTH., V, 29-30; X, 28: « Ne craignez point ceux qui tuent le corps et ne peuvent tuer l'âme ; craignez plutôt celui qui peut perdre l'âme et le corps dans la géhenne ». Ibid., XXII, 23-32 « Quant à la résurrection des morts, n'avez-vous pas lu ce que Dieu vous a dit en ces termes : Je suis le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac et le Dieu de Jacob ? Or Dieu n'est pas le Dieu des morts, mais le Dieu des vivants ».
Notre Seigneur est encore plus explicite dans l'Évangile de SAINT JEAN, V, 29 : « L'heure vient où tous ceux qui sont dans les sépulcres entendront sa voix (la voix du Fils de l'homme). Et ils en sortiront, ceux qui auront fait le bien, pour une résurrection de vie ; ceux qui auront fait le mal pour une résurrection de condamnation ». Ibid., VI, 54: « Celui qui mange ma chair et boit mon sang, a la vie éternelle, et moi, je le ressusciterai au dernier jour ».
Saint Paul prouve la possibilité de la résurrection des morts par celle de Notre Seigneur Jésus-Christ. Cf. I. COR., XV, 17 : « Si les morts ne ressuscitent pas, le Christ non plus n'est pas ressuscité, votre foi est vaine, vous êtes encore dans vos péchés. » Ibid., XV, 21-27 : « Puisque par un seul homme est venue la mort, c'est par un homme aussi que vient la résurrection des morts. Et comme tous meurent en Adam, de même tous aussi seront vivifiés par le Christ, mais chacun en son rang... Le dernier ennemi qui sera détruit, c'est la mort... » Le même saint Paul annonce ce mystère devant les Athéniens ( Act. Apost., XVII, 31-32.), devant le gouverneur Félix ( Act. Apost., XXIV, I5, 21. ) et aux Thessaloniciens ( I. THESS., IV, 17.). Voir aussi Apocalypse c. XXI, 4.
Les Pères de l'Église du IIe siècle parlent très explicitement de ce dogme ( Athénagore, Théophile d'Antioche, Tertullien en parlent longuement, de même saint Jean Chrysostome, saint Augustin, saint Grégoire. Cf. ROUET DE JOURNEL, Enchiridion patristicum, index théologicus, n° 598-600 : mortui resurgent, et quidem atones, cum eodem corpore.), et les martyrs l'annoncent en mourant ( Cf. RUINART, Acta Martyrum, p. 70.).
La raison ne peut donner une preuve démonstrative de cette vérité révélée, mais elle en fournit de hautes raisons de convenance. Ces raisons sont prises du côté de l'âme et du corps, puis du côté de Dieu et enfin du côté du Christ. Voici comment elles sont exprimées dans le Catéchisme du Concile de Trente, loc. cit. : « La première est que nos âmes, qui ne sont qu'une partie de nous-mêmes, sont immortelles et conservent toujours leur propension naturelle à s'unir à nos corps ».
C'est que notre intelligence, la dernière de toutes les intelligences, a pour objet propre : la vérité intelligible connue dans le miroir des choses sensibles ; alors elle a normalement besoin du concours de l'imagination, qui n'existe pas actuellement sans un organe, sans le corps.
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| Sujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L Ven 26 Mar - 4:17 | |
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CHAPITRE V - LA BÉATITUDE ACCIDENTELLE ET LA RÉSURRECTION
LA RÉSURRECTION DE LA CHAIR
Dès lors il paraîtrait contraire à la nature, qu'elles en fussent séparées à jamais. Or ce qui est contraire à la nature et dans un état de violence, ne peut pas durer toujours. Il est donc de toute convenance que l'âme soit réunie à son corps et que celui-ci ressuscite ( Cf. SAINT THOMAS, C. Gentes, l. IV, c. 79.). L'âme est naturellement forme du corps, c'est pourquoi elle frémit de s'en séparer ; elle ne doit donc pas être privée de lui pour toujours.
Ce que nous venons de dire réfute la métempsychose, selon laquelle une âme humaine passerait d'un corps dans un autre, soit dans un corps de bête, soit dans un autre corps humain ; par exemple l'âme de Pierre dans le corps de Paul. Cela n'est pas possible, car l'âme humaine a une relation essentielle à un corps humain, et non pas à un corps de bête ; de plus cette âme individuelle a par elle-même une relation à ce corps individuel et non pas à un autre.
Ainsi les âmes séparées restent individuées par leur relation à leur propre corps qu'elles réanimeront un jour. Le corps de Pierre a été voulu par Dieu pour l'âme de Pierre, et non pour celle de Paul. C'est le sens profond de l'individualité des âmes et de celle des corps.
« Une seconde raison se tire de la Justice infinie de Dieu, qui a établi en l'autre vie des châtiments pour les méchants et des récompenses pour les bons... Il convient donc que les âmes soient de nouveau unies à leur corps, afin que ces corps qui ont servi d'instruments pour le bien comme pour le mal, partagent avec les âmes les récompenses et les punitions méritées. C'est la pensée que saint Jean Chrysostome a développée avec le plus grand soin dans une homélie au peuple d'Antioche » ( Homil., 49 et 50.).
Chez les méchants le corps a pris part aux oeuvres d'iniquité, et aux voluptés criminelles; chez les bons il a été au service de l'âme dans l'accomplissement des bonnes oeuvres, parfois héroïques, dans le dévouement, l'apostolat, dans les souffrances du martyre.
De plus le corps des justes a été le temple du Saint-Esprit, comme le dit saint Paul. La résurrection du corps est donc hautement convenable pour que rien ne manque à la félicité de l'âme. En cela apparaît avec la justice de Dieu, sa sagesse et sa bonté.
Une troisième raison se tire de ce que la victoire du Christ sur le péché et sur le démon a pour conséquence sa victoire sur la mort, suite du péché. Il a remporté lui-même cette victoire sur la mort par sa propre résurrection et par celle de sa sainte Mère juste avant l'Assomption ; il convient donc, pour qu'il soit le Sauveur de l'humanité, corps et âme, qu'il remporte la victoire définitive sur la mort, par la résurrection universelle.
Le Catéchisme du Concile de Trente a dit à ce sujet, loc. cit. : « Admirable restauration de notre nature dont nous sommes redevables à la victoire de Notre Seigneur Jésus-Christ sur la mort.
La sainte Écriture est formelle sur ce point : Il anéantira la mort à jamais, dit Isaïe en parlant de Jésus-Christ ( Is., XXV, 8.). Osée lui fait dire : « O mort, je serai ta mort » ( OSÉE, XIII, 14. ). Saint Paul en expliquant cette parole, ne craint pas d'affirmer qu'après tous les autres ennemis, la mort même sera détruite » ( I. COR., XV, 26.).
Nous lisons dans saint Jean: « Il n'y aura plus de mort ( APOC., XXI, 4. ) ». Il était en effet de suprême convenance que les mérites de Jésus-Christ, qui ont détruit l'empire de la mort, fussent infiniment plus efficaces et plus puissants que le péché d'Adam ( HEBR., II 14.) .
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| Sujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L Sam 27 Mar - 5:24 | |
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CHAPITRE V - LA BÉATITUDE ACCIDENTELLE ET LA RÉSURRECTION
LES PROPRIÉTÉS DES CORPS GLORIEUX
SAINT PAUL, I. COR., XV, 42, dit : « L'éclat des corps célestes est d'une autre nature que celui des corps terrestres : autre est l'éclat du soleil, celui de la lune, celui des étoiles, même une étoile diffère en éclat d'une autre étoile.
