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 Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales

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Miséricorde de Dieu




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MessageSujet: Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales   Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales - Page 2 EmptyMar 22 Aoû - 17:24

Rappel du premier message :

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ORAISON DÉDICATOIRE

Doux Jésus, mon Seigneur, mon Sauveur et mon Dieu, me voici prosterné devant votre Majesté, vouant et consacrant cet écrie à votre gloire.

Animez les paroles qui y sont de votre bénédiction, à ce que les âmes tour lesquelles je l'ai fait en puissent recevoir les inspirations sacrées que je leur désire, et particulièrement celle d'implorer sur moi votre immense Miséricorde, afin que, montrant aux autres le chemin de la dévotion en ce monde, je ne sois pas réprouvé et confondu éternellement en l'autre; ains qu'avec eux je chante à jamais pour cantique de triomphe, le mot que de tout mon coeur je prononce en témoignage de fidélité, parmi les hasards de cette vie mortelle :

VIVE JÉSUS, VIVE JÉSUS ! Oui, Seigneur Jésus, vivez et régnez en nos coeurs ès siècles des siècles. Ainsi soit-il.


Mon cher Lecteur,

je te prie de lire cette Préface pour ta satisfaction et la mienne.

La bouquetière Glycéra savait si proprement diversifier la disposition et le mélange des fleurs, qu'avec les mêmes fleurs elle faisait une grande variété de bouquets, de sorte que le peintre Pausias demeura court, voulant contrefaire à l'envi cette diversité douvrage, car il ne sut changer sa peinture en tant de façons comme Glycéra faisait ses bouquets :

ainsi le Saint-Esprit dispose et arrange avec tant de variété les enseignements de dévotion, qu'il donne par les langues et les plumes de ses serviteurs, que la doctrine étant toujours une même, les discours néanmoins qui s'en font sont bien différents, selon les diverses façons desquelles ils sont composés.

Je ne puis, certes, ni veux, ni dois écrire en cette Introduction que ce qui a déjà été publié par nos prédécesseurs sur ce sujet; ce sont les mêmes fleurs que je te présente, mon Lecteur, mais le bouquet que j'en ai fait sera différent des leurs, à raison de la diversité de l'agencement dont il est façonné.

Ceux qui ont traité de la dévotion ont presque tous regardé l'instruction des personnes fort retirées du commerce du monde, ou au moins ont enseigné une sorte de dévotion qui conduit à cette entière retraite.

Mon intention est d'instruire ceux qui vivent ès villes, ès ménages, en la cour, et qui par leur condition sont obligés de faire une vie commune quant à l'extérieur, lesquels bien souvent, sous le prétexte d'une prétendue impossibilité, ne veulent seulement pas penser à l'entreprise de la vie dévote, leur étant avis que, comme aucun animal n'ose goûter de la graine de lherbe nommée Palma Christi, aussi nul homme ne doit prétendre à la palme de la piété chrétienne, tandis qu'il vit emmi la presse des affaires temporelles.

Et je leur montre que comme les mères perles vivent emmi la mer sans prendre aucune goutte d'eau marine, et que vers les îles Chélidoines il y a des fontaines d'eau bien douce au milieu de la mer, et que les piraustes volent dedans les flammes sans brûler leurs ailes, ainsi peut une âme vigoureuse et constante vivre au monde sans recevoir aucune humeur mondaine, trouver des sources d'une douce piété au milieu des ondes amères de ce siècle, et voler entre les flammes des convoitises terrestres sans brûler les ailes des sacrés désirs de la vie dévote.

Il est vrai que cela est malaisé, et c'est pourquoi je désirerais que plusieurs y employassent leur soin avec plus d'ardeur quon na pas fait jusques à présent; comme, tout faible que je suis, je m'essaie par cet écrit de contribuer quelque secours à ceux qui d'un coeur généreux feront cette digne entreprise.

Source : Livres-mystiques.com

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MessageSujet: Re: Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales   Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales - Page 2 EmptySam 14 Oct - 17:55

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CHAPITRE XV

DES AUTRES EXERCICES PUBLICS ET COMMUNS


J'en dis le même de toutes sortes de prières et dévotions publiques, auxquelles, tant qu'il nous est possible, nous devons porter notre bon exemple pour l'édification du prochain, et notre affection pour la gloire de Dieu et l'intention commune.

CHAPITRE XVI

QU'IL FAUT HONORER ET INVOQUER LES SAINTS


Puisque Dieu nous envoie bien souvent les inspirations par ses anges, nous devons aussi lui renvoyer fréquemment nos aspirations par la même entremise. Les saintes âmes des trépassés qui sont en paradis avec les anges et, comme dit Notre Seigneur, égales et pareilles aux anges, font aussi le même office, di'nspirer en nous et d'aspirer pour nous par leurs saintes oraisons. Ma Philothée, joignons nos coeurs à ces célestes esprits et âmes bienheureuses ; comme les petits rossignols apprennent à chanter avec les grands, ainsi, par le sacré commerce que nous ferons avec les saints, nous saurons bien mieux prier et chanter les louanges divines : « Je psalmodierai, disait David, à la vue des Anges. »

Honorez, révérez et respectez d'un amour spécial la sacrée et glorieuse Vierge Marie : elle est mère de notre souverain Père, et par conséquent notre grandmère. Recourons donc à elle, et, comme ses petits-enfants, jetons-nous à son giron avec une confiance parfaite; à tous moments, à toutes occurences réclamons cette douce Mère, invoquons son amour maternel, et, tâchant d'imiter ses vertus, ayons en son endroit un vrai coeur filial.

Rendez-vous fort familière avec les anges; voyez-les souvent invisiblement présents à votre vie, et surtout aimez et révérez celui du diocèse auquel vous êtes, ceux des personnes avec lesquelles vous vivez, et spécialement le vôtre; suppliez-les souvent, louez-les ordinairement, et employez leur aide et secours en toutes vos affaires, soit spirituelles soit temporelles, afin qu'ils coopèrent à vos intentions.

Le grand Pierre Favre, premier prêtre, premier prédicateur, premier lecteur en théologie de la sainte Compagnie du nom de Jésus, et premier compagnon du bienheureux Ignace, fondateur dicelle, venant un jour d'Allemagne, où il avait fait des grands services à la gloire de Notre Seigneur, et passant en ce diocèse, lieu de sa naissance, racontait qu'ayant traversé plusieurs lieux hérétiques, il avait reçu mille consolations d'avoir salué en abordant chaque paroisse les anges protecteurs dicelles, lesquels il avait connu sensiblement lui avoir été propices, soit pour le garantir des embûches des hérétiques, soit pour lui rendre plusieurs âmes douces et dociles à recevoir la doctrine de salut.

Et disait cela avec tant de recommandation, qu'une damoiselle, lors jeune, l'ayant ouï de sa bouche, le récitait il n'y a que quatre ans, cest-à-dire plus de soixante ans après, avec un extrême sentiment. Je fus consolé cette année passée de consacrer un autel sur la place en laquelle Dieu fit naître ce bienheureux homme, au petit village du Villaret, entre nos plus âpres montagnes.

Choisissez quelques saints particuliers, la vie desquels vous puissiez mieux savourer et imiter, et en l'intercession desquels vous ayez une particulière confiance: celui de votre nom vous est déjà tout assigné dès votre baptême.

Source : Livres-mystiques.com

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MessageSujet: Re: Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales   Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales - Page 2 EmptyDim 15 Oct - 17:31

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CHAPITRE XVII

COMME IL FAUT OUIR ET LIRE LA PAROLE DE DIEU


Soyez dévote à la parole de Dieu : soit que vous l'écoutiez en devis familiers avec vos amis spirituels, soit que vous l'écoutiez au sermon, oyez-la toujours avec attention et révérence; faites-en bien votre profit et ne permettez pas qu'elle tombe à terre, ains recevez-la comme un précieux baume dans votre coeur, à l'imitation de la très sainte Vierge, qui conservait soigneusement dedans le sien toutes les paroles que l'on disait à la louange de son Enfant.

Et souvenez-vous que Notre Seigneur recueille les paroles que nous lui disons en nos prières, à mesure que nous recueillons celles qu'il nous dit par la prédication.

Ayez toujours auprès de vous quelque beau livre de dévotion, comme sont ceux de saint Bonaventure, de Gerson, de Denis le Chartreux, de Louis Biosius, de Grenade, de Stella, dArias, de Pinelli, de Du Pont, dAvila, le Combat spirituel, les Confessions de saint Augustin, les épîtres de saint Jérôme, et semblables; et lisez-en tous les jours un avec une grande dévotion, comme si vous lisiez des lettres missives que les saints vous eussent envoyées du ciel, pour vous montrer le chemin et vous donner le courage d'y aller.

Lisez aussi les histoires et Vies des Saints, esquelles, comme dans un miroir, vous verrez le portrait de la vie chrétienne; et accommodez leurs actions à votre profit selon votre vacation.

Car bien que beaucoup des actions des saints ne soient pas absolument imitables par ceux qui vivent emmi le monde, si est-ce que toutes peuvent être suivies ou de près ou de loin : la solitude de saint Paul, premier ermite, est imitée en vos retraites spirituelles et réelles, desquelles nous parlerons et avons parlé ci-dessus; l'extrême pauvreté de saint François, par les pratiques de la pauvreté telles que nous les marquerons, et ainsi des autres.

Il est vrai qu'il y a certaines histoires qui donnent plus de lumière pour la conduite de notre vie que d'autres, comme la vie de la bienheureuse mère Thérèse, laquelle est admirable pour cela, les vies des premiers Jésuites, celle de saint Charles Borromée, archevêque de Milan, de saint Louis, de saint Bernard, les Chroniques de saint François et autres pareilles.

Il y en a d'autres où il y a plus de sujet d'admiration que d'imitation, comme celle de sainte Marie Egyptienne, de saint Siméon Stylite, des deux saintes Catherine de Sienne et de Gênes, de sainte Angèle et autres telles, lesquelles ne laissent pas néanmoins de donner un grand goût général du saint amour de Dieu.

CHAPITRE XVIII

COMME IL FAUT RECEVOIR LES INSPIRATIONS


Nous appelons inspirations tous les attraits, mouvements, reproches et remords intérieurs, lumières et connaissances que Dieu fait en nous, prévenant notre coeur en ses bénédictions par son soin et amour paternel, afin de nous réveiller, exciter, pousser et attirer aux saintes vertus, à l'amour céleste, aux bonnes résolutions, bref, à tout ce qui nous achemine à notre bien éternel.

C'est ce que l'Epoux appelle heurter à la porte et parler au coeur de son Epouse, la réveiller quand elle dort, la crier et réclamer quand elle est absente, l'inviter à son miel et à cueillir des pommes et des fleurs en son jardin, et à chanter et faire résonner sa douce voix à ses oreilles.

Source : Livres-mystiques.com

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MessageSujet: Re: Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales   Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales - Page 2 EmptyLun 16 Oct - 16:48

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CHAPITRE XVIII

COMME IL FAUT RECEVOIR LES INSPIRATIONS


Pour l'entière résolution d'un mariage, trois actions doivent entrevenir quant à la damoiselle que l'on veut marier: car premièrement, on lui propose le parti; secondement, elle agrée la proposition, et en troisième lieu, elle consent.

Ainsi Dieu voulant faire en nous, par nous et avec nous, quelque action de grande charité, premièrement, il nous la propose par son inspiration; secondement, nous l'agréons; tiercement, nous y consentons; car, comme pour descendre au péché il y a trois degrés, la tentation, la délectation et le consentement, aussi y en a-t-il trois pour monter à la vertu l'inspiration, qui est contraire à la tentation, la délectation en l'inspiration, qui est contraire à la délectation de la tentation, et le consentement à l'inspiration, qui est contraire au consentement à la tentation.

Quand l'inspiration durerait tout le temps de notre vie, nous ne serions pourtant nullement agréables à Dieu si nous n'y prenions plaisir; au contraire, sa divine Majesté en serait offensée, comme il le fut contre les Israélites auprès desquels il fut quarante ans, comme il dit, les sollicitant à se convertir, sans que jamais ils y voulussent entendre dont il jura contre eux en son ire quonques ils n'entreraient en son repos.

