Les prise de position des Eglises dans le monde contre une intervention militaire en Syrie se multiplient.
Après les propos du pape François dimanche 25 août sur le sort alarmant de la Syrie, les prises de position contre une intervention armée se multiplient au sein des Églises. Et ce, au moment où l’attaque prévue par les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France contre le régime de Bachar Al Assad semble imminente. Ainsi, le patriarche grec-catholique melkite d’Antioche Grégoire III Laham qualifie les plans américains d'« acte criminel ». « Cela détruira la confiance du monde arabe envers le monde occidental », a-t-il déclaré mercredi 28 août à l’agence de presse catholique « Asianews » à Rome.
Le même jour pour l’agence d’information vaticane Fides, le patriarche (irakien) de Babylone des Chaldéens (catholiques), Mgr Louis Raphaël I Sako, a estimé qu’une telle intervention constituerait « un malheur ». « Cela équivaudrait à faire exploser un volcan et l’explosion risquerait d’emporter l’Irak, le Liban, la Palestine mais peut-être quelqu’un recherche-t-il justement cela ! »
Le patriarche irakien est bien placé pour rappeler que, « dix ans après l’intervention de la coalition qui abattit Saddam Hussein, l’Irak est encore martyrisé par les bombes, l’insécurité, l’instabilité et la crise économique ». Selon lui, le cas de la Syrie, est encore plus compliqué que celui de l’Irak, du fait de la division des différents groupes d’opposition à Assad qui se combattent entre eux. « Les milices djihadistes se multiplient, constate le patriarche chaldéen. Quel serait le destin de ce pays après une telle intervention ? »
Les moines et moniales de Deir Mar Moussa (monastère refondé au nord de Damas par le jésuite Paolo Dall’Oglio, enlevé mi-juillet par des islamistes) se sont élevés également contre une intervention militaire. Après avoir vécu, mardi 27 août, une « journée spéciale de prière et de jeûne pour la paix en Syrie et la libération du P. Dall’Oglio », la communauté monastique a lancé un appel pour « que les pays occidentaux prennent une position juste face à cette terrible crise syrienne. Or la position juste signifie refuser toute forme de violence, faire taire les armes, ne pas dresser les uns contre les autres, défendre et protéger les droits humains. »
« Il n’y a pas de bonnes réponses à la crise en Syrie »
Du côté des hommes d’Église européens aussi, les prises de position se multiplient. L’archevêque de Cantorbéry, Justin Welby, a incité les parlementaires britanniques à « ne pas se précipiter et à être sûrs de ce qui s’est passé sur le terrain avant d’agir dans une situation réellement dangereuse et délicate ». Rappelant qu'« il existe de nombreuses étapes intermédiaires entre ne rien faire et vouloir un changement total de régime » (en Syrie), il a reconnu le 27 août, dans le quotidien « The Daily Telegraph », qu’« il n’y a pas de bonnes réponses à la crise en Syrie et qu’il n’y a tout simplement pas de solution simple ».
Quant à l’ancien archevêque de Cantorbéry, Lord George Carey, il est allé plus loin en mettant en garde le gouvernement conservateur de David Cameron contre une intervention militaire qui pourrait « déclencher une guerre et embraser tout le Moyen-Orient ».
De même, le métropolite Hilarion de Volokolamsk, président du Département des relations ecclésiastiques extérieures du Patriarcat de Moscou, a sévèrement critiqué la position des États-Unis qui, « de manière absolument unilatérale, sans aucun aval des Nations unies, veulent décider eux-mêmes du destin d’un pays qui compte des millions d’habitants ». « Comme dans le cas de l’Irak, les États-Unis se comportent comme des justiciers internationaux », a-t-il déclaré à « Asianews » à Rome, estimant que « d’autres victimes seront ainsi sacrifiées sur l’autel d’une démocratie imaginaire ».
Quant à l’archevêque anglican sud-africain Desmond Tutu, il a estimé mercredi que la crise syrienne devait se résoudre par une « intervention humanitaire, non par une intervention militaire ». Estimant que les inspecteurs des Nations unies avaient besoin de plus de temps pour établir la réalité de l’utilisation d’armes chimiques, le prix Nobel de la paix a ajouté : « Nous devons parler, éviter un nouveau carnage, ne pas nous battre. »
CLAIRE LESEGRETAIN (avec Apic)
journal la croix