Ainsi en est-il pour la résurection des morts. Semé dans la corruption, le corps ressuscite incorruptible ; semé dans l'ignominie, il ressuscite glorieux ; semé dans la faiblesse, il ressuscite plein de force ; semé corps animal, il ressuscite corps spirituel (ou subtil) ».
D'après cette doctrine, les théologiens distinguent quatre qualités principales des corps glorieux : l'impassibilité, la subtilité, l'agilité, la clarté.
L'impassibilité est ce don qui les préservera non seulement de la mort, mais de la douleur (Cf. SAINT THOMAS, Suppl, q. 83, a. 1 ; q. 84, q. 85) ; elle proviendra de la parfaite soumission du corps à l'âme ( De Civ. Dei, l. XI, 10).
L'agilité délivrera le corps du poids qui parfois l'accable dans la vie présente. Il pourra se porter partout où il plaira à l'âme avec une facilité et une vitesse incomparable, comme l'aigle, ainsi que le dit saint Jérôme ( Comm. in Isaiam, c. 40).
La subtilité le rendra capable de pénétrer les autres corps, sans difficulté ; ainsi le corps glorieux du Christ ressuscité rentra au cénacle quoique les portes fussent fermées ( Cf. SAINT THOMAS, Suppl, q. 83).
La clarté donnera au corps des saints cet éclat ou cette splendeur qui est l'essence même du beau. Notre Seigneur dit: « Les justes brilleront comme le soleil dans le royaume de mon Père » ( MATTH., XIII, 14) et pour en donner une idée à trois de ses Apôtres il fut transfiguré devant eux sur le Thabor ( MATTH., XVII, 12).
Saint Paul dit aussi : « Jésus-Christ reformera notre corps vil et abject, en le rendant semblable à son corps glorieux » ( PHIL., III, 21). Les Israélites, dans le désert (EXOD., XXXIV, 20), virent une image de cette gloire sur le front de Moïse, lorsque après avoir vu Dieu et reçu ses paroles, il paru devant eux avec un visage si lumineux que leurs yeux n'en pouvait soutenir l'éclat.
Cette clarté n'est qu'un reflet ou une redondance de la gloire de l'âme sur le corps ( Cf. SAINT THOMAS, Suppl., q. 85, a. 1), et par suite les corps des saints n'auront pas tous le même degré de la lumière de gloire et de la charité qui correspondra à celui de leurs mérites. Aussi saint Paul dit-il, nous l'avons vu, « de même qu'une étoile diffère d'une autre étoile en clarté, ainsi en sera t-il de la résurection des morts » ( I COR., XV, 41).
Enfin nos sens trouveront une très pure et ineffable joie à contempler l'humanité de Jésus, la Bienheureuse Vierge Marie, les corps des saints, toute la beauté du monde renouvelé, et à entendre les chants qui accompagneront le culte d'adoration et d'action de grâces de la cité de Dieu.
Telle sera la béatitude accidentelle du ciel, après la rénovation du monde.
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| Sujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L Dim 28 Mar - 3:32 | |
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CHAPITRE V - LA BÉATITUDE ACCIDENTELLE ET LA RÉSURRECTION
LES PROPRIÉTÉS DES CORPS GLORIEUX
ISAIE, LXV, 17 annonce déjà « de nouveaux cieux et une nouvelle terre ». L'APOCALYPSE, XXI, 1 le redit. La IIe Epître de Saint PIERRE, III, 10, l'explique en disant : « Le jour du Seigneur viendra comme un voleur ; en ce jour les cieux passeront avec fracas, les éléments embrasés se dissoudront, et la terre sera consumée avec les ouvrages qu'elle enferme ... Nous attendrons, selon la promesse « de nouveaux cieux et une nouvelle terre » où la justice habite. »
Et d'autre part la science constate dans la robuste constitution du monde les symptômes de la crise qu'il doit subir. Elle découvre dans les profondeurs du firmament les pluies d'astres dont nous sommes menacés ; l'arrêt brusque de mouvements célestes, pourrait par la transformation des forces produire une immense conflagration. Cf. MONSABRE, Conférences de Notre-Dame, 101e Conf., 1889. »
Quels sont dès maintenant pour nous les fruits de la connaissance de ce mystère auquel nous n'avions nullement par nature le droit d'aspirer ? Le Seigneur a daigné « révéler ces choses aux petits, alors qu'il les a cachées aux prudents et aux sages » ( MATTH., XI, 26 ).
Nous devons d'abord en remercier l'infinie Bonté. Nous devons aussi y voir un stimulant pour réprimer les mauvaises passions qui seront châtiées dans le corps et dans l'âme, et pour mener une vie sainte, celle que le Seigneur attend de nous dans les conditions où nous sommes. Ce doit être enfin une consolation pour nous en mourant ou en voyant mourir les nôtres de penser à la résurrection future.
Dans le cours de la vie présente cette même pensée est un réconfort au milieu des peines ; c'est ainsi que Job se consolait de ses malheurs par l'espérance de voir le Seigneur son Dieu au jour de la Résurrection ( JOB., XIX, 26 ). La splendeur qui apparaît parfois sur le visage des saints, comme sur celui de saint Dominique ou de saint François, est le prélude de celle de l'éternité.
L'histoire rapporte que des hérétiques voulurent tuer saint Dominique, et se portèrent sur le chemin où il devait passer à Fanjeaux, mais lorsqu'il arriva une telle lumière rayonnait de ses traits qu'ils n'osèrent pas le toucher ; cette lumière était le rejaillissement sensible de la contemplation qui l'unissait à Dieu, et qui le sauva en sauvant aussi l'Ordre qu'il avait l'intention de fonder..
CHAPITRE VI - LE NOMBRE DES ÉLUS
Bien des ouvrages ont été écrits sur ce sujet, on en trouvera la liste assez complète avec un examen judicieux des raisons qu'ils proposent dans le savant article Elus du Dictionnaire de Théologie Catholique écrit par A. Michel. Nous ne dirons ici que ce qui est certain ou au moins très probable selon la grande majorité des théologiens.
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| Sujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L Dim 28 Mar - 17:07 | |
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CHAPITRE VI - LE NOMBRE DES ÉLUS
LE MYSTÈRE RELATIF AU NOMBRE DES ÉLUS
Le nombre des élus est connu de Dieu : « Le Seigneur connaît ceux qui sont à lui ». II. TIM., II, 19. La liturgie dit même que ce nombre est connu de lui seul ( « Deus cui soli cognitus est numerus electorum superna felicitate locandus ».). C'est ce qu'affirme aussi saint Thomas ( Ia, q. 23, a. 7.). La fin du monde arrivera lorsque ce nombre des élus sera complet et que la suite des générations humaines n'aura plus sa raison d'être.
En lui-même ce nombre est très grand au témoignage de l'APOCALYPSE, VII, 4-9 : « J'entendis le nombre de ceux qui avaient été marqués du sceau (des serviteurs de Dieu), cent quarante quatre mille de toutes les tribus des enfants d'Israël...
Après cela, je vis une foule immense que personne ne pouvait compter, de toute nation, de toute tribu, de tout peuple et de toute langue. Ils étaient debout devant le trône et devant l'Agneau, vêtus de robes blanches et tenant des palmes à la main. »
Est-ce que le nombre des élus est supérieur à celui des réprouvés ?