Aussi le gentilhomme qui aurait longuement servi une damoiselle, serait bien fort désobligé si, après cela, elle ne voulait aucunement entendre au mariage qu'il désire.

Le plaisir qu'on prend aux inspirations est un grand acheminement à la gloire de Dieu, et déjà on commence à plaire par icelui à sa divine Majesté: car si bien cette délectation n'est pas encore un entier consentement, c'est une certaine disposition à icelui.

Et si c'est un bon signe et chose fort utile de se plaire à ouïr la parole de Dieu, qui est comme une inspiration extérieure, c'est chose bonne aussi et agréable à Dieu de se plaire en l'inspiration intérieure : c'est ce plaisir, duquel parlant l'Epouse sacrée, elle dit : « Mon âme s'est fondue d'aise, quand mon bien-aimé a parlé ». Aussi le gentilhomme est déjà fort content de la damoiselle qu'il sert et se sent favorisé, quand il voit qu'elle se plaît en son service.

Mais enfin c'est le consentement qui parfait l'acte vertueux; car si étant inspirés et nous étant plu en l'inspiration, nous refusons néanmoins par après le consentement à Dieu, nous sommes extrêmement méconnaissants et offensons grandement sa divine Majesté, car il semble bien qu'il y ait plus de mépris.

Ce fut ce qui arriva à l'Epouse; car, quoique la douce voix de son bien-aimé lui eût touché le coeur d'une sainte aise, si est-ce néanmoins qu'elle ne lui ouvrit pas la porte, mais s'en excusa d'une excuse frivole; de quoi l'Epoux justement indigné, passa outre et la quitta.

Aussi le gentilhomme qui après avoir longuement recherché une damoiselle et lui avoir rendu son service agréable, enfin serait rejeté et méprisé, aurait bien plus de sujet de mécontentement que si la recherche n'avait point été agréée ni favorisée.

Source : Livres-mystiques.com

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MessageSujet: Re: Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales   Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales - Page 2 EmptyMar 17 Oct - 17:06

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CHAPITRE XVIII

COMME IL FAUT RECEVOIR LES INSPIRATIONS


Résolvez-vous, Philothée, d'accepter de bon coeur toutes les inspirations qu'il plaira à Dieu de vous faire; et quand elles arriveront, recevez-les comme les ambassadeurs du Roi céleste, qui désire contracter mariage avec vous. Oyéz paisiblement leurs propositions ; considérez l'amour avec lequel vous êtes inspirée, et caressez la sainte inspiration. Consentez, mais d'un consentement plein, amoureux et constant à la sainte inspiration; car en cette sorte, Dieu, que vous ne pouvez obliger, se tiendra pour fort obligé à votre affection.

Mais avant que de consentir aux inspirations des choses importantes ou extraordinaires, afin de n'être point trompée, conseillez-vous toujours à votre guide, à ce qu'il examine si l'inspiration est vraie ou fausse ; d'autant que l'ennemi voyant une âme prompte à consentir aux inspirations, lui en propose bien souvent des fausses pour la tromper, ce qu'il ne peut jamais faire tandis qu'avec humilité elle obéira à son conducteur.

Le consentement étant donné, il faut avec un grand soin procurer les effets, et venir à l'exécution de l'inspiration, qui est le comble de la vraie vertu; car d'avoir le consentement dedans le coeur sans venir à l'effet dicelui, ce serait comme de planter une vigne sans vouloir qu'elle fructifiât.

Or, à tout ceci sert merveilleusement de bien pratiquer l'exercice du matin et les retraites spirituelles que j'ai marquées ci-dessus ; car par ce moyen, nous nous préparons à faire le bien, d'une préparation non seulement générale, mais aussi particulière.

CHAPITRE XIX

DE LA SAINTE COMMUNION


Notre Sauveur a laissé à son Eglise le sacrement de pénitence et de confession afin qu'en icelui nous nous lavions de toutes nos iniquités, toutes fois et quantes que nous en serons souillés. Ne permettez donc jamais, Philothée, que votre coeur demeure longtemps infecté du péché, puisque vous avez un remède si présent et facile.

La lionne qui a été accostée du léopard va vitement se laver pour ôter la puanteur que cette accointance lui a laissée, afin que le lion venant n'en soit point offensé et irrité: l'âme qui a consenti au péché doit avoir horreur de soi-même, et se nettoyer au plus tôt, pour le respect qu'elle doit porter aux yeux de sa divine Majesté qui la regarde. Mais pourquoi mourrons-nous de la mort spirituelle, puisque nous avons un remède si souverain ?

Confessez-vous humblement et dévotement tous les huit jours, et toujours s'il se peut quand vous communierez, encore que vous ne sentiez point en votre conscience aucun reproche de péché mortel; car par la confession, vous ne recevrez pas seulement l'absolution des péchés véniels que vous confesserez, mais aussi une grande force pour les éviter à l'avenir, une grande lumière pour les bien discerner, et une grâce abondante pour réparer toute la perte qu'ils vous avaient apportée.

Vous pratiquerez la vertu d'humilité, d'obéissance, de simplicité et de charité; et en cette seule action de confession, vous exercerez plus de vertu qu'en nulle autre.

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MessageSujet: Re: Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales   Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales - Page 2 EmptyMer 18 Oct - 18:38

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CHAPITRE XIX

DE LA SAINTE COMMUNION


Ayez toujours un vrai déplaisir des péchés que vous confesserez, pour petits qu'ils soient, avec une ferme résolution de vous en corriger à l'avenir. Plusieurs se confessant, par coutume, des péchés véniels et comme par manière d'agencement, sans penser nullement à sen corriger, en demeurent toute leur vie chargés, et par ce moyen perdent beaucoup de biens et profits spirituels.

Si donc vous vous confessez d'avoir menti, quoique sans nuisance, ou davoir dit quelque parole déréglée, ou d'avoir trop joué, repentez-vous-en et ayez ferme propos de vous en amender; car c'est un abus de se confesser de quelque sorte de péché, soit mortel, soit véniel, sans vouloir s'en purger, puisque la confession n'est instituée que pour cela.

Ne faites pas seulement ces accusations superflues que plusieurs font par routine : je n'ai pas aimé Dieu tant que je devais ; je n'ai pas prié avec tant de dévotion que je devais; je n'ai pas chéri le prochain comme je devais ; je n'ai pas reçu les sacrements avec la révérence que je devais, et telles semblables :

la raison est, parce qu'en disant cela vous ne direz rien de particulier qui puisse faire entendre au confesseur l'état de votre conscience, d'autant que tous les saints de paradis et tous les hommes de la terre pourraient dire les mêmes choses s'ils se confessaient.

Regardez donc quel sujet particulier vous avez de faire ces accusations-là, et lorsque vous l'aurez découvert, accusez-vous du manquement que vous aurez commis, tout simplement et naïvement. Par exemple, vous vous accusez de n'avoir pas chéri le prochain comme vous deviez; c'est peut-être parce qu'ayant vu quelque pauvre fort nécessiteux, lequel vous pouviez secourir et consoler, vous n'en avez eu nul soin.

Eh bien! accusez-vous de cette particularité et dites: ayant vu un pauvre nécessiteux, je ne l'ai pas secouru comme je pouvais, par négligence, ou par dureté de coeur, ou par mépris, selon que vous connaîtrez l'occasion de cette faute.

De même, ne vous accusez pas de n'avoir pas prié Dieu avec telle dévotion comme vous devez; mais si vous avez eu des distractions volontaires, ou que vous ayez négligé de prendre le lieu, le temps et la contenance requise pour avoir l'attention en la prière, accusez-vous-en tout simplement, selon que vous trouverez y avoir manqué, sans alléguer cette généralité, qui ne fait ni froid ni chaud en la confession.

Ne vous contentez pas de dire vos péchés véniels quant au fait, mais accusez-vous du motif qui vous a induite à les commettre. Par exemple, ne vous contentez pas de dire que vous avez menti sans intéresser personne; mais dites si ça été ou par vaine gloire, afin de vous louer et excuser, ou par vaine joie, ou par opiniâtreté. Si vous avez péché à jouer, expliquez si ça été pour le plaisir de la conversation, et ainsi des autres.

Dites si vous vous êtes longuement arrêtée en votre mal, d'autant que la longueur du temps accroît pour l'ordinaire de beaucoup le péché, y ayant bien de la différence entre une vanité passagère, qui se sera écoulée en notre esprit l'espace d'un quart d'heure, et celle en laquelle notre coeur aura trempé un jour, deux jours, trois jours.

Il faut donc dire le fait, le motif et la durée de nos péchés; car encore que communément on ne soit pas obligé d'être si pointilleux en la déclaration des péchés véniels, et que même on ne soit pas tenu absolument de les confesser, si est-ce que ceux qui veulent bien épurer leurs âmes pour mieux atteindre à la sainte dévotion, doivent être soigneux de bien faire connaître au médecin spirituel le mal, pour petit qu'il soit, duquel ils veulent être guéris.

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MessageSujet: Re: Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales   Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales - Page 2 EmptyJeu 19 Oct - 18:13

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CHAPITRE XIX

DE LA SAINTE COMMUNION


N'épargnez point de dire ce qui est requis pour bien faire entendre la qualité de votre offense, comme le sujet que vous avez eu de vous mettre en colère, ou de supporter quelqu'un en son vice. Par exemple, un homme lequel me déplaît, me dira quelque légère parole pour rire, je le prendrai en mauvaise part et me mettrai en colère; que si un autre qui meût été agréable en eût dit une plus âpre, je l'eusse prise en bonne part.

Je n'épargnerai donc point de dire : je me suis relâchée à dire des paroles de courroux contre une personne, ayant pris de lui en mauvaise part quelque chose qu'il ma dit, non point pour la qualité des paroles, mais parce que celui-là m'était désagréable.

Et s'il est encore besoin de particulariser les paroles pour vous bien déclarer, je pense qu'il serait bon de les dire ; car s'accusant ainsi naïvement, on ne découvre pas seulement les péchés qu'on a faits, mais aussi les mauvaises inclinations, coutumes, habitudes et autres racines du péché, au moyen de quoi le père spirituel prend une plus entière connaissance du coeur qu'il traite et des remèdes qui lui sont propres. Il faut néanmoins toujours tenir couvert le tiers qui aura coopéré à votre péché, tant qu'il sera possible.

Prenez garde à une quantité de péchés qui vivent et règnent bien souvent insensiblement dedans la conscience, afin que vous les confessiez et que vous puissiez vous en purger ; et à cet effet lisez attentivement les chapitres VI, XXVII, XXVIII, XXIX, XXXV et XXXVI de la troisième Partie et le chapitre VII de la quatrième Partie.

Ne changez pas aisément de confesseur, mais en ayant choisi un, continuez à lui rendre compte de votre conscience aux jours qui sont destinés pour cela, lui disant naïvement et franchement les péchés que vous aurez commis; et de temps en temps, comme serait de mois en mois ou de deux mois en deux mois, dites-lui encore l'état de vos inclinations, quoique par icelles vous n'ayez pas péché, comme si vous étiez tourmentée de la tristesse, du chagrin, ou si vous êtes portée à la joie, aux désirs d'acquérir des biens, et semblables inclinations.

CHAPITRE XX

DE LA FRÉQUENTE COMMUNION


On dit que Mithridate, roi du Pont, ayant inventé le mithridat renforça tellement son corps par icelui, que s'essayant par après de s'empoisonner pour éviter la servitude des Romains, jamais il ne lui fut possible.

Le Sauveur a institué ce sacrement très auguste de l'Eucharistie qui contient réellement sa chair et son sang, afin que qui la mange vive éternellement; c'est pourquoi, quiconque en use souvent avec dévotion affermit tellement la santé et la vie de son âme, qu'il est presque impossible qu'il soit empoisonné d'aucune sorte de mauvaise affection.

On ne peut être nourri de cette chair et vivre des affections de mort; si que, comme les hommes demeurant au paradis terrestre pouvaient ne mourir point selon le corps, par la force de ce fruit vital que Dieu y avait mis, ainsi peuvent-ils ne point mourir spirituellement, par la vertu de ce sacrement de vie.

Que si les fruits les plus tendres et sujets à corruption, comme sont les cerises, les abricots et les fraises, se conservent aisément toute lannée étant confits au sucre et au miel, ce n'est pas merveille si nos coeurs, quoique frêles et imbéciles, sont préservés de la corruption du péché lorsqu'ils sont sucrés et emmiellés de la chair et du sang incorruptibles du Fils de Dieu.

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MessageSujet: Re: Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales   Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales - Page 2 EmptyVen 20 Oct - 19:00

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CHAPITRE XX

DE LA FRÉQUENTE COMMUNION


O Philothée! les chrétiens qui seront damnés demeureront sans réplique lorsque le juste Juge leur fera voir le tort qu'ils ont eu de mourir spirituellement, puisqu'il leur était si aisé de se maintenir en vie et en santé par la manducation de son Corps qu'il leur avait laissé à cette intention. « Misérables, dira-t-il, pourquoi êtes-vous mort, ayant à commandement le fruit et la viande de la vie ? » « De recevoir la communion de l'Eucharistie tous les jours, ni je ne le loue ni je ne le vitupère; mais de communier tous les jours de dimanche, je le suade et en exhorte un chacun, pourvu que l'esprit soit sans aucune affection de pécher.

Ce sont les propres paroles de saint Augustin, avec lequel je ne vitupère ni loue absolument que l'on communie tous les jours, mais laisse cela à la discrétion du père spirituel de celui qui se voudra résoudre sur ce point; car la disposition requise pour une si fréquente communion devant être fort exquise, il n'est pas bon de le conseiller généralement; et parce que cette disposition-là, quoiqu'exquise, se peut trouver en plusieurs bonnes âmes, il n'est pas bon non plus d'en divertir et dissuader généralement un chacun, ains cela se doit traiter par la considération de l'état intérieur de chacun en particulier.

Ce serait imprudence de conseiller indistinctement à tous cet usage si fréquent; mais ce serait aussi imprudence de blâmer aucun pour icelui, et surtout quand il suivrait l'avis de quelque digne directeur. La réponse de sainte Catherine de Sienne fut gracieuse, quand lui étant opposé, à raison de sa fréquente communion, que saint Augustin ne louait ni ne vitupérait de communier tous les jours:

« Eh bien! dit-elle, puisque saint Augustin ne le vitupère pas, je vous prie que vous ne le vitupériez pas non plus, et je me contenterai ».Mais, Philothée, vous voyez que saint Augustin exhorte et conseille bien fort que l'on communie tous les dimanches; faites le donc, tant qu'il vous sera possible.

Puisque, comme je présuppose, vous n'avez nulle sorte d'affection du péché mortel, ni aucune affection au péché véniel, vous êtes en la vraie disposition que saint Augustin requiert, et encore plus excellente, parce que non seulement vous n'avez pas même l'affection du péché; si que, quand votre père spirituel le trouverait bon, vous pourriez utilement communier encore plus souvent que tous les dimanches.

Plusieurs légitimes empêchements peuvent néanmoins vous arriver, non point de votre côté mais de la part de ceux avec lesquels vous vivez, qui donneraient occasion au sage conducteur de vous dire que vous ne communiiez pas si souvent.

Par exemple, si vous êtes en quelque sorte de sujétion, et que ceux à qui vous devez de l'obéissance ou de la révérence soient si mal instruits ou si bizarres qu'ils s'inquiètent et troublent de vous voir si souvent communier, à l'aventure, toutes choses considérées, sera-t-il bon de condescendre en quelque sorte à leur infirmité, et ne communier que de quinze jours en quinze jours; mais cela s'entend en cas qu'on ne puisse aucunement vaincre la difficulté.

On ne peut pas bien arrêter ceci en général, il faut faire ce que le père spirituel dira; bien que je puisse dire assurément que la plus grande distance des communions est celle de mois en mois, entre ceux qui veulent servir Dieu dévotement.

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MessageSujet: Re: Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales   Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales - Page 2 EmptySam 21 Oct - 17:36

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CHAPITRE XX

DE LA FRÉQUENTE COMMUNION


Si vous êtes bien prudente, il n'y a ni mère, ni femme, ni mari, ni père qui vous empêche de communier souvent: car, puisque le jour de votre communion, vous ne laisserez pas d'avoir le soin qui est convenable à votre condition, que vous en serez plus douce et plus gracieuse en leur endroit et que vous ne leur refuserez nulle sorte de devoirs, il n'y a pas de l'apparence qu'ils veuillent vous détourner de cet exercice, qui ne leur apportera aucune incommodité, sinon qu'ils fussent d'un esprit extrêmement coquilleux et déraisonnable; en ce cas, comme j'ai dit, à l'aventure que votre directeur voudra que vous usiez de condescendance.

Il faut que je dise ce mot pour les gens mariés Dieu trouvait mauvais en l'ancienne Loi que les créanciers fissent exaction de ce qu'on leur devait ès jours des fêtes, mais il ne trouva jamais mauvais que les débiteurs payassent et rendissent leurs devoirs à ceux qui les exigeaient.

C'est chose indécente, bien que non pas grand péché, de solliciter le paiement du devoir nuptial le jour que l'on s'est communié, mais ce nest pas chose malséante, ains plutôt méritoire de le payer. C'est pourquoi, pour la reddition de ce devoir-là, aucun ne doit être privé de la communion, si d'ailleurs sa dévotion le provoque à la désirer.

Certes, en la primitive Eglise, les chrétiens communiaient tous les jours, quoiqu'ils fussent mariés et bénis de la génération des enfants; c'est pourquoi j'ai dit que la fréquente communion ne donnait nulle sorte d'incommodité ni aux pères, ni aux femmes, ni aux maris, pourvu que l'âme qui communie soit prudente et discrète. Quant aux maladies corporelles, il n'y en a point qui soit empêchement légitime à cette sainte participation, si ce n'est celle qui provoquerait fréquemment au vomissement.

Pour communier tous les huit jours, il est requis de n'avoir ni péché mortel ni aucune affection au péché véniel, et d'avoir un grand désir de se communier; mais pour communier tous les jours, il faut, outre cela, avoir surmonté la plupart des mauvaises inclinations, et que ce soit par avis du père spirituel.

CHAPITRE XXI

COMME IL FAUT COMMUNIER


Commencez le soir précédent à vous préparer à la sainte communion par plusieurs aspirations et élancements d'amour, vous retirant un peu de meilleure heure afin de vous pouvoir aussi lever plus matin. Que si la nuit vous vous réveillez, remplissez soudain votre coeur et votre bouche de quelques paroles odorantes, par le moyen desquelles votre âme soit parfumée pour recevoir l'Epoux, lequel, veillant pendant que vous dormez, se prépare à vous apporter mille grâces et faveurs, si de votre part vous êtes disposée à les recevoir.

Le matin levez-vous avec grande joie, pour le bonheur que vous espérez, et vous étant confessée, allez avec grande confiance, mais aussi avec grande humilité, prendre cette viande céleste qui vous nourrit à l'immortalité.

Et après que vous aurez dit les paroles sacrées: « Seigneur, je ne suis pas digne, ne remuez plus votre tête ni vos lèvres, soit pour prier soit pour soupirer, mais ouvrant doucement et médiocrement votre bouche, et élevant votre tête autant qu'il faut pour donner commodité au prêtre de voir ce qu'il fait, recevez pleine de foi, d'espérance et de charité Celui lequel, auquel, par lequel et pour lequel vous croyez, espérez et aimez.

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CHAPITRE XXI

COMME IL FAUT COMMUNIER


O Philothée! imaginez-vous que comme labeille ayant recueilli sur les fleurs la rosée du ciel et le suc plus exquis de la terre, et l'ayant réduit en miel, le porte dans sa ruche, ainsi le prêtre ayant pris sur l'autel le Sauveur du monde, vrai Fils de Dieu, qui comme une rosée est descendu du ciel, et vrai Fils de la Vierge, qui comme fleur est sorti de la terre de notre humanité, il le met en viande de suavité dedans votre bouche et dedans votre corps.

L'ayant reçu, excitez votre coeur à venir faire hommage à ce Roi de salut; traitez avec lui de vos affaires intérieures, considérez-le dedans vous, où il s'est mis pour votre bonheur; enfin, faites-lui tout l'accueil quil vous sera possible, et comportez-vous en sorte que l'on connaisse en toutes vos actions que Dieu est avec vous.

Mais quand vous ne pourrez pas avoir ce bien de communier réellement à la sainte messe, communiez au moins de coeur et d'esprit, vous unissant par un ardent désir à cette chair vivifiante du Sauveur.

Votre grande intention en la communion doit être de vous avancer, fortifier et consoler en l'amour de Dieu; car vous devez recevoir pour l'amour ce que le seul amour vous fait donner.

Non, le Sauveur ne peut être considéré en une action ni plus amoureuse ni plus tendre que celle-ci, en laquelle il s'anéantit, par manière de dire, et se réduit en viande afin de pénétrer nos âmes et s'unir intimement au coeur et au corps de ses fidèles.

Si les mondains vous demandent pourquoi vous communiez si souvent, dites-leur que c'est pour apprendre à aimer Dieu, pour vous purifier de vos imperfections, pour vous consoler en vos afflictions, pour vous appuyer en vos faiblesses.

Dites-leur que deux sortes de gens doivent souvent communier: les parfaits, parce qu'étant bien disposés, ils auraient grand tort de ne point s'approcher de la source et fontaine de perfection, et les imparfaits, afin de pouvoir justement prétendre à la perfection; les forts, afin qu'ils ne deviennent faibles, et les faibles, afin qu'ils deviennent forts ; les malades afin dêtre guéris ; les sains, afin qu'ils ne tombent en maladie; et que pour vous, comme imparfaite, faible et malade, vous avez besoin de souvent communier avec votre perfection, votre force et votre médecin.

Dites-leur que ceux qui n'ont pas beaucoup d'affaires mondaines doivent souvent communier parce qu'ils en ont la commodité, et ceux qui ont beaucoup d'affaires mondaines, parce qu'ils en ont nécessité, et que celui qui travaille beaucoup et qui est chargé de peines doit aussi manger les viandes solides et souventefois.

Dites-leur que vous recevez le Saint Sacrement pour apprendre à le bien recevoir, parce que l'on ne fait guère bien une action à laquelle on ne s'exerce pas souvent.

Communiez souvent, Philothée, et le plus souvent que vous pourrez, avec l'avis de votre père spirituel; et croyez-moi, les lièvres deviennent blancs parmi nos montagnes en hiver parce qu'ils ne voient ni mangent que la neige, et à force dadorer et manger la beauté, la bonté et la pureté même en ce divin Sacrement, vous deviendrez toute belle, toute bonne et toute pure.

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MessageSujet: Re: Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales   Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales - Page 2 EmptyLun 23 Oct - 19:35

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TROISIÈME PARTIE DE L'INTRODUCTION
CONTENANT PLUSIEURS AVIS TOUCHANT L'EXERCICE DES VERTUS

CHAPITRE I
DU CHOIX QUE L'ON DOIT FAIRE QUANT A L'EXERCICE DES VERTUS


Le roi des abeilles ne se met point aux champs qu'il ne soit environné de tout son petit peuple, et la charité n'entre jamais dans un coeur qu'elle n'y loge avec soi le train des autres vertus, les exerçant et mettant en besogne ainsi qu'un capitaine fait ses soldats; mais elle ne les met pas en oeuvre ni tout à coup, ni également, ni en tous temps, ni en tous lieux.

Le juste est « comme l'arbre qui est planté sur le cours des eaux, qui porte son fruit en son temps, parce que la charité arrosant une âme, produit en elle les oeuvres vertueuses chacune en sa saison. « La musique », tant agréable de soi-même, « est importune en un deuil », dit le Proverbe.

C'est un grand défaut en plusieurs qui, entreprenant l'exercice de quelque vertu particulière, s'opiniâtrent d'en produire des actions en toutes sortes de rencontres, et veulent, comme ces anciens philosophes, ou toujours pleurer ou toujours rire; et font encore pis quand ils blâment et censurent ceux qui, comme eux, n'exercent pas toujours ces mêmes vertus. « Il se faut réjouir avec les joyeux et pleurer avec les pleurants », dit l'Apôtre; et « la charité est patiente, bénigne », libérale, prudente, condescendante.