Si l'on compte les anges et les hommes élus, leur nombre parait supérieur à celui des réprouvés, dit saint Thomas (Ia, q. 63, a. 9 et I. Sent., dist. 39, q. 2, a. 2, ad 4m), car selon le témoignage de l'Écriture et de la Tradition, parmi les anges, dont le nombre est très élevé selon DANIEL, VII, 10, comme celui des étoiles du ciel, la majorité est restée fidèle. De plus dans la nature angélique, dit saint Thomas (Ia, q. 63, a. 9, ad Im), le mal n'arrive que dans la minorité des cas, car l'ange n'ayant ni sens, ni passions, ne court pas risque, comme l'homme, de s'arrêter à une forme de vie inférieure.
Si l'on parle seulement des hommes, nous ne savons pas, si parmi les mondes répandus dans l'espace, la terre seule est habitée. A ne parler que des hommes qui se succèdent sur notre planète, la question du nombre des élus reste controversée.
Bien des Pères et des théologiens inclinent vers le moins grand nombre des élus, parce qu'il est dit dans l'Évangile : « Il y a beaucoup d'appelés, et peu d'élus ». MATTH., XX, 16 ; XXII, 14 ; « Entrez par la porte étroite ; car la porte large et la voie spacieuse conduisent à la perdition et nombreux sont ceux qui y passent ; car elle est étroite la porte et resserrée la voie qui conduit à la vie et il en est peu qui la trouvent ! » MATTH., VII, 14.
Cependant ces textes ne sont pas absolument probants. Après plusieurs autres le Père Monsabré ( Conférences de Notre-Dame : 102e Conférence : le Nombre des élus, P. 253.) remarque : « Si ces paroles ont été dites pour tous les lieux et pour tous les temps, l'opinion du petit nombre des élus triomphe. Mais il est permis de croire qu'elles s'appliquent, surtout et directement, au temps ingrat de la prédication du Sauveur ; et elles ne sont que trop bien justifiées par le peu de fruit de cette prédication. Quand Jésus veut nous faire entrevoir l'avenir, il parle d'une autre manière.
Il dit à ses disciples : « Lorsque je serai élevé de terre, j'attirerai tout à moi » JEAN, XII, 32. « Les puissances de l'enfer ne prévaudront pas contre mon Eglise » MATTH., XVI, 18. Et nous montrant les résultats de son dernier jugement : « Les bons, dit-il, s'en iront dans l'éternelle vie, et les méchants dans l'éternel supplice » MATTH., XXV, 46.
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| Sujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L Lun 29 Mar - 16:31 | |
| CINQUIÈME PARTIE
CHAPITRE VI - LE NOMBRE DES ÉLUS LE MYSTÈRE RELATIF AU NOMBRE DES ÉLUS
Remarquez, je vous prie qu'il ne détermine pas le nombre des bons et des méchants. Son parti est pris de se taire sur ce point ; et à ceux qui lui demandent de se prononcer clairement, par cette question : « Seigneur y en a-t-il peu qui se sauvent ? », il se contente de répondre : « Efforcez-vous d'entrer par la porte étroite ; car beaucoup chercheront à entrer et ne pourront pas » Luc, XIII, 24.
Les rigoristes me diront, peut-être, que Jésus-Christ nous cache ici le mystère de sa justice pour ne pas troubler les âmes timorées ; moi, j'aime mieux penser qu'il nous cache le mystère de sa Miséricorde pour nous faire éviter la présomption ».
L'opinion commune des Pères et des anciens théologiens est sans doute que, parmi les hommes, ceux qui sont sauvés ne représentent pas le plus grand nombre. On cite en faveur de ce sentiment les saints Basile, Jean Chrysostome, Grégoire de Naziance, Hilaire, Ambroise, Jérôme, Augustin, Léon le Grand, Bernard, Thomas d'Aquin ; et plus près de nous Molina, saint Robert Bellarmin, Suarez, Vasquez, Lessius, saint Alphonse. Mais ils ne donnent leur manière de voir que comme une opinion, non pas comme une vérité révélée, ni comme une conclusion certaine.
Au siècle dernier l'opinion contraire « du plus grand nombre des élus, » a été défendue par le Père Faber en Angleterre, Mgr Bougaud en France, le P. Castelein, S. J. en Belgique.
On trouvera l'exposé des raisons pour et contre dans l'article Elus du Dictionnaire de Théol. Cath: les unes insistent sur la Miséricorde, les autres sur la justice. Ni les unes, ni les autres ne donnent une certitude ; ce sont seulement des raisons de convenance, et elles diffèrent beaucoup des raisons de convenance invoquées en faveur d'un dogme déjà certain par la révélation, car il ne s'agit pas ici d'une vérité déjà certaine.
Aussi les théologiens sont généralement inclinés à compléter ce que nous dit l'Écriture et la Tradition par la considération des moyens de salut donnés aux hommes dans l'Église catholique et en dehors du corps de l'Église surtout aux âmes de bonne foi.
S'il s'agit seulement des catholiques, on enseigne communément, surtout depuis Suarez que, même à ne considérer que les adultes, le nombre des élus dépasse celui des réprouvés. Quoique en effet la majeure partie pèche mortellement, ils se relèvent cependant au tribunal de la pénitence, et il y en a relativement peu qui à la fin de la vie ne se repentent pas et refusent de recevoir les sacrements.
S'il s'agit de tous les chrétiens, ou de tous les baptisés, soit catholiques, soit schismatiques, soit protestants, il est plus probable, disent communément les théologiens, que le plus grand nombre est sauvé, en comprenant du moins les adultes et les enfants, car nombreux sont les enfants qui meurent en état de grâce avant l'usage de la raison.
De plus beaucoup de schismatiques et de protestants sont aujourd'hui de bonne foi et ils peuvent se réconcilier avec Dieu par un acte de contrition surtout à l'article de la mort, où la Miséricorde Divine se penche sur eux. Enfin les schismatiques peuvent y être aidés par une absolution valide.
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| Sujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L Mar 30 Mar - 16:16 | |
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CHAPITRE VI - LE NOMBRE DES ÉLUS LE MYSTÈRE RELATIF AU NOMBRE DES ÉLUS
S'il s'agit du genre humain tout entier, la question reste controversée pour les raisons que nous avons dites plus haut. Mais, même si, ici, le nombre des élus est moins grand, la gloire de Dieu, dans son gouvernement n'en souffre pas. La qualité l'emporte sur la quantité ; une seule âme élue est comme un univers spirituel qui a atteint son but ; et nul mal n'arrive sans avoir été permis pour un bien supérieur. De plus, parmi les non chrétiens, qu'ils soient juifs, mahométans ou païens, il y a des élus.
Les juifs et les mahométans non seulement admettent le monothéisme, mais conservent des fragments de la révélation primitive et de la révélation mosaïque ; ils peuvent ainsi croire à un Dieu rémunérateur surnaturel, et avec le secours de la grâce faire un acte de contrition.
Même s'il s'agit de païens qui sont dans l'ignorance invincible ou absolument involontaire de la vraie religion et qui s'efforcent d'observer la loi naturelle, des secours surnaturels leur sont offerts, par les moyens connus de Dieu, pour qu'ils puissent arriver au salut, comme le dit Pie IX, en rappelant que Dieu ne commande jamais l'impossible ( Cf. Denz., 1677 et SAINT AUGUSTIN, De Natura et gratia, c. 43, n° 50.). A celui qui fait ce qui est en son pouvoir, Dieu ne refuse pas sa grâce, comme le disent communément les théologiens.