Il y a néanmoins des vertus lesquelles ont leur usage presque universel, et qui ne doivent pas seulement faire leurs actions à part, ains doivent encore répandre leurs qualités ès actions de toutes les autres vertus. Il ne se présente pas souvent des occasions de pratiquer la force, la magnanimité, la magnificence; mais la douceur, la tempérance, l'honnêteté et l'humilité sont des certaines vertus, desquelles toutes les actions de notre vie doivent être teintes.

Il y a des vertus plus excellentes qu'elles; l'usage néanmoins de celles-ci est plus requis. Le sucre est plus excellent que le sel; mais le sel a un usage plus fréquent et plus général. C'est pourquoi il faut toujours avoir bonne et prompte provision de ces vertus générales, puisqu'il s'en faut servir presque ordinairement.

Entre les exercices des vertus, nous devons préférer celui qui est plus conforme à notre devoir, et non pas celui qui est plus conforme à notre goût. C'était le goût de sainte Paule d'exercer l'âpreté des mortifications corporelles pour jouir plus aisément des douceurs spirituelles, mais elle avait plus de devoir à l'obéissance de ses supérieurs ; c'est pourquoi saint Jérôme avoue quelle était répréhensible en ce que, contre l'avis de son évêque, elle faisait des abstinences immodérées.

Les Apôtres au contraire, commis pour prêcher l'Evangile et distribuer le pain céleste aux âmes, jugèrent extrêmement bien qu'ils eussent eu tort de s'incommoder en ce saint exercice pour pratiquer la vertu du soin des pauvres, quoique très excellente.

Chaque vacation a besoin de pratiquer quelque spéciale vertu : autres sont les vertus d'un prélat, autres celles d'un prince, autres celles d'un soldat, autres celles d'une femme mariée, autres celles d'une veuve; et bien que tous doivent avoir toutes les vertus, tous néanmoins ne les doivent pas également pratiquer, mais un chacun se doit particulièrement adonner à celles qui sont requises au genre de vie auquel il est appelé.

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MessageSujet: Re: Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales   Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales - Page 2 EmptyMar 24 Oct - 18:16

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TROISIÈME PARTIE DE L'INTRODUCTION
CONTENANT PLUSIEURS AVIS TOUCHANT L'EXERCICE DES VERTUS

CHAPITRE I
DU CHOIX QUE L'ON DOIT FAIRE QUANT A L'EXERCICE DES VERTUS


Entre les vertus qui ne regardent pas notre devoir particulier, il faut préférer les plus excellentes et non pas les plus apparentes.

Les comètes paraissent pour l'ordinaire plus grandes que les étoiles et tiennent beaucoup plus de place à nos yeux; elles ne sont pas néanmoins comparables ni en grandeur ni en qualité aux étoiles, et ne semblent grandes sinon parce qu'elles sont proches de nous et en un sujet plus grossier au prix des étoiles.

Il y a de même certaines vertus lesquelles, pour être proches de nous, sensibles et, s'il faut ains dire, matérielles, sont grandement estimées et toujours préférées par le vulgaire: ainsi préfère-t-il communément l'aumône temporelle à la spirituelle, la haire, le jeûne, la nudité, la discipline et les mortifications du corps à la douceur, à la débonnaireté, à la modestie et autres mortifications du coeur, qui néanmoins sont bien plus excellentes.

Choississez donc, Philothée, les meilleures vertus et non pas les plus estimées, les plus excellentes et non pas les plus apparentes, les meilleures et non pas les plus braves.

Il est utile qu'un chacun choisisse un exercice particulier de quelque vertu, non point pour abandonner les autres, mais pour tenir plus justement son esprit rangé et occupé.

Une belle jeune fille, plus reluisante que le soleil, ornée et parée royalement et couronnée d'une couronne dolives, apparut à saint Jean, évêque dAlexandrie et lui dit :

« Je suis la fille aînée du roi ; si tu me peux avoir pour ton amie je te conduirai devant sa face. » Il connut que c'était la Miséricorde envers les pauvres que Dieu lui recommandait, si que, par après, il s'adonna tellement à l'exercice dicelle, que pour cela il est partout appelé saint Jean l'Aumônier.

Euloge Alexandrin, désirant faire quelque service particulier à Dieu, et n'ayant pas assez de force ni pour embrasser la vie solitaire ni pour se ranger sous l'obéissance d'un autre, retira chez soi un misérable tout perdu et gâté de ladrerie pour exercer en celui la charité et mortification; ce que pour faire plus dignement, il fit voeu de l'honorer, traiter et servir comme un valet ferait son maître et seigneur.

Or, sur quelque tentation survenue tant au ladre qu'à Euloge de se quitter lun lautre, ils s'adressèrent au grand saint Antoine qui leur dit :

« Gardez bien, mes enfants, de vous séparer l'un de l'autre; car étant tous deux proches de votre fin, si l'ange ne vous trouve pas ensemble, vous courez grand péril de perdre vos couronnes.»

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MessageSujet: Re: Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales   Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales - Page 2 EmptyMer 25 Oct - 17:37

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TROISIÈME PARTIE DE L'INTRODUCTION
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CHAPITRE I
DU CHOIX QUE L'ON DOIT FAIRE QUANT A L'EXERCICE DES VERTUS


Le roi saint Louis visitait, comme par un prix fait, les hôpitaux et servait les malades de ses propres mains. Saint François aimait la pauvreté qu'il appelait sa dame; saint Dominique, la prédication de laquelle son ordre a pris le nom. Saint Grégoire le Grand se plaisait à caresser les pèlerins à l'exemple du grand Abraham, et comme icelui, reçut le Roi de gloire sous la forme d'un pèlerin. Tobie s'exerçait en la charité d'ensevelir les défunts; sainte Elisabeth, toute grande princesse qu'elle était, aimait surtout l'abjection de soi-même; sainte Catherine de Gênes, étant devenue veuve, se dédia au service de l'hôpital.

Cassien raconte qu'une dévote damoiselle, désireuse d'être exercée en la vertu de patience, recourut à saint Athanase, lequel à sa requête, mit avec elle une pauvre veuve, chagrine, colère, fâcheuse et insupportable, laquelle gourmandant perpétuellement cette dévote fille, lui donna bon sujet de pratiquer dignement la douceur et condescendance.

Ainsi entre les serviteurs de Dieu, les uns s'adonnent à servir les malades, les autres à secourir les pauvres, les autres à procurer l'avancement de la doctrine chrétienne entre les petits enfants, les autres à ramasser les âmes perdues et égarées, les autres à parer les églises et orner les autels, et les autres à moyenner la paix et concorde entre les hommes.

En quoi ils imitent les brodeurs qui, sur divers fonds, couchent en belle variété les soies, l'or et l'argent pour en faire toutes sortes de fleurs ; car ainsi ces âmes pieuses qui entreprennent quelque particulier exercice de dévotion, se servent dicelui comme d'un fonds pour leur broderie spirituelle, sur lequel elles pratiquent la variété de toutes les autres vertus, tenant en cette sorte leurs actions et affections mieux unies et rangées par le rapport qu'elles en font à leur exercice principal, et font ainsi paraître leur esprit

En son beau vêtement de drap d'or recamé,
Et douvrages divers à laiguille semé.

Quand nous sommes combattus de quelque vice, il faut, tant qu'il nous est possible, embrasser la pratique de la vertu contraire, rapportant les autres à icelle; car par ce moyen nous vaincrons notre ennemi et ne laisserons pas de nous avancer en toutes les vertus. Si je suis combattu par l'orgueil ou par la colère, ii faut qu'en toute chose je me penche et plie du côté de l'humilité et de la douceur et qu'à cela je fasse servir les autres exercices de l'oraison, des sacrements, de la prudence, de la constance, de la sobriété.

Car, comme les sangliers pour aiguiser leurs défenses les frottent et fourbissent avec leurs autres dents, lesquelles réciproquement en demeurent toutes fort affutées et tranchantes, ainsi lhomme vertueux ayant entrepris de se perfectionner en la vertu de laquelle il a plus de besoin pour sa défense, il la doit limer et affiler par l'exercice des autres vertus, lesquelles en affinant celle-là, en deviennent toutes plus excellentes et mieux polies; comme il advint à Job, qui s'exerçant particulièrement en la patience, contre tant de tentations desquelles il fut agité, devint parfaitement saint et vertueux en toutes sortes de vertus.

Ains il est arrivé, comme dit saint Grégoire Nazianzène, que par une seule action de quelque vertu, bien et parfaitement exercée, une personne a atteint au comble des vertus, alléguant Rahab, laquelle, ayant exactement pratiqué l'office d'hospitalité, parvint à une gloire suprême; mais cela s'entend quand telle action se fait excellemment, avec grande ferveur et charité.

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MessageSujet: Re: Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales   Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales - Page 2 EmptyJeu 26 Oct - 17:55

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CHAPITRE II

SUITE DU MÊME DISCOURS DU CHOIX DES VERTUS


Saint Augustin dit excellemment que ceux qui commencent en la dévotion commettent certaines fautes, lesquelles sont blâmables selon la rigueur des lois de la perfection, et sont néanmoins louables, pour le bon présage quelles donnent d'une future excellence de piété, à laquelle même elles servent de disposition.

Cette basse et grossière crainte qui engendre les scrupules excessifs ès âmes de ceux qui sortent nouvellement du train des péchés, est une vertu recommandable en ce commencement, et présage certain d'une future pureté de conscience; mais cette même crainte serait blâmable en ceux qui sont fort avancés, dedans le coeur desquels doit régner lamour, qui petit à petit chasse cette sorte de crainte servile.

Saint Bernard en ses commencements, était plein de rigueur et d'âpreté envers ceux qui se rangeaient sous sa conduite, auxquels il annonçait d'abord quil fallait quitter le corps et venir à lui avec le seul esprit. Oyant leurs confessions, il détestait avec une sévérité extraordinaire toutes sortes de défauts, pour petits qu'ils fussent, et sollicitait tellement ces pauvres apprentis à la perfection, qu'à force de les y pousser il les en retirait; car ils perdaient coeur et haleine de se voir si instamment pressés en une montée si droite et relevée.

Voyez-vous, Philothée, c'était le zèle très ardent d'une parfaite pureté qui provoquait ce grand saint à cette sorte de méthode, et ce zèle était une grande vertu, mais vertu néanmoins qui ne laissait pas d'être répréhensible. Aussi Dieu même par une sacrée apparition, l'en corrigea, répandant en son âme un esprit doux, suave, amiable et tendre, par le moyen duquel s'étant rendu tout autre, il s'accusa grandement d'avoir été si exact et sévère, et devint tellement gracieux et condescendant avec un chacun qu'il se fit « tout à tous pour les gagner tous. »

Saint Jérôme ayant raconté que sainte Paule, sa chère fille, était non seulement excessive, mais opiniâtre en l'exercice des mortifications corporelles, jusques à ne vouloir point céder à l'avis contraire que saint Epiphane son évêque lui avait donné pour ce regard, et qu'outre cela, elle se laissait tellement emporter au regret de la mort des siens, que toujours elle était en danger de mourir, enfin il conclut en cette sorte : « On dira qu'en lieu d'écrire des louanges pour cette sainte, j'en écris des blâmes et vitupères. J'atteste Jésus, auquel elle a servi et auquel je désire servir, que je ne mens ni d'un côté ni d'autre, ains produis naïvement ce qui est delle comme chrétien d'une chrétienne; c'est-à-dire, j'en écris l'histoire, non pas un panégyrique, et que ses vices sont les vertus des autres. »

Il veut dire que les déchets et défauts de sainte Paule eussent tenu lieu de vertu en une âme moins parfaite, comme à la vérité il y a des actions qui sont estimées imperfections en ceux qui sont parfaits, lesquelles seraient néanmoins tenues pour grandes perfections en ceux qui sont imparfaits. C'est bon signe en un malade quand au sortir de sa maladie les jambes lui enflent, car cela dénote que la nature déjà renforcée rejette les humeurs superflues ; mais ce même signe serait mauvais en celui qui ne serait pas malade, car il ferait connaître que la nature n'a pas assez de force pour dissiper et résoudre les humeurs.

Ma Philothée, il faut avoir bonne opinion de ceux es-quels nous voyons la pratique des vertus, quoiqu'avec imperfection, puisque les saints mêmes les ont souvent pratiquées en cette sorte; mais quant à nous, il nous faut avoir soin de nous y exercer, non seulement fidèlement, mais prudemment, et à cet effet observer étroitement l'avis du Sage, de « ne point nous appuyer sur notre propre prudence», ains sur celle de ceux que Dieu nous a donnés pour conducteurs.

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CHAPITRE II

SUITE DU MÊME DISCOURS DU CHOIX DES VERTUS


Il y a certaines choses que plusieurs estiment vertus et qui ne le sont aucunement, desquelles il faut que je vous dise un mot: ce sont les extases ou ravissements, les insensibilités, impassibilités, unions déifiques, élévations, transformations, et autres telles perfections desquelles certains livres traitent, qui promettent délever l'âme jusquà la contemplation purement intellectuelle, à l'application essentielle de l'esprit et vie superéminente.

Voyez-vous, Philothée, ces perfections ne sont pas vertus; ce sont plutôt des récompenses que Dieu donne pour les vertus, ou bien encore plutôt des échantillons des félicités de la vie future, qui quelquefois sont présentés aux hommes pour leur faire désirer les pièces tout entières qui sont là-haut en paradis.

Mais pour tout cela, il ne faut pas prétendre à telles grâces, puisquelles ne sont nullement nécessaires pour bien servir et aimer Dieu, qui doit être notre unique prétention; aussi bien souvent ne sont-ce pas des grâces qui puissent être acquises par le travail et industrie, puisque ce sont plutôt des passions que des actions, lesquelles nous pouvons recevoir, mais non pas faire en nous.

J'ajoute que nous n'avons pas entrepris de nous rendre sinon gens de bien, gens de dévotion, hommes pieux, femmes pieuses; c'est pourquoi il nous faut bien employer à cela; que s'il plaît à Dieu de nous élever jusques à ces perfections angéliques, nous serons aussi des bons anges; mais en attendant exerçons-nous simplement, humblement et dévotement aux petites vertus, la conquête desquelles Notre Seigneur a exposée à notre soin et travail : comme la patience, la débonnaireté, la mortification du coeur, lhumilité, l'obéissance, la pauvreté, la chasteté, la tendreté envers le prochain, le support de ses imperfections, la diligence et sainte ferveur.

Laissons volontiers les suréminences aux âmes surélevées : nous ne méritons pas un rang si haut au service de Dieu; trop heureux serons-nous de le servir en sa cuisine, en sa paneterie, d'être des laquais, portefaix, garçons de chambre; c'est à lui par après, si bon lui semble, de nous retirer en son cabinet et conseil privé.

Oui, Philothée, car ce Roi de gloire ne récompense pas ses serviteurs selon la dignité des offices qu'ils exercent, mais selon l'amour et l'humilité avec laquelle ils les exercent. Saül cherchant les ânes de son père, trouva le royaume dIsraël; Rébecca, abreuvant les chameaux dAbraham, devint épouse de son fils; Ruth, glanant après les moissonneurs de Booz et se couchant à ses pieds, fut tirée à son côté et rendue son épouse.

Certes, les prétentions si hautes et élevées des choses extraordinaires sont grandement sujettes aux illusions, tromperies et faussetés; et arrive quelquefois que ceux qui pensent être des anges ne sont pas seulement bons hommes, et qu'en leur fait il y a plus de grandeur ès paroles et termes dont ils usent, qu'au sentiment et en l'oeuvre.

Il ne faut pourtant rien mépriser ni censurer témérairement; mais en bénissant Dieu de la suréminence des autres, arrêtons-nous humblement en notre voie plus basse mais plus assurée, moins excellente mais plus sortable à notre insuffisance et petitesse, en laquelle si nous conservons humblement et fidèlement, Dieu nous élèvera à des grandeurs bien grandes.

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CHAPITRE III

DE LA PATIENCE


« Vous avez besoin de patience, afin que faisant la volonté de Dieu, vous en rapportiez la promesse », dit l'Apôtre. Oui; car, comme avait prononcé le Sauveur, « en votre patience vous posséderez vos âmes ». C'est le grand bonheur de l'homme, Philothée, que de posséder son âme; et à mesure que la patience est plus parfaite, nous possédons plus parfaitement nos âmes.

Ressouvenez-vous souvent que Notre Seigneur nous a sauvés en souffrant et endurant, et que de même, nous devons faire notre salut par les souffrances et afflictions, endurant les injures, contradictions et déplaisirs avec le plus de douceur qu'il nous sera possible.

Ne bornez point votre patience à telle ou telle sorte dinjures et d'afflictions, mais étendez-la universellement à toutes celles que Dieu vous enverra et permettra vous arriver. Il y en a qui ne veulent souffrir sinon les tribulations qui sont honorables, comme par exemple, d'être blessés à la guerre, d'être prisonniers de guerre, d'être maltraités pour la religion, de s'être appauvris par quelque querelle en laquelle ils soient demeurés maîtres; et ceux-ci n'aiment pas la tribulation, mais l'honneur quelle apporte.

Le vrai patient et serviteur de Dieu supporte également les tribulations conjointes à l'ignominie et celles qui sont honorables. D'être méprisé, repris et accusé par les méchants, ce n'est que douceur à un homme de courage; mais d'être repris, accusé et maltraité par les gens de bien, par les amis, par les parents, c'est là où il y a du bon.

J'estime plus la douceur avec laquelle le grand saint Charles Borromée souffrit longuement les répréhensions publiques qu'un grand prédicateur d'un ordre extrêmement réformé faisait contre lui en chaire, que toutes les attaques qu'il reçut des autres.

Car tout ainsi que les piqûres d'abeilles sont plus cuisantes que celle des mouches, ainsi le mal que l'on reçoit des gens de bien, et les contradictions qu'ils font sont bien plus insupportables que les autres; et cela néanmoins arrive fort souvent, que deux hommes de bien ayant tous deux bonne intention, sur la diversité de leurs opinions, se font de grandes persécutions et contradictions l'un à l'autre.

Soyez patiente, non seulement pour le gros et principal des afflictions qui nous surviendront, mais encore pour les accessoires et accidents qui en dépendront. Plusieurs voudraient bien avoir du mal, pourvu qu'ils n'en fussent point incommodés. « Je ne me fâche point, dit l'un, d'être devenu pauvre, si ce n'était que cela m'empêchera de servir mes amis, élever mes enfants et vivre honorablement comme je désirais. »

Et l'autre dira : « Je ne m'en soucierais point, si ce n'était que le monde pensera que cela me soit arrivé par ma faute. » L'autre serait tout aise que l'on médît de lui, et le souffrirait fort patiemment, pourvu que personne ne crût le médisant.

Il y en a d'autres qui veulent bien avoir quelque incommodité du mal, ce leur semble, mais non pas l'avoir toute : ils ne s'impatientent pas, disent-ils, d'être malades, mais de ce qu ils n'ont pas de l'argent pour se faire panser, ou bien de ce que ceux qui sont autour deux en sont importunés.

Or je dis, Philothée, qu'il faut avoir patience, non seulement d'être malade, mais de l'être de la maladie que Dieu veut, en lieu où il veut, et entre les personnes qu'il veut, et avec les incommodités qu'il veut; et ainsi des autres tribulations.

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MessageSujet: Re: Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales   Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales - Page 2 EmptyDim 29 Oct - 18:51

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CHAPITRE III

DE LA PATIENCE


Quand il vous arrivera du mal, opposez à icelui les remèdes qui seront possibles et selon Dieu, car de faire autrement, ce serait tenter sa divine Majesté : mais aussi cela étant fait, attendez avec une entière résignation l'effet que Dieu agréera.

S'il lui plaît que les remèdes vainquent le mal, vous le remercierez avec humilité; mais s'il lui plaît que le mal surmonte les remèdes, bénissez-le avec patience.

Je suis l'avis de saint Grégoire: quand vous serez accusée justement pour quelque faute que vous aurez commise, humiliez-vous bien fort, confessez que vous méritez l'accusation qui est faite contre vous.

Que si l'accusation est fausse, excusez-vous doucement, niant d'être coupable, car vous devez cette révérence à la vérité et à l'édification du prochain; mais aussi, si après votre véritable et légitime excuse on continue à vous accuser, ne vous troublez nullement et ne tâchez point de faire recevoir votre excuse; car après avoir rendu votre devoir à la vérité, vous devez le rendre aussi à lhumilité.

Et en cette sorte, vous n'offenserez ni le soin que vous devez avoir de votre renommée, ni l'affection que vous devez à la tranquillité, douceur de coeur et humilité.

Plaignez-vous le moins que vous pourrez des torts qui vous seront faits ; car c'est chose certaine que pour l'ordinaire, qui se plaint pèche, d'autant que l'amour-propre nous fait toujours ressentir les injures plus grandes qu'elles ne sont; mais surtout ne faites point vos plaintes à des personnes aisées à si'ndigner et mal penser.

Que s'il est expédient de vous plaindre à quelqu'un, ou pour remédier à l'offense, ou pour accoiser votre esprit, il faut que ce soit à des âmes tranquilles et qui aiment bien Dieu; car autrement au lieu d'alléger votre coeur, elles le provoqueraient à de plus grandes inquiétudes; au lieu d'ôter l'épine qui vous pique, elles la ficheront plus avant en votre pied.

Plusieurs étant malades, affligés, et offensés de quelqu'un, s'empêchent bien de se plaindre et montrer de la délicatesse, car cela, à leur avis (et il est vrai), témoignerait évidemment une grande défaillance de force et de générosité; mais ils désirent extrêmement, et par plusieurs artifices recherchent que chacun les plaigne, qu'on ait grande compassion d'eux, et qu'on les estime non seulement affligés, mais patients et courageux.

Or, cela est vraiment une patience, mais une patience fausse, qui en effet n'est autre chose qu'une très délicate et très fine ambition et vanité : « Ils ont de la gloire, dit l'Apôtre, mais non pas envers Dieu. »

Le vrai patient ne se plaint point de son mal ni ne désire qu'on le plaigne; il en parle naïvement, véritablement et simplement, sans se lamenter, sans se plaindre, sans l'agrandir: que si on le plaint, il souffre patiemment qu'on le plaigne, sinon qu'on le plaigne de quelque mal qu'il n'a pas; car lors il déclare modestement qu'il n'a point ce mal-là, et demeure en cette sorte paisible entre la vérité et la patience, confessant son mal et ne s'en plaignant point.

Source : Livres-mystiques.com

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MessageSujet: Re: Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales   Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales - Page 2 EmptyLun 30 Oct - 18:24

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CHAPITRE III

DE LA PATIENCE


Ès contradictions qui vous arriveront en l'exercice de la dévotion (car cela ne manquera pas), ressouvenez-vous de la parole de Notre-Seigneur:

« La femme tandis qu'elle enfante a de grandes angoisses, mais voyant son enfant né elle les oublie, d'autant qu'un homme lui est né au monde »; car vous avez conçu en votre âme le plus digne enfant du monde, qui est Jésus-Christ avant qu'il soit produit et enfanté du tout, il ne se peut que vous ne vous ressentiez du travail; mais ayez bon courage, car, ces douleurs passées, la joie éternelle vous demeurera d'avoir enfanté un tel homme au monde. Or il sera entièrement formé en votre coeur et en vos oeuvres par imitation de sa vie.

Quand vous serez malade, offrez toutes vos douleurs, peines et langueurs au service de Notre Seigneur, et le suppliez de les joindre aux tourments qu'il a reçus pour vous.

Obéissez au médecin, prenez les médecines, viandes et autres remèdes pour l'amour de Dieu, vous ressouvenant du fiel qu'il prit pour l'amour de nous. Désirez de guérir pour lui rendre service; ne refusez point de languir pour lui obéir, et disposez-vous à mourir, si ainsi il lui plaît, pour le louer et jouir de lui.

Ressouvenez-vous que les abeilles au temps qu'elles font le miel, vivent et mangent d'une munition fort amère, et qu'ainsi nous ne pouvons jamais faire des actes de plus grande douceur et patience, ni mieux composer le miel des excellentes vertus, que tandis que nous mangeons le pain damertume et vivons parmi les angoisses.