Quant aux enfants qui meurent avant le baptême et avant l'usage de la raison, à cause du péché originel qui ne leur a pas été remis, ils vont aux limbes, où ils ne souffrent pas, car ils ignorent qu'ils étaient appelés à voir Dieu face à face, ils le connaissent d'une connaissance naturelle et ils ont une certaine béatitude naturelle, (quamdam beatitudinem naturalem) quoiqu'ils n'arrivent pas, à cause du péché originel, à l'amour efficace de Dieu auteur de la nature. Cela montre indirectement le prix et la grandeur du baptême.
Nous ne pouvons arriver à une certitude sur la question : est-ce que le plus grand nombre des hommes est sauvé ? Il vaut mieux reconnaître notre ignorance sur ce point, et éviter de décourager les fidèles par une doctrine trop rigide, ou de les exposer au danger de se perdre par une doctrine trop facile. L'important est d'observer les commandements de Dieu en se rappelant cette grande vérité bien exprimée par saint Augustin ( De Natura et gratia, c. 43, n. 50.) et proclamée par le Concile de Trente (Denz. 804) : « Dieu ne commande pas l'impossible, mais, en donnant ses préceptes, il nous avertit de faire ce que nous pouvons et de lui demander sa grâce pour accomplir ce que nous ne pouvons pas et il nous aide pour que nous le puissions. »
Il faut aussi mettre sa confiance en Jésus-Christ « victime de propitiation pour nos péchés ». I. JOAN., IV, II, en « l'Agneau de Dieu qui efface les péchés du monde » JOAN., I, 29. - « Approchons-nous avec assurance du trône de la grâce pour obtenir Miséricorde et pour être secourus en temps opportun ». HEBR., IV, 16.
Dans ses Méditations sur l'Evangile, dernière partie, 72e jour, au sujet du mystère de la prédestination : « la volonté de mon Père est que je ne perde aucun de ceux qu'il m'a donnés ». JOAN., VI, 39., Bossuet dit : « Pourquoi Jésus nous fait-il entrer dans ces sublimes vérités ? Est-ce pour nous troubler, pour nous alarmer... pour que l'on s'agite soi-même en disant : « Suis-je des élus ou n'en suis-je pas ? » Loin de nous une si funeste pensée, qui nous ferait pénétrer dans les secrets conseils de Dieu, fouiller pour ainsi dire jusque dans son sein, et sonder l'abîme profond de ses décrets éternels.
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| Sujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L Mer 31 Mar - 16:59 | |
| CINQUIÈME PARTIE CHAPITRE VI - LE NOMBRE DES ÉLUS LE MYSTÈRE RELATIF AU NOMBRE DES ÉLUS
Le dessein de Notre Sauveur est que, contemplant ce regard secret qu'il jette sur ceux qu'il sait et que son Père lui a donnés par un certain choix et reconnaissant qu'il les sait conduire à leur salut éternel par des moyens qui ne manquent pas, nous apprenions, premièrement à les demander, à nous unir à sa prière, à dire avec lui : « Préservez-nous de tout mal, ou comme parle l'Église : « Ne permettez pas que nous soyons séparés de vous : si notre volonté veut échapper, ne le permettez pas ; tenez-la sous votre main, changez-la ; et la ramenez à vous... Jésus veut nous apprendre aussi à nous abandonner à sa bonté... ; en agissant de tout notre coeur pour notre salut, il faut au-dessus de tout nous abandonner à Dieu seul pour le temps et pour l'éternité ».
LES SIGNES DE LA PRÉDESTINATION
Comme le déclare le Concile de Trente (Denz. 805 et 826) on ne peut avoir sur terre, sans révélation spéciale, la certitude qu'on est prédestiné. Nul parmi les justes, à moins de révélation spéciale, ne sait s'il persévérera dans les bonnes oeuvres et dans la prière.
Y a-t-il pourtant des signes de la prédestination qui donnent une sorte de certitude morale qu'on persévérera ? Les Pères, notamment saint Jean Chrysostome, saint Grégoire le Grand, saint Bernard, saint Anselme, ont, d'après certaines paroles de l'Écriture, indiqué plusieurs signes de la prédestination que les théologiens ont souvent énumérés comme il suit 1° une bonne vie ; 2° le témoignage d'une bonne conscience, pure de fautes graves et prête à la mort plutôt que d'offenser Dieu gravement ; 3° la patience dans les adversités pour l'amour de Dieu ; 4° le goût de la parole de Dieu ; 5° la Miséricorde à l'égard des pauvres ; 6° l'amour des ennemis ; 7° l'humilité ; 8° une dévotion spéciale à la Sainte Vierge à qui nous demandons tous les jours de prier pour nous à l'heure de notre mort.
Parmi ces signes, certains, comme la patience chrétienne dans l'adversité, montrent que l'inégalité des conditions naturelles est parfois compensée et au delà par la grâce divine. C'est ce que disent les béatitudes évangéliques : « Bienheureux les pauvres en esprit, les doux, ceux qui pleurent, ceux qui ont faim et soif de justice, les Miséricordieux, les coeurs purs, les pacifiques, ceux qui souffrent persécution pour la justice, car le royaume des cieux est à eux ». Porter patiemment et longtemps une lourde croix est un grand signe de prédestination.
On a indiqué comme signes très spéciaux : une grande intimité avec Dieu dans l'oraison, la parfaite mortification des passions, le désir ardent de beaucoup souffrir pour la gloire du Christ Jésus, le zèle infatigable pour le salut des âmes.
Nous renvoyons aussi à ce que nous avons dit plus haut, IIIe p. ch. VI, fin p. 181, sur la Grande promesse du Sacré-Coeur à ceux qui feront bien la sainte communion neuf fois de suite le premier Vendredi du mois. Cette promesse, avons-nous dit, est absolue ; cela suppose que bien faire ainsi neuf fois la sainte communion est le fruit d'une grâce qui n'est accordée qu'à des élus.
Le mystère de la prédestination nous rappelle que sans la grâce du Christ « nous ne pouvons rien faire » dans l'ordre du salut : « Sine me nihil potestis facere » a-t-il dit ( JEAN, XV, 5.). « Qu'avons-nous, dit saint Paul, que nous ne l'ayons reçu ? » ( I. COR., IV, 7.).
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| Sujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L Ven 2 Avr - 3:57 | |
| CINQUIÈME PARTIE CHAPITRE VI - LE NOMBRE DES ÉLUS
LES SIGNES DE LA PRÉDESTINATION
Mais d'autre part la prédestination ne rend pas superflu le travail de la sanctification, car les adultes doivent mériter la vie éternelle ; personne n'ira au ciel s'il n'est mort en état de grâce, et nul n'ira en enfer que par sa faute. Rappelons-nous la parole de saint Paul (ROM., VIII, 17) : « Nous sommes héritiers de Dieu, cohéritiers du Christ, si toutefois nous souffrons avec lui, pour être glorifiés avec lui ».
ÉPILOGUE
La doctrine révélée sur la mort, le jugement particulier, l'enfer, le purgatoire et le ciel nous fait pressentir ce qu'est l'autre vie, et nous manifeste la profondeur de l'âme humaine que Dieu seul vu face à face peut irrésistiblement attirer et combler. Ce qui nous fait tendre vers le ciel, notre destinée, c'est la grâce sanctifiante, germe de la vie éternelle, et les vertus infuses qui dérivent d'elle, surtout la foi, l'espérance et la charité, avec les sept dons du Saint-Esprit.