Et comme le miel qui est fait des fleurs de thym, herbe petite et amère, est le meilleur de tous, ainsi la vertu qui s'exerce en l'amertume des plus viles, basses et abjectes tribulations est la plus excellente de toutes.

Voyez souvent de vos yeux intérieurs Jésus-Christ crucifié, nu, blasphémé, calomnié, abandonné et enfin accablé de toutes sortes d'ennuis, de tristesse et de travaux, et considérez que toutes vos souffrances, ni en qualité ni en quantité, ne sont aucunement comparables aux siennes, et que jamais vous ne souffrirez rien pour lui, au prix de ce qu'il a souffert pour vous.

Considérez les peines que les martyrs souffrirent jadis et celles que tant de personnes endurent, plus grièves, sans aucune proportion, que celles esquelles vous êtes, et dites: « Hélas mes travaux sont des consolations et mes peines des roses, en comparaison de ceux qui sans secours, sans assistance, sans allègement, vivent en une mort continuelle, accablés dafflictions infiniment plus grandes. »

CHAPITRE IV

DE L'HUMILITÉ POUR L'EXTÉRIEUR


« Empruntez, dit Elisée à une pauvre veuve, et prenez force vaisseaux vides et versez l'huile en iceux. » Pour recevoir la grâce de Dieu en nos coeurs, il les faut avoir vides de notre propre gloire. La crécerelle criant et regardant les oiseaux de proie, les épouvante par une propriété et vertu secrète; c'est pourquoi les colombes laiment sur tous les autres oiseaux, et vivent en assurance auprès dicelle: ainsi l'humilité repousse Satan, et conserve en nous les grâces et dons du Saint-Esprit, et pour cela tous les saints, mais particulièrement le Roi des saints et sa Mère, ont toujours honoré et chéri cette digne vertu plus qu'aucune autre entre toutes les morales.

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MessageSujet: Re: Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales   Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales - Page 2 EmptyMar 31 Oct - 19:01

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CHAPITRE IV

DE L'HUMILITÉ POUR L'EXTÉRIEUR


Nous appelons vaine la gloire qu'on se donne ou pour ce qui n'est pas en nous, ou pour ce qui est en nous mais non pas à nous, ou pour ce qui est en nous et à nous, mais qui ne mérite pas qu'on s'en glorifie. La noblesse de la race, la faveur des grands, l'honneur populaire, ce sont choses qui ne sont pas en nous, mais ou en nos prédécesseurs, ou en l'estime d'autrui. Il y en a qui se rendent fiers et morgants pour être sur un bon cheval, pour avoir un panache en leur chapeau, pour être habillés somptueusement; mais qui ne voit cette folie ? car s'il y a de la gloire pour cela, elle est pour le cheval, pour loiseau et pour le tailleur; et quelle lâcheté de courage est-ce d'emprunter son estime d'un cheval, d'une plume, d'un goderon ?

Les autres se prisent et regardent, pour des moustaches relevées, pour une barbe bien peignée, pour des cheveux crêpés, pour des mains douillettes, pour savoir danser, jouer, chanter; mais ne sont-ils pas lâches de courage, de vouloir enchérir leur valeur et donner du surcroît à leur réputation par des choses si frivoles et folâtres ? Les autres, pour un peu de science, veulent être honorés et respectés du monde, comme si chacun devait aller à lécole chez eux et les tenir pour maîtres : c'est pourquoi on les appelle pédants. Les autres se pavonnent sur la considération de leur beauté, et croient que tout le monde les muguettes.

Tout cela est extrêmement vain, sot et impertinent, et la gloire qu'on prend de si faibles sujets s'appelle vaine, sotte et frivole.On connaît le vrai bien comme le vrai baume on fait l'essai du baume en le distillant dedans l'eau, car s'il va au fond et qu'il prenne le dessous, il est jugé pour être du plus fin et précieux. Ainsi, pour connaître si un homme est vraiment sage, savant, généreux, noble, il faut voir si ses biens tendent à l'humilité, modestie et soumission, car alors ce seront des vrais biens; mais s'ils surnagent et qu'ils veuillent paraître, ce seront des biens d'autant moins véritables qu'ils seront plus apparents.

Les perles qui sont conçues ou nourries au vent et au bruit des tonnerres n'ont que l'écorce de perles, et sont vides de substance; et ainsi les vertus et belles qualités des hommes qui sont reçues et nourries en l'orgueil, en la ventance et en la vanité, n'ont qu'une simple apparence du bien, sans suc, sans moelle et sans solidité. Les honneurs, les rangs, les dignités, sont comme le safran, qui se porte mieux et vient plus abondamment d'être foulé aux pieds.

Ce n'est plus honneur d'être beau, quand on s'en regarde : la beauté pour avoir bonne grâce doit être négligée ; la science nous déshonore quand elle nous enfle et quelle dégénère en pédanterie. Si nous sommes pointilleux pour les rangs, pour les séances, pour les titres, outre que nous exposons nos qualités à l'examen, à l'enquête et à la contradiction, nous les rendons viles et abjectes; car l'honneur qui est beau étant reçu en don, devient vilain quand il est exigé, recherché et demandé.

Quand le paon fait sa roue pour se voir, en levant ses belles plumes, il se hérisse de tout le reste, et montre de part et d'autre ce qu'il a d'infâme; les fleurs qui sont belles, plantées en terre, flétrissent étant maniées. Et comme ceux qui odorent la mandragore de loin et en passant reçoivent beaucoup de suavité, mais ceux qui la sentent de près et longuement en deviennent assoupis et malades, ainsi les honneurs rendent une douce consolation à celui qui les odore de loin et légèrement, sans s'y amuser ou s'en empresser ; mais à qui s'y affectionne et s'en repaît, ils sont extrêmement blâmables et vitupérables.

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MessageSujet: Re: Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales   Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales - Page 2 EmptyMer 1 Nov - 19:05

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CHAPITRE IV

DE L'HUMILITÉ POUR L'EXTÉRIEUR


La poursuite et amour de la vertu commence à nous rendre vertueux; mais la poursuite et amour des honneurs commence à nous rendre méprisables et vitupérables. Les esprits bien nés ne s'amusent pas à ces menus fatras de rangs, d'honneurs, de salutations; ils ont d'autres choses à faire : c'est le propre des esprits fainéants. Qui peut avoir des perles ne se charge pas de coquilles; et ceux qui prétendent à la vertu ne s'empressent point pour les honneurs.

Certes, chacun peut entrer en son rang et s'y tenir sans violer l'humilité, pourvu que cela se fasse négligemment et sans contention. Car, comme ceux qui viennent du Pérou, outre l'or et l'argent qu'ils en tirent, apportent encore des singes et perroquets, parce qu'ils ne leur coûtent guère et ne chargent pas aussi beaucoup leur navire ; ainsi ceux qui prétendent à la vertu ne laissent pas de prendre leurs rangs et les honneurs qui leur sont dus, pourvu toutefois que cela ne leur coûte pas beaucoup de soin et d'attention, et que ce soit sans en être chargés de trouble, d'inquiétude, de disputes et contentions.

Je ne parle néanmoins pas de ceux desquels la dignité regarde le public, ni de certaines occasions particulières qui tirent une grande conséquence; car en cela, il faut que chacun conserve ce qui lui appartient, avec une prudence et discrétion qui soit accompagnée de charité et courtoisie.

CHAPITRE V

DE L'HUMILITÉ PLUS INTÉRIEURE


Mais vous désirez, Philothée, que je vous conduise plus avant dans l'humilité; car à faire comme j'ai dit c'est quasi plutôt sagesse qu'humilité; maintenant donc je passe outre. Plusieurs ne veulent ni n'osent penser et considérer les grâces que Dieu leur a faites en particulier, de peur de prendre de la vaine gloire et complaisance, en quoi certes ils se trompent; car puisque, comme dit le grand Docteur Angélique, le vrai moyen d'atteindre à l'amour de Dieu, c'est la considération de ses bienfaits, plus nous les connaîtrons, plus nous l'aimerons; et comme les bénéfices particuliers émeuvent plus puissamment que les communs, aussi doivent-ils être considérés plus attentivement.

Certes, rien ne peut tant humilier devant la Miséricorde de Dieu que la multitude de ses bienfaits, ni rien tant humilier devant sa justice, que la multitude de nos méfaits. Considérons ce qu'il a fait pour nous et ce que nous avons fait contre lui ; et comme nous considérons par le menu nos péchés, considérons aussi par le menu ses grâces.

Il ne faut pas craindre que la connaissance de ce qu'il a mis en nous nous enfle, pourvu que nous soyons attentifs à cette vérité, que ce qui est de bon en nous n'est pas de nous.

Hélas! les mulets laissent-ils d'être lourdes et puantes bêtes, pour être chargés des meubles précieux et parfumés du prince? Qu'avons-nous de bon que nous n'ayons reçu? et si nous l'avons reçu, pourquoi nous en voulons-nous enorgueillir ?

Au contraire, la vive considération des grâces reçues nous rend humbles; car la connaissance engendre la reconnaissance. Mais si voyant les grâces que Dieu nous a faites, quelque sorte de vanité nous venait chatouiller, le remède infaillible sera de recourir à la considération de nos ingratitudes, de nos imperfections, de nos misères:

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CHAPITRE V

DE L'HUMILITÉ PLUS INTÉRIEURE


Si nous considérons ce que nous avons fait quand lieu na pas été avec nous, nous connaîtrons bien que ce que nous faisons quand il est avec nous n'est pas de notre façon ni de notre crû; nous en jouirons voirement et nous en réjouirons parce que nous l'avons, mais nous en glorifierons Dieu seul, parce qu'il en est l'auteur.

Ainsi la Sainte Vierge confesse que Dieu lui fait choses très grandes, mais ce n'est que pour s'en humilier et magnifier Dieu : « Mon âme, dit-elle, magnifie le Seigneur, parce qu'il m'a fait choses grandes. »

Nous disons maintes fois que nous ne sommes rien, que nous sommes la misère même et l'ordure du monde ; mais nous serions bien marris qu'on nous prît au mot et que l'on nous publiât tels que nous disons.

Au contraire, nous faisons semblant de fuir et de nous cacher, afin qu'on nous coure après et qu'on nous cherche; nous faisons contenance de vouloir être les derniers et assis au bas bout de la table, mais c'est afin de passer plus avantageusement au haut bout.

La vraie humilité ne fait pas semblant de l'être et ne dit guère de paroles d'humilité, car elle ne désire pas seulement de cacher les autres vertus, mais encore et principalement elle souhaite de se cacher soi-même; et s'il lui était loisible de mentir, de feindre, ou de scandaliser le prochain, elle produirait des actions d'arrogance et de fierté, afin de se recéler sous icelles et y vivre du tout inconnue et à couvert.

Voici donc mon avis, Philothée : ou ne disons point de paroles d'humilité, ou disons-les avec un vrai sentiment intérieur, conforme à ce que nous prononçons extérieurement n'abaissons jamais les yeux qu'en humiliant nos coeurs; ne faisons pas semblant de vouloir être des derniers, que de bon coeur nous ne voulussions l'être.

Or, je tiens cette règle si générale que je n'y apporte nulle exception: seulement j'ajoute que la civilité requiert que nous présentions quelquefois l'avantage à ceux qui manifestement ne le prendront pas, et ce n'est pourtant pas ni duplicité, ni fausse humilité; car alors la seule offre de l'avantage est un commencement d'honneur, et puisqu'on ne peut le leur donner entier, on ne fait pas mal de leur en donner le commencement.

J'en dis de même de quelques paroles d'honneur ou de respect qui, à la rigueur, ne semblent pas véritables; car elles le sont néanmoins assez, pourvu que le coeur de celui qui les prononce ait une vraie intention d'honorer et respecter celui pour lequel il les dit; car encore que les mots signifient avec quelque excès ce que nous disons, nous ne faisons pas mal de les employer quand l'usage commun le requiert.

Il est vrai qu'encore voudrais-je que les paroles fussent ajustées à nos affections au plus près qu'il nous serait possible, pour suivre en tout et partout la simplicité et candeur cordiale.