Notons, en terminant, que ces trois grandes vertus théologales sont parfois complètement défigurées aujourd'hui. La foi en Dieu, l'espérance en Dieu, l'amour de Dieu et des âmes en lui ont été remplacés en bien des milieux modernes par la foi et l'espérance en l'humanité, par l'amour théorique de l'humanité. La phraséologie a pris en ces milieux la place de la doctrine sacrée. L'art de faire des phrases a remplacé la doctrine révélée sur Dieu et sur l'âme. Tout est ainsi irrémédiablement faussé.
Dans certaines loges maçonniques, à la première salle, on lit sur les murs : « Fides, spes, caritas », Chesterton a parlé à ce sujet « des grandes idées devenues folles ».
Ce sont à proprement parler les personnes et non pas les idées, qui, par suite de perturbations physiologiques et psychiques, deviennent folles, et plus ces personnes étaient douées d'une haute intelligence, plus cette folie est affligeante, et prend des proportions qui correspondent à celles de leurs facultés et de leur culture. C'est ainsi que la folie religieuse est la plus difficile à guérir, car on ne peut faire appel, pour la surmonter, à un motif plus élevé ; l'intelligence s'égare en ce qu'elle a de plus haut. Alors elle se trompe habituellement, non pas sur la valeur des objets les plus ordinaires, mais sur celle des idées les plus élevées, sur Dieu, sur ses perfections infinies, sa justice et sa miséricorde.
« Les grandes idées devenues folles » sont des idées religieuses qui ont perdu leur signification supérieure et qui sont complètement désaxées, déséquilibrées. C'est ce qui arrive lorsqu'on substitue à la foi en Dieu qui ne peut ni se tromper ni nous tromper, la foi en l'humanité malgré toutes ses aberrations. Et comme la foi véritable éclairée par les dons du Saint-Esprit, par les dons d'intelligence et de sagesse, est le principe de la contemplation mystique, la foi dégénérée et complètement désaxée devient le principe d'une fausse mystique, dans laquelle on se passionne pour le progrès de l'humanité comme si ce progrès devait être désormais sans recul, bien plus comme si ce progrès était Dieu lui-même qui deviendrait ou se ferait en nous. Quand on demandait à Renan : « Dieu existe-t-il » ? il répondait : « Pas encore » sans bien s'apercevoir que c'était un blasphème.
L'antiquité classique n'a pas connu un déséquilibre si profond. Après elle, est venu le Christianisme, l'élévation surnaturelle de l'Évangile, et lorsqu'on se sépare de lui, la chute est d'autant plus rapide qu'on tombe de plus haut.
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| Sujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L Ven 2 Avr - 17:12 | |
| CINQUIÈME PARTIE CHAPITRE VI - LE NOMBRE DES ÉLUS ÉPILOGUE
La descente a commencé avec Luther, par la négation du Sacrifice de la Messe, de la valeur de l'absolution sacramentelle et donc de la confession, par la négation aussi de la nécessité d'observer les commandements de Dieu pour être sauvé. La chute s'est accélérée ensuite avec les encyclopédistes et les philosophes du XVIIIe siècle, avec le « christianisme corrompu » de J.-J. Rousseau, qui enlève à l'Évangile son caractère surnaturel, et réduit la religion au sentiment naturel qui se retrouve plus ou moins altéré en toutes les religions. La Révolution française a propagé partout ces idées. A la même époque Kant soutient que la raison spéculative ne peut prouver l'existence de Dieu. Et alors Fichte et Hégel enseignent que Dieu n'existe pas en dehors et au-dessus de l'humanité, mais qu'il se fait en nous et par nous, et qu'il n'est autre que le progrès même de l'humanité, comme si celui-ci n'était pas accompagné de temps à autre d'un effroyable recul vers la barbarie.
Entre le Christianisme et ces erreurs monstrueuses, le libéralisme veut rester à mi-côte, et ne conclut rien, ce qui ne suffit pas pour agir. Dès lors il est remplacé par le radicalisme dans la négation, puis par le socialisme et finalement par le communisme matérialiste et athée, comme le prévoyait Donoso Cortés.
Cf. Œuvres de Donoso Cortes, trad. française, Parie, 2e éd. 1862 : t. II, p. 272 ss. Le principe générateur des plus graves erreurs de nos jours, lettre de trente pages écrite en 1852 pour être présentée à Pie IX. - Discours sur la situation générale de l'Europe (1850), ibid., t. I, p, 399 ss. Item, t. III, p. 279, ss. .
Ce communisme est la négation de Dieu, de la religion, de la famille, de la propriété, de la patrie, et conduit à une servitude universelle par la plus effroyable des dictatures. La descente est accélérée comme la chute des corps.
Pour remonter il n'y a qu'un sérieux commencement de vraie sainteté, mais il importe de considérer celle-ci de façon réaliste.
La sainteté, comme le montre saint Thomas (IIa, IIae, q. 81, a. 8.), a deux caractères essentiels : l'absence de toute souillure ou du péché qui détourne de Dieu, et une très ferme union à Dieu. Cette sainteté est parfaite au ciel, mais elle commence sur la terre. Elle se manifeste concrètement de trois manières sur lesquelles nous voulons insister ici. Il y a en effet trois grands devoirs envers Dieu : nous devons le connaître, l'aimer et le servir, et obtenir ainsi la vie éternelle. Il y a des âmes qui ont surtout pour mission d'aimer Dieu et de le faire beaucoup aimer ; ce sont des âmes de forte volonté, qui reçoivent des grâces d'amour ardent. Il y en a d'autres qui ont pour mission de le faire connaître ; en elles domine manifestement l'intelligence, et elles reçoivent surtout des grâces de lumière. Enfin il y a des âmes qui ont surtout pour mission de servir Dieu par la fidélité au devoir quotidien ; c'est la majorité des bons chrétiens, en qui s'exerce avec la mémoire l'activité pratique par la fidélité au devoir de chaque jour.
Ces trois formes de sainteté semblent représentées en trois Apôtres privilégiés : Pierre, Jean et Jacques.
Les âmes en qui domine la volonté, reçoivent d'assez bonne heure des grâces d'amour ardent. Elles se demandent : Que ferai-je pour Dieu ? quelle oeuvre entreprendre pour sa gloire ? Elles ont soif de souffrir, de se mortifier pour prouver à Dieu leur amour, pour réparer les offenses dont il est l'objet, pour sauver les pécheurs ; c'est secondairement qu'elles s'appliquent à mieux connaître Dieu.
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| Sujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L Dim 4 Avr - 3:22 | |
| CINQUIÈME PARTIE CHAPITRE VI - LE NOMBRE DES ÉLUS ÉPILOGUE
A ce groupe appartiennent le prophète Élie, si remarquable par son zèle, saint Pierre si profondément dévoué à Notre Seigneur, et qui par humilité et amour de Jésus voulut être crucifié la tête en bas, les grands martyrs, saint Ignace d'Antioche, saint Laurent. Plus près de nous le séraphique saint François d'Assise, sainte Claire, les Clarisses. Plus tard saint Charles Borromée, saint Vincent de Paul, tout débordant de charité pour le prochain, sainte Marguerite-Marie, saint Benoît-Joseph Labre avec son amour de la croix, le Saint Curé d'Ars.
L'écueil de ces âmes est dans l'énergie de leur volonté, qui peut dégénérer en raideur, ténacité, obstination ; chez les moins ferventes d'entre elles, ce sera leur défaut dominant : un zèle pas assez éclairé, ni assez patient et doux ; et quelquefois elles se donneront trop aux oeuvres actives, aux dépens de l'oraison.
Les épreuves que le Seigneur leur envoie tendent surtout à les assouplir, parfois à briser leur volonté lorsqu'elle est devenue trop raide, pour qu'elle soit pleinement docile sous l'inspiration du Saint-Esprit et pour que leur zèle brûlant soit de plus en plus humble, éclairé, patient et doux. C'est par ce versant qu'elles s'élèvent vers le sommet de la perfection.
Les âmes en qui domine l'intelligence, s'y élèvent par un autre versant. Elles reçoivent d'assez bonne heure des grâces de lumière, qui les portent à la contemplation, à de grandes vues d'ensemble qui font le prix de la sagesse. C'est seulement par la voie de conséquence que leur amour grandit. Elles éprouvent moins que les précédentes le besoin d'agir, ou celui de réparer, mais, si elles sont fidèles, elles parviendront à l'amour héroïque pour ce Dieu qui les ravit.
A ce groupe d'âmes appartiennent les grands Docteurs, saint Augustin, saint Thomas d'Aquin, saint François de Sales, qui gémit de sa lenteur à suivre les lumières qu'il a reçues.
L'écueil de ces âmes est de se contenter de ces lumières, et de ne pas assez y conformer leur conduite. Pendant que leur intelligence est fort éclairée, leur volonté manque d'ardeur.
Ces âmes souffrent surtout de l'erreur, des fausses directions qui égarent les intelligences. Ces épreuves les purifient et lorsqu'elles les supportent bien, elles parviennent à un grand amour de Dieu. Une âme lumineuse fidèle sera plus unie à Dieu qu'une âme ardente infidèle.
Enfin il y a les âmes en qui la faculté dominante est la mémoire et l'activité pratique ; elles ont surtout pour mission de servir Dieu par la fidélité au devoir quotidien. C'est le grand nombre des âmes chrétiennes. Leur mémoire leur rappelle les faits particuliers, elles sont frappées par un trait de la vie d'un saint, par une parole de la liturgie ; l'inspiration divine les rend attentives aux divers moyens de perfection. Si elles sont fidèles, elles peuvent s'élever comme les précédentes aux plus hauts degrés de la sainteté.
A ce groupe d'âmes paraissent appartenir l'Apôtre saint Jacques, les grands pasteurs de l'Église primitive, tout dévoués jusqu'au martyre à la direction de leur diocèse ; et dans les temps modernes, saint Ignace attentif aux moyens les plus pratiques de sanctification et soucieux de considérer les hommes tels qu'ils sont et non pas seulement tels qu'ils devraient être; saint Alphonse de Liguori tout préoccupé lui aussi de morale et d'apostolat pratique dont le besoin se faisait tant sentir pour lutter contre le jansénisme et l'incrédulité.
L'écueil de ces âmes serait de trop s'attacher aux pratiques bonnes en elles-mêmes, mais qui ne conduisent qu'indirectement à Dieu. Les unes mettront toute leur perfection dans les austérités, d'autres dans le dévouement, d'autres dans leurs travaux habituels, quelques-unes dans la récitation d'interminables prières. L'écueil ici est la minutie et les scrupules. Cela peut retarder l'entrée de ces âmes dans la contemplation à laquelle le Seigneur les appelle, et empêcher l'intimité de leur union avec lui. Elles s'attardent à des méthodes et des moyens qui leur ont servi un moment, mais qui plus tard détournent de la contemplation simple et aimante de Dieu.
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| Sujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L Lun 5 Avr - 5:35 | |
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CHAPITRE VI - LE NOMBRE DES ÉLUS
ÉPILOGUE
Les épreuves de ces âmes se trouvent surtout dans la pratique de la charité fraternelle et dans l'apostolat, elles ont beaucoup à souffrir des défauts du prochain. Mais si elles sont fidèles au milieu de toutes ces difficultés, elles arrivent elles aussi à une très intime union avec le Seigneur.
Telles sont les trois principales formes de sainteté qui correspondent à nos trois grands devoirs envers Dieu : le connaître, l'aimer, le servir.
Jésus nous a montré l'excellence de ces trois formes de sainteté dans sa vie cachée, dans sa vie apostolique et dans sa vie douloureuse.
Dans sa vie cachée, en la solitude de Nazareth, dans la maison du charpentier, il est l'exemple de la fidélité au devoir quotidien, en des actes extérieurement bien modestes, mais très grands par l'amour qui les inspire, et même d'un prix sans mesure.
Dans sa vie apostolique, il apparaît comme la lumière du monde, et il nous dit : « Celui qui me suit ne marche pas dans les ténèbres, mais recevra la lumière de vie ». JOAN., VIII, 12. Ce qu'il enseigne sur la vie éternelle et les moyens pour y parvenir, il ne le croit pas, il le voit immédiatement dans l'essence divine ( Cf. SAINT THOMAS, IIIa, q. 9, a. 2 ; q. 10).
Il fonde l'Église, la confie à Pierre. Il dit à ses Apôtres : « Vous êtes la lumière du monde ». MATTH., V, 14, et il les envoie enseigner toutes les nations, leur porter le baptême, l'absolution, l'Eucharistie. (MATTH., XVI, r8-i9 ; XVIII, 18) ce qu'il confirme après sa résurrection. (Ibid., XXVIII, 19).
Dans sa vie douloureuse Jésus nous manifeste toute l'ardeur de son amour pour son Père et pour nous. Cet amour le porte jusqu'à mourir pour nous sur la croix, pour réparer l'offense faite à Dieu et sauver les âmes.
Si Jésus possède éminemment ces trois formes de la sainteté, il domine tous les écueils qu'y rencontrent les autres âmes. Il a toute l'ardeur de l'amour, sans raideur, ni ténacité. Jamais son amour ne fut plus ardent que sur la Croix et jamais aussi il ne manifesta une plus grande douceur : « Père, pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu'ils font ».
Jésus jouit de la contemplation la plus lumineuse et la plus haute, mais il n'est pas perdu en cette contemplation, il n'est pas abstrait, tiré du monde comme un saint en extase. Jésus est au-dessus de l'extase, et sans cesser de contempler son Père et de lui être très intimement uni, il s'entretient avec ses Apôtres des détails mêmes de leur vie apostolique.
Enfin si Jésus est attentif aux plus petites choses du service de Dieu, il ne court pas risque de trop s'y arrêter en perdant de vue les plus grandes. Il ne cesse de voir tout en Dieu, les choses du temps dans celles de l'éternité.
La sainte âme de Jésus apparaît plus grande lorsqu'on le compare ainsi aux plus grands saints, comme la lumière blanche est supérieure aux sept couleurs de l'arc-en-ciel qui procèdent d'elle. Toute proportion gardée il faut faire la même remarque au sujet de la sainteté éminente de Marie, Mère de Dieu et pleine de grâce.
Ils sont ainsi nos médiateurs, que Dieu nous a donnés à cause de notre faiblesse. Laissons-nous humblement conduire par eux, ils nous mèneront infailliblement à la vie de l'éternité. Déjà la vie de la grâce est la vie éternelle commencée, « inchoatio quaedam vitae aeternae ».
FIN
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| Sujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L Lun 12 Juil - 3:38 | |
| CHAPITRE III - VERTUS ET DONS DE SAINT JOSEPH
Vertu de tempérance en saint Joseph
Nous avons voulu parler en détail des insignes vertus qui ornèrent l'âme très noble de saint Joseph, parce que c'est dans l'exercice constant, soutenu et fervent de ces mêmes vertus, qu'il a remporté une victoire complète sur le démon et sur le monde et qu'il s'est rendu si cher au cœur de Dieu et si aimable aux yeux des hommes.