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CHAPITRE V

DE L'HUMILITÉ PLUS INTÉRIEURE


L'homme vraiment humble aimerait mieux qu'un autre dît de lui qu'il est misérable, qu'il n'est rien, qu'il ne vaut rien, que non pas de le dire lui-même: au moins, s'il sait qu'on le dit, il ne contredit point, mais acquiesce de bon coeur; car croyant fermement cela, il est bien aise qu'on suive son opinion.

Plusieurs disent qu'ils laissent l'oraison mentale pour les parfaits, et qu'eux ne sont pas dignes de la faire; les autres protestent qu'ils n'osent pas souvent communier, parce qu'ils ne se sentent pas assez purs.

Les autres, qu'ils craignent de faire honte à la dévotion s'ils s'en mêlent, à cause de leur grande misère et fragilité ; et les autres refusent d'employer leur talent au service de Dieu et du prochain parce, disent-ils, qu'ils connaissent leur faiblesse et qu'ils ont peur de s'enorgueillir s'ils sont instruments de quelque bien, et qu'en éclairant les autres ils se consument.

Tout cela n'est qu'artifice et une sorte d'humilité non seulement fausse, mais maligne, par laquelle on veut tacitement et subtilement blâmer les choses de Dieu, ou au fin moins, couvrir d'un prétexte d'humilité l'amour propre de son opinion, de son humeur et de sa paresse.

« Demande à Dieu un signe au ciel d'en haut ou au profond de la mer en bas, » dit le Prophète au malheureux Achaz, et il répondit :

« Non, je ne le demanderai point, et ne tenterai point le Seigneur. » O le méchant! il fait semblant de porter grande révérence à Dieu, et sous couleur d'humilité s'excuse d'aspirer à la grâce de laquelle sa divine Bonté lui fait semonce.

Mais ne voit-il pas que, quand Dieu nous veut gratifier, c'est orgueil de refuser ? que les dons de Dieu nous obligent à les recevoir, et que c'est humilité d'obéir et suivre au plus près que nous pouvons ses désirs?

Or, le désir de Dieu est que nous soyons parfaits, nous unissant à lui et limitant au plus près que nous pouvons.

Le superbe qui se fie en soi-même a bien occasion de n'oser rien entreprendre; mais l'humble est d'autant plus courageux qu'il se reconnaît plus impuissant : et à mesure qu'il s'estime chétif il devient plus hardi parce qu'il a toute sa confiance en Dieu, qui se plaît à magnifier sa toute-puissance en notre infirmité, et élever sa Miséricorde sur notre misère.

Il faut donc humblement et saintement oser tout ce qui est jugé propre à notre avancement par ceux qui conduisent nos âmes.

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CHAPITRE V

DE L'HUMILITÉ PLUS INTÉRIEURE


Penser savoir ce qu'on ne sait pas, c'est une sottise expresse ; vouloir faire le savant de ce qu'on connaît bien que l'on ne sait pas, c'est une vanité insupportable : pour moi, je ne voudrais pas même faire le savant de ce que je saurais, comme au contraire je n'en voudrais non plus faire l'ignorant.

Quand la charité le requiert, il faut communiquer rondement et doucement avec le prochain, non seulement ce qui lui est nécessaire pour son instruction, mais aussi ce qui lui est utile pour sa consolation; car l'humilité qui cache et couvre les vertus pour les conserver, les fait néanmoins paraître quand la charité le commande, pour les accroître, agrandir et perfectionner.

En quoi elle ressemble à cet arbre des îles de Tylos, lequel la nuit resserre et tient closes ses belles fleurs incarnates et ne les ouvre qu'au soleil levant, de sorte que les habitants du pays disent que ces fleurs dorment de nuit.

Car ainsi lhumilité couvre et cache toutes nos vertus et perfections humaines, et ne les fait jamais paraître que pour la charité, qui étant une vertu non point humaine mais céleste, non point morale mais divine, elle est le vrai soleil des vertus, sur lesquelles elle doit toujours dominer : si que les humilités qui préjudicient à la charité sont indubitablement fausses.

Je ne voudrais ni faire du fol ni faire du sage: car si l'humilité m'empêche de faire le sage, la simplicité et rondeur m'empêcheront aussi de faire le fol; et si la vanité est contraire à l'humilité, l'artifice, l'afféterie et feintise est contraire à la rondeur et simplicité.

Que si quelques grands serviteurs de Dieu ont fait semblant d'être fols pour se rendre plus abjects devant le monde, il les faut admirer et non pas imiter ; car ils ont eu des motifs pour passer à cet excès, qui leur ont été si particuliers et extraordinaires, que personne n'en doit tirer aucune conséquence pour soi.

Et quant à David, s'il dansa et sauta un peu plus que l'ordinaire bienséance ne requérait devant l'arche de l'alliance, ce n'était pas qu'il voulût faire le fol; mais tout simplement et sans artifice, il faisait ces mouvements extérieurs conformes à l'extraordinaire et démesurée allégresse quil sentait en son coeur.

Il est vrai que quand Michol, sa femme, lui en fit reproche comme d'une folie, il ne fut pas marri de se voir avili : ains persévérant en la naïve et véritable représentation de sa joie, il témoigna d'être bien aise de recevoir un peu d'opprobre pour son Dieu.

En suite de quoi je vous dirai que si pour les actions d'une vraie et naïve dévotion, on vous estime vile, abjecte ou folle, l'humilité vous fera réjouir de ce bienheureux opprobre, duquel la cause n'est pas en vous, mais en ceux qui le font.

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CHAPITRE VI

QUE L'HUMILITÉ NOUS FAIT AIMER NOTRE PROPRE ABJECTION


Je passe plus avant et vous dis, Philothée, qu'en tout et partout vous aimiez votre propre abjection. Mais, ce me direz-vous, que veut dire cela : aimez votre propre abjection ? En latin abjection veut dire humilité, et humilité veut dire abjection ; si que, quand Notre Dame en son sacré cantique dit que, « parce que Notre Seigneur a vu l'humilité de sa servante toutes les générations la diront bienheureuse », elle veut dire que Notre Seigneur a regardé de bon coeur son abjection, vileté et bassesse, pour la combler de grâces et faveurs.

Il y a néanmoins différence entre la vertu d'humilité et l'abjection; car l'abjection, c'est la petitesse, bassesse et vileté qui est en nous, sans que nous y pensions; mais quant à la vertu d'humilité, c'est la véritable connaissance et volontaire reconnaissance de notre abjection.

Or, le haut point de cette humilité gît à non seulement reconnaître volontairement notre abjection, mais l'aimer et s'y complaire, et non point par manquement de courage et générosité, mais pour exalter tant plus la divine Majesté, et estimer beaucoup plus le prochain en comparaison de nous-mêmes.

Et c'est cela à quoi je vous exhorte, et que pour mieux entendre, sachez qu'entre les maux que nous souffrons, les uns sont abjects et les autres honorables; plusieurs s'accommodent aux honorables, mais presque nul ne veut s'accommoder aux abjects.

Voyez un dévotieux ermite tout déchiré et plein de froid : chacun honore son habit gâté, avec compassion de sa souffrance ; mais si un pauvre artisan, un pauvre gentilhomme, une pauvre damoiselle en est de même, on l'en méprise, on s'en moque, et voilà comme sa pauvreté est abjecte.

Un religieux reçoit dévotement une âpre censure de son supérieur, ou un enfant de son père : chacun appellera cette mortification, obédience et sagesse; un chevalier et une dame en souffrira de même de quelqu'un, et quoique ce soit pour l'amour de Dieu, chacun l'appellera couardise et lâcheté: voilà donc encore un autre mal abject.

Une personne a un chancre au bras, et l'autre la au visage: celui-là n'a que le mal, mais cestui-ci, avec le mal, a le mépris, le dédain et l'abjection. Or, je dis maintenant quil ne faut pas seulement aimer le mal, ce qui se fait par la vertu de la patience; mais il faut aussi chérir l'abjection, ce qui se fait par la vertu de l'humilité.

De plus, il y a des vertus abjectes et des vertus honorables : la patience, la douceur, la simplicité et l'humilité même sont des vertus que les mondains tiennent pour viles et abjectes; au contraire, ils estiment beaucoup la prudence, la vaillance et la libéralité. Il y a encore des actions d'une même vertu, dont les unes sont méprisées et les autres honorées; donner l'aumône et pardonner les offenses sont deux actions de charité : la première est honorée d'un chacun, et l'autre méprisée aux yeux du monde.

Un jeune gentilhomme ou une jeune dame qui ne s'abandonnera pas au dérèglement d'une troupe débauchée, à parler, jouer, danser, boire, vêtir, sera brocardé et censuré par les autres, et sa modestie sera nommée ou bigoterie ou afféterie : aimer cela, c'est aimer son abjection. En voici d'une autre sorte : nous allons visiter les malades; si on m'envoie au plus misérable, ce me sera une abjection selon le monde, c'est pourquoi je l'aimerai; si on m'envoie à ceux de qualité, c'est une abjection selon l'esprit, car il n'y a pas tant de vertu ni de mérite, et j'aimerai donc cette abjection. Tombant emmi la rue, outre le mal l'on en reçoit de la honte;

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MessageSujet: Re: Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales   Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales - Page 2 EmptyLun 6 Nov - 19:08

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CHAPITRE VI

QUE L'HUMILITÉ NOUS FAIT AIMER NOTRE PROPRE ABJECTION


il faut aimer cette abjection. Il y a même des fautes es-quelles il n'y a aucun mal que la seule abjection; et l'humilité ne requiert pas qu'on les fasse expressément, mais elle requiert bien qu'on ne s'inquiète point quand on les aura commises : telles sont certaines sottises, incivilités et inadvertances, lesquelles comme il faut éviter avant quelles soient faites, pour obéir à la civilité et prudence, aussi faut-il quand elles sont faites, acquiescer à l'abjection qui nous en revient, et l'accepter de bon coeur pour suivre la sainte humilité.

Je dis bien davantage: si je me suis déréglé par colère ou par dissolution à dire des paroles indécentes et desquelles Dieu et le prochain est offensé, je me repentirai vivement et serai extrêmement marri de l'offense, laquelle je m'essaierai de réparer le mieux qu'il me sera possible ;

mais je ne laisserai pas d'agréer l'abjection et le mépris qui m'en arrive; et si l'un se pouvait séparer d'avec l'autre, je rejetterais ardemment le péché et garderais humblement l'abjection.

Mais quoique nous aimions l'abjection qui s'ensuit du mal, si ne faut-il pas laisser de remédier au mal qui la causée, par des moyens propres et légitimes, et surtout quand le mal est de conséquence. Si j'ai quelque mal abject au visage, j'en procurerai la guérison, mais non pas que l'on oublie l'abjection laquelle j'en ai reçue.

Si j'ai fait une chose qui n'offense personne, je ne m'en excuserai pas, parce qu'encore que ce soit un défaut, si est-ce qu'il n'est pas permanent; je ne pourrais donc m'en excuser que pour l'abjection qui m'en revient; or c'est cela que l'humilité ne peut permettre :

mais si par mégarde ou par sottise j'ai offensé ou scandalisé quelqu'un, je réparerai l'offense par quelque véritable excuse, d'autant que le mal est permanent et que la charité m'oblige de l'effacer.

Au demeurant, il arrive quelquefois que la charité requiert que nous remédiions à l'abjection pour le bien du prochain, auquel notre réputation est nécessaire ; mais en ce cas-là, ôtant notre abjection de devant les yeux du prochain pour empêcher son scandale, il la faut serrer et cacher dedans notre coeur afin qu'il s'en édifie.

Mais vous voulez savoir, Philothée, quelles sont les meilleures abjections; et je vous dis clairement que les plus profitables à l'âme et agréables à Dieu sont celles que nous avons par accident ou par la condition de notre vie, parce que nous ne les avons pas choisies, ainsi les avons reçues telles que Dieu nous les a envoyées, duquel l'élection est toujours meilleure que la nôtre.

Que s'il en fallait choisir, les plus grandes sont les meilleures; et celles-là sont estimées les plus grandes qui sont plus contraires à nos inclinations, pourvu qu'elles soient conformes à notre vacation; car, pour le dire une fois pour toutes, notre choix et élection gâte et amoindrit presque toutes nos vertus.

Ah! qui nous fera la grâce de pouvoir dire avec ce grand roi : « J'ai choisi d'être abject en la maison de Dieu plutôt que d'habiter ès tabernacles des pécheurs ? »

Nul ne le peut, chère Philothée, que Celui qui pour nous exalter, vécut et mourut en sorte qu'il fut « l'opprobre des hommes et l'abjection du peuple ».

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MessageSujet: Re: Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales   Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales - Page 2 EmptyMar 7 Nov - 17:39

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CHAPITRE VI
QUE L'HUMILITÉ NOUS FAIT AIMER NOTRE PROPRE ABJECTION


Je vous ai dit beaucoup de choses qui vous sembleront dures quand vous les considérerez; mais croyez-moi, elles seront plus douces que le sucre et le miel quand vous les pratiquerez.

CHAPITRE VII
COMME IL FAUT CONSERVER LA BONNE RENOMMÉE PRATIQUANT L'HUMILITÉ


La louange, l'honneur et la gloire ne se donnent pas aux hommes pour une simple vertu, mais pour une vertu excellente. Car par la louange nous voulons persuader aux autres d'estimer l'excellence de quelqu'un; par l'honneur nous protestons que nous l'estimons nous-mêmes; et la gloire nest autre chose, à mon avis, qu'un certain éclat de réputation qui rejaillit de l'assemblage de plusieurs louanges et honneurs :

si que les honneurs et louanges sont comme des pierres précieuses, de l'amas desquelles réussit la gloire comme un émail.

Or, l'humilité ne pouvant souffrir que nous ayons aucune opinion d'exceller ou devoir être préférés aux autres, ne peut aussi permettre que nous recherchions la louange, l'honneur ni la gloire qui sont dus à la seule excellence.

Elle consent bien néanmoins à l'avertissement du Sage, qui nous admoneste « davoir soin de notre renommée », parce que la bonne renommée est une estime, non d'aucune excellence, mais seulement d'une simple et commune prudhomie et intégrité de vie, laquelle l'humilité n'empêche pas que nous ne reconnaissions en nous-mêmes, ni par conséquent que nous en désirions la réputation.

Il est vrai que l'humilité mépriserait la renommée si la charité n'en avait besoin; mais parce qu'elle est l'un des fondements de la société humaine, et que sans elle nous sommes non seulement inutiles mais dommageables au public, à cause du scandale qu'il en reçoit, la charité requiert et l'humilité agrée que nous la désirions et conservions précieusement.

Outre cela, comme les feuilles des arbres, qui d'elles-mêmes ne sont pas beaucoup prisables, servent néanmoins de beaucoup, non seulement pour les embellir, mais aussi pour conserver les fruits tandis qu'ils sont encore tendres; ainsi la bonne renommée, qui de soi-même n'est pas une chose fort désirable, ne laisse pas d'être très utile, non seulement pour l'ornement de notre vie, mais aussi pour la conservation de nos vertus, et principalement des vertus encore tendres et faibles : l'obligation de maintenir notre réputation et d'être tels que l'on nous estime, force un courage généreux, d'une puissante et douce violence.

Conservons nos vertus, ma chère Philothée, parce qu'elles sont agréables à Dieu, grand et souverain objet de toutes nos actions; mais comme ceux qui veulent garder les fruits ne se contentent pas de les confire, ains les mettent dedans des vases propres à la conservation diceux, de même, bien que l'amour divin soit le principal conservateur de nos vertus, si est-ce que nous pouvons encore employer la bonne renommée comme fort propre et utile à cela.

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MessageSujet: Re: Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales   Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales - Page 2 EmptyMer 8 Nov - 18:05

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CHAPITRE VII

COMME IL FAUT CONSERVER LA BONNE RENOMMÉE PRATIQUANT L'HUMILITÉ


Il ne faut pas pourtant que nous soyons trop ardents, exacts et pointilleux à cette conservation, car ceux qui sont si douillets et sensibles pour leur réputation ressemblent à ceux qui pour toutes sortes de petites incommodités prennent des médecines : car ceux-ci, pensant conserver leur santé la gâtent tout à fait, et ceux-là, voulant maintenir si délicatement leur réputation, la gâtent entièrement ; car par cette tendreté ils se rendent bizarres, mutins, insupportables, et provoquent la malice des médisants.

La dissimulation et mépris de l'injure et calomnie est pour l'ordinaire un remède beaucoup plus salutaire que le ressentiment, la conteste et la vengeance : le mépris les fait évanouir; si on s'en courrouce, il semble qu'on les avoue. Les crocodiles n'endommagent que ceux qui les craignent, ni certes la médisance, sinon ceux qui s'en mettent en peine.

La crainte excessive de perdre la renommée témoigne une grande défiance du fondement dicelle, qui est la vérité d'une bonne vie. Les villes qui ont des ponts de bois sur des grands fleuves craignent qu'ils ne soient emportés à toutes sortes de débordements; mais celles qui les ont de pierre n'en sont en peine que pour des inondations extraordinaires: ains, ceux qui ont une âme solidement chrétienne méprisent ordinairement les débordements des langues injurieuses; mais ceux qui se sentent faibles s'inquiètent à tout propos.

Certes, Philothée, qui veut avoir réputation envers tous, la perd envers tous; et celui qui mérite de perdre l'honneur, qui le veut prendre de ceux que les vices rendent vraiment infâmes et déshonorés.

La réputation n'est que comme une enseigne qui fait connaître où la vertu loge; la vertu doit donc être en tout et partout préférée. C'est pourquoi, si l'on dit : vous êtes un hypocrite, parce que vous vous rangez à la dévotion ; si l'on vous tient pour homme de bas courage parce que vous avez pardonné l'injure, moquez-vous de tout cela.

Car, outre que tels jugements se font par des niaises et sottes gens, quand on devrait perdre la renommée, si ne faudrait-il pas quitter la vertu ni se détourner du chemin dicelle, d'autant qu'il faut préférer le fruit aux feuilles, c'est-à-dire le bien intérieur et spirituel à tous les biens extérieurs.

Il faut être jaloux, mais non pas idolâtres de notre renommée; et comme il ne faut offenser l'oeil des bons, aussi ne faut-il pas vouloir contenter celui des malins. La barbe est un ornement au visage de l'homme, et les cheveux à celui de la femme: si on arrache du tout le poil du menton et les cheveux de la tête, malaisément pourra-t-il jamais revenir; mais si on le coupe seulement, voire, qu'on le rase, il recroîtra bientôt après et reviendra plus fort et touffu.

Ainsi, bien que la renommée soit coupée, ou même tout à fait rasée par la langue des médisants, « qui est, dit David, comme un rasoir affilé », il ne se faut point inquiéter, car bientôt elle renaîtra non seulement aussi belle qu'elle était, ains encore plus solide.

Mais si nos vices, nos lâchetés, notre mauvaise vie nous ôte la réputation, il sera malaisé que jamais elle revienne, parce que la racine en est arrachée. Or, la racine de la renommée, c'est la bonté et la probité, laquelle tandis qu'elle est en nous peut toujours reproduire l'honneur qui lui est dû.

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MessageSujet: Re: Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales   Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales - Page 2 EmptyJeu 9 Nov - 18:09

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CHAPITRE VII

COMME IL FAUT CONSERVER LA BONNE RENOMMÉE PRATIQUANT L'HUMILITÉ


Il faut quitter cette vaine conversation, cette inutile pratique, cette amitié frivole, cette hantise folâtre, si cela nuit à la renommée, car la renommée vaut mieux que toutes sortes de vains contentements.

Mais si pour l'exercice de piété, pour l'avancement au bien en la dévotion et acheminement éternel on murmure, on gronde, on calomnie, laissons aboyer les mâtins contre la lune; car s'ils peuvent exciter quelque mauvaise opinion contre notre réputation, et par ainsi couper et raser les cheveux et la barbe de notre renommée, bientôt elle renaîtra, et le rasoir de la médisance servira à notre honneur, comme la serpe à la vigne, qu'elle fait abonder et multiplier en fruits.

Ayons toujours les yeux sur Jésus-Christ crucifié; marchons en son service avec confiance et simplicité, mais sagement et discrètement : il sera le protecteur de notre renommée, et s'il permet qu'elle nous soit ôtée, ce sera pour nous en rendre une meilleure, ou pour nous faire profiter en la sainte humilité, de laquelle une seule once vaut mieux que mille livres d'honneur.

Si on nous blâme injustement, opposons paisiblement la vérité à la calomnie; si elle persévère, persévérons à nous humilier: remettant ainsi notre réputation avec notre âme ès mains de Dieu, nous ne saurions la mieux assurer.

Servons Dieu «par la bonne et mauvaise renommée », à l'exemple de saint Paul, afin que nous puissions dire avec David:

« O mon Dieu, c'est pour vous que j ai supporté l'opprobre et que la confusion a couvert mon visage ». J'excepte néanmoins certains crimes si atroces et infâmes, que nul n'en doit souffrir la calomnie quand il se peut justement décharger, et certaines personnes de la bonne réputation desquelles dépend l'édification de plusieurs; car en ce cas, il faut tranquillement poursuivre la réparation du tort reçu, suivant l'avis des théologiens.

CHAPITRE VIII

DE LA DOUCEUR ENVERS LE PROCHAIN ET REMÈDE CONTRE LIRE


Le saint chrême, duquel par tradition apostolique on use en lEglise de Dieu pour les confirmations et bénédictions, est composé dhuile dolive mêlée avec le baume, qui représente entre autres choses les deux chères et bien aimées vertus qui reluisaient en la sacrée personne de Notre-Seigneur, lesquelles il nous a singulièrement recommandées, comme si par icelles notre coeur devait être spécialement consacré à son service et appliqué à son imitation:

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MessageSujet: Re: Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales   Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales - Page 2 EmptyVen 10 Nov - 17:16

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CHAPITRE VIII

DE LA DOUCEUR ENVERS LE PROCHAIN ET REMÈDE CONTRE LIRE


Le saint chrême, duquel par tradition apostolique on use en lEglise de Dieu pour les confirmations et bénédictions, est composé dhuile dolive mêlée avec le baume, qui représente entre autres choses les deux chères et bien aimées vertus qui reluisaient en la sacrée personne de Notre-Seigneur, lesquelles il nous a singulièrement recommandées, comme si par icelles notre coeur devait être spécialement consacré à son service et appliqué à son imitation:

« Apprenez de moi, dit~il, que je suis doux et humble de coeur. L'humilité nous perfectionne envers Dieu, et la douceur envers le prochain.

Le baume (qui, comme j'ai dit ci-dessus, prend toujours le dessous parmi toutes les liqueurs) représente l'humilité, et l'huile d'olive, qui prend toujours le dessus, représente la douceur et débonnaireté, laquelle surmonte toutes choses et excelle entre les vertus comme étant la fleur de la charité laquelle, selon saint Bernard, est en sa perfection quand non seulement elle est patiente, mais quand outre cela elle est douce et débonnaire.

Mais prenez garde, Philothée, que ce chrême mystique composé de douceur et d'humilité soit dedans votre coeur; car c'est un des grands artifices de l'ennemi de faire que plusieurs s'amusent aux paroles et contenances extérieures de ces deux vertus, qui n'examinant pas bien leurs affections intérieures, pensent être humbles et doux et ne le sont néanmoins nullement en effet; ce que l'on reconnaît parce que, nonobstant leur cérémonieuse douceur et humilité, à la moindre parole qu'on leur dit de travers, à la moindre petite injure qu'ils reçoivent, ils s'élèvent avec une arrogance non pareille.

On dit que ceux qui ont pris le préservatif que l'on appelle communément la grâce de saint Paul, n'enflent point étant mordus et piqués de la vipère, pourvu que la grâce soit de la fine: de même, quand l'humilité et la douceur sont bonnes et vraies, elles nous garantissent de l'enflure et ardeur que les injures ont accoutumé de provoquer en nos coeurs.

Que si étant piqués et mordus par les médisants et ennemis nous devenons fiers, enflés et dépités, c'est signe que nos humilités et douleurs ne sont pas véritables et franches, mais artificieuses et apparentes.

Ce saint et illustre patriarche Joseph, renvoyant ses frères d'Egypte en la maison de son père, leur donna ce seul avis :

« Ne vous courroucez point en chemin