Ces vertus furent les degrés de l'échelle mystique, sur laquelle il ne cessait de monter, se rapprochant toujours davantage du ciel. Et c'est précisément par les progrès qu'il fit dans ces vertus, que se vérifia pleinement la signification mystérieuse de son nom : « Vous êtes un fils croissant, Joseph, vous êtes un fils qui grandit et de bel aspect. »
Dons du Saint Esprit dans l'âme de saint Joseph
Outre ces vertus, qui enrichirent l'âme de saint Joseph, il faut encore mentionner les dons du Saint Esprit qui contribuèrent aussi à embellir son âme sainte, la faisant, pour ainsi dire, vibrer à l'unisson avec celle de son Fils bien-aimé. Car les dons du Saint Esprit sont des qualités surnaturelles, qui rendent l'homme souple et docile, prompt à suivre en toutes choses les inspirations de l'Esprit Saint.
Ces dons sont au nombre de sept : le don de sagesse et d'intelligence, le don de conseil et de force, le don de science et de piété et le don de crainte de Dieu. Ces dons étaient encore perfectionnés, dans l'âme du saint Patriarche, par les béatitudes et les fruits du Saint Esprit, dont parle saint Paul dans l'Epître aux Galates.
Rien n'est plus agréable, et en même temps plus utile à l'esprit, que d'approfondir, par la méditation chacune de ces opérations du Saint Esprit, en les appliquant à l'âme bienheureuse de saint Joseph. L'esprit trouve là une nourriture salutaire pour alimenter la vie spirituelle, et s'avancer, comme le fit le saint Patriarche lui-même, dans l'amour de la vertu et dans l'union avec le bien suprême.
Ressemblance de saint Joseph avec la très sainte Vierge
Nous ne pouvons mieux terminer ce chapitre, qu'en faisant remarquer comment la cause principale du progrès de saint Joseph dans la sainteté est due à la compagnie de sa très sainte Epouse.
Car, de même que le commerce intime et continu avec la divine sagesse, source de tous biens, selon cette parole: « Tous les biens me sont venus avec elle », ennoblit l'âme et l'élève au-dessus des choses de ce monde, de même aussi la compagnie continuelle de Marie, Siège de la Sagesse, fut pour le saint Patriarche une occasion de continuelles ascensions vers Dieu, et ceci pour deux raisons : la première, à cause de l'amour profond que la sainte Vierge portait à son chaste Epoux ; la seconde, à cause de la continuelle présence de Marie et des exemples de vertu qu'elle ne cessait de donner à son saint Epoux.
D'abord, l'amour de Marie pour saint Joseph ne connaissait pas de bornes. Cet amour avait pour base la sainte et forte dilection que les époux se doivent mutuellement, et à laquelle saint Paul fait allusion, quand il dit : « Les maris doivent aimer leurs épouses comme leurs corps », paroles qui doivent également s'entendre dans un sens réciproque.
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| Sujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L Mar 13 Juil - 3:49 | |
| CHAPITRE III - VERTUS ET DONS DE SAINT JOSEPH
Ressemblance de saint Joseph avec la très sainte Vierge
Or, c'est le propre de l'amour de rendre semblables ceux qu'il unit. Car son premier effet, comme l'explique très bien saint Thomas, est l'union, l'amour étant une force unitive et les personnes qui s'aiment ne voulant, pour ainsi dire, faire qu'un ; d'autre part comme ceci ne pourrait avoir lieu que par la destruction de l'un ou de l'autre ou de tous les deux, ces personnes cherchent à être ensemble autant que possible. Aussi tous les efforts des personnes qui s'aiment convergent-ils vers l'union qu'ils supposent ou qu'ils créent.
La sainte Vierge dirigeait donc, avant tout, ses soins dans le but d'amener saint Joseph à ce même degré de perfection qu'elle possédait elle-même, et nous pouvons dire que c'était là l'objet principal des ferventes prières qu'elle ne cessait d'élever à Dieu pour lui. Notre prière, en effet, doit aller en premier lieu à ceux qui nous sont les plus proches ; or, qui pouvons-nous imaginer de plus intimement lié à Marie que son chaste Epoux ?
D'autre part, la compagnie continuelle de la Mère de Dieu et les lumineux exemples de vertu qu'elle ne cessait de donner ne pouvaient qu'impressionner grandement l'âme de saint Joseph, déjà si délicate et si ouverte à la vérité et à la bonté. N'est-ce pas d'ailleurs ce que dit saint Paul : « L'homme infidèle est sanctifié par la femme fidèle, et la femme infidèle est sanctifiée par l'homme fidèle » ? Et n'arrive-t-il pas quelquefois que la rencontre d'images sacrées représentant Notre Seigneur ou sa sainte Mère, excite les pécheurs à la conversion et les justes à une plus grande sainteté ? Quels sentiments de foi et de piété ne durent donc pas produire, sur l'âme du saint Patriarche, les exemples, les conversations de Marie ?
Vraiment, on peut appliquer aux saints Epoux, Marie et Joseph, chacun à sa manière, ces paroles du livre des Proverbes : « Le sentier des justes est comme une lumière resplendissante : elle s'avance et croît jusqu'au jour parfait.» Spectacle admirable que la vie de ces deux époux : Marie précédant et montrant le chemin ; Joseph suivant fidèlement sur ses traces, de sorte qu'on pouvait dire de tous les deux qu'ils marchaient comme des enfants de la lumière.
CHAPITRE IV - DOULEURS DE SAINT JOSEPH
Douleurs spirituelles, source, pour saint Joseph, de grâces et de mérites
Après avoir parlé des vertus insignes du saint Patriarche Joseph, vertus qui le rendirent si semblable à la Vierge bénie, il nous faut maintenant considérer les poignantes douleurs qu'il eut à supporter, en raison du soin dont il avait été chargé par Dieu, d'être le gardien de la sainte Famille. En effet, ce sont ces douleurs mêmes qui contribuèrent à préciser encore davantage sa parfaite ressemblance avec Marie, son Epouse chérie.
Il n'y a pas à douter que ce sujet ne trouve ici sa place. Nous l'avons vu, saint Joseph fut appelé, par l'Esprit Saint, un homme juste ; or, il entre habituellement dans les desseins de la Providence que les justes soient soumis à des épreuves parfois bien cruelles. « Parce que tu étais agréable à Dieu, disait l'Ange à Tobie, il était nécessaire que la tentation te mît à l'épreuve. » D'ailleurs, ne savons-nous pas que c'est dans la douleur, que se trouvent les meilleures occasions de mérite, et que c'est dans la douleur saintement supportée, que la vertu resplendit d'un éclat particulier ?
Nous parlerons donc ici des douleurs de saint Joseph, mais seulement de ses douleurs spirituelles, remettant au chapitre suivant de parler de ses douleurs corporelles. Nous verrons, par ce qui suit, combien, ici encore, le saint Patriarche se rapproche de son Epouse, que nous saluons comme la Reine des Martyrs. Nous admirerons l'auréole de gloire que ces douleurs, saintement supportées, ont ajoutée à son front virginal.
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| Sujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L Mer 14 Juil - 3:45 | |
| CHAPITRE IV - DOULEURS DE SAINT JOSEPH
Douleurs spirituelles, source, pour saint Joseph, de grâces et de mérites
Parmi ces douleurs, on en compte sept, qui réclament tout particulièrement notre attention.
Ces sept douleurs sont indiquées par les Evangélistes, saint Matthieu et saint Luc, et on a coutume de les énumérer comme il suit : 1° L'angoisse du saint Patriarche à la vue de la grossesse de Marie ; 2° le délaissement de Jésus à sa naissance ; 3° la circoncision du divin Enfant ; 4° la présentation de Jésus au Temple ; 5° la fuite en Egypte ; 6° la crainte d'Archélaüs occasionnant le retour à Nazareth ; 7° la perte de Jésus au Temple.
Nous dirons quelque chose de chacune de ces douleurs, ainsi que des consolations que la main paternelle de Dieu ne manqua pas de lui envoyer, et des vertus qui accompagnèrent chacun de ces douloureux événements.
Douleur de saint Joseph à la vue de la grossesse de Marie
Dieu n'ayant pas voulu révéler plus tôt à saint Joseph le profond mystère qui s'était accompli en sa chaste Epouse, le saint Patriarche éprouva un trouble profond quand il aperçut en elle les signes d'une prochaine maternité.
Voici comment saint Matthieu raconte cette première douleur du père putatif de Jésus. « Joseph, l'époux (de Marie), étant un homme juste et ne voulant pas la déshonorer, résolut de la renvoyer secrètement.
Le trouble du saint Patriarche ne provenait pas, nous l'avons dit, de ce qu'il soupçonnât aucun mal moral de la part de sa sainte Epouse, ou qu'il se crût lui-même indigne de vivre en sa compagnie.
Il provenait de ce que, connaissant, d'un côté, l'insigne sainteté de Marie, et, de l'autre, ignorant le fait de l'Incarnation du Verbe, il fut pris d'une angoisse terrible, qui le jeta dans une profonde affliction.
Cette affliction était le résultat du conflit des sentiments contraires qui agitaient son cœur et qui le plongeaient dans une agonie mortelle.
Car, nous le savons par expérience, rien ne nous est plus pénible qu'une grave situation dont nous ne voyons pas d'issue.
Ne voulant ni renvoyer une Epouse aimée qu'il savait innocente, ni la retenir contre la loi divine, il subissait en son âme un conflit d'opinion, semblable à l'agonie qu'une personne ressent en présence d'un malheur imminent, qu'il lui est impossible d'écarter et contre lequel elle ne voit aucun remède.
Il n'est guère possible que la Vierge bénie ne s'aperçût pas du trouble de son chaste époux. Mais ni Joseph ne voulut s'en ouvrir à Marie, ni Marie à Joseph, la chose étant trop délicate, pour que leur mutuelle pudeur n'en ressentît quelque atteinte. Ils préférèrent donc, chacun de son côté, laisser tout entre les mains de la divine Providence.
Mais si cet incident remplit l'âme du saint Patriarche d'une douleur indicible, il servit merveilleusement à mettre en relief sa pleine conformité aux dispositions de la volonté divine.
Source : Livres-mystiques.com
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| Sujet: Re: L'éternelle vie et la profondeur de l'âme par Fr. Garrigou-L Ven 16 Juil - 4:22 | |
| CHAPITRE IV - DOULEURS DE SAINT JOSEPH Douleur de saint Joseph à la vue de la grossesse de Marie
Car, aux paroles consolatrices de l'Ange et à son ordre de retenir Marie pour son épouse, Joseph n'oppose aucun obstacle. À peine éveillé, il se lève, sans attendre le jour, pour accomplir ce qui a été prescrit.
Dieu qui n'avait pas voulu que le Verbe se fît chair en Marie sans le consentement explicite de cette Vierge, avait ordonné que la coopération de saint Joseph à ce grand mystère n'eût lieu qu'après un acte de parfaite obéissance de sa part aux ordres du ciel. Jusqu'ici il n'avait, comme tous les époux, donné son assentiment qu'au mariage avec une vierge qu'il savait être toute sainte ; mais, maintenant, il s'agissait, non plus d'une vierge quelconque, mais de la Mère de Dieu, dont il devrait partager, à l'avenir, la responsabilité, les craintes, les angoisses, les douleurs ineffables.
Le consentement de Joseph, comme auparavant celui de Marie, ne se fit pas attendre : il accepta de garder Marie comme son épouse, accepit coniugern suam. Ce n'était plus à une jeune fille, quelque sainte fût-elle, que le saint Patriarche donnait sa main : c'était à la Corédemptrice du genre humain. Lui-même, il le comprend, devra aider et assister Marie dans sa grande mission, en prenant part à ses immenses douleurs.
Douleur de saint Joseph à la naissance de Jésus
L'Evangile, dans une phrase très brève, nous donne un aperçu de ce que dut être la douleur de saint Joseph, quand il vit à Bethléem se fermer sur lui les portes de l'hôtellerie et qu'il n'eut à donner au Sauveur naissant, que l'hospitalité d'une pauvre cabane. « Il n'y avait pas place pour eux dans l'hôtellerie », dit laconiquement saint Luc[292]. Conséquemment, Marie fut obligée de mettre au monde, dans une caverne située probablement au-dessous de l'hôtellerie même, son Fils bien-aimé. C'est ainsi que le Créateur du monde avait décrété de faire son apparition sur la terre, au milieu de la plus grande pauvreté.
Il serait difficile de dire combien saint Joseph sentit vivement la douleur de n'avoir rien autre à offrir au Messie Rédempteur, que la pauvreté de cette étable. Car, c'était à lui que Dieu avait confié le soin de pourvoir aux besoins temporels de la sainte Famille. Aussi aurait-il désiré procurer au divin Enfant une habitation digne de lui. Au contraire, les choses même les plus indispensables lui manquaient pour recevoir et traiter comme il convenait un enfant nouveau-né. Les parois dégarnies de cet antre désert offrent un abri insuffisant contre les rigueurs de la saison; point de berceau convenable pour y placer l'aimable Jésus; seule une crèche, destinée à l'usage de vils animaux, aura l'honneur d'abriter ses membres frêles et délicats. Et c'est devant cette pauvre crèche que Joseph s'agenouille pour adorer, en compagnie de sa sainte Epouse, ce divin Enfant, venu pour sauver le monde. Marie, la première, adore celui qu'elle a mis au monde, Ipsum quena genuit adoravit, chante la sainte Eglise; mais aux adorations de la sainte Vierge se mêlent, comme une belle mélodie, celles de saint Joseph. Le mystère d'une crèche, choisie par Dieu pour être le berceau du Sauveur, n'échappe pas à son attention. Il lui enseigne cette grande vérité, que le jour viendra bientôt où le Sauveur se donnera à nous, pour être la nourriture de nos âmes.
Pourtant, la leçon sublime qui se détache de cette scène n'échappe pas à saint Joseph. Le cœur percé d'une profonde douleur, il réfléchit à l'indifférence des hommes envers le Messie que, cependant, ils auraient dû attendre; tandis que la pensée de l'extrême pauvreté, au milieu de laquelle il est laissé par ses créatures, lui transperce le cœur, comme un glaive acéré. Il comprend comment le royaume de Jésus-Christ n'est pas de ce monde et comment le Sauveur lèguera, comme son plus précieux héritage, cette même pauvreté à l'Eglise. Lui-même, content de son sort de pauvre artisan, ne cessera de travailler des mains pour subvenir aux besoins de la sainte Famille. Et à défaut d'une plus belle maison, il offrira au nouveau-né son cœur, pour être un tabernacle digne de ses complaisances, un trône d'où Jésus commencera à répandre sur le monde les trésors de sa grâce.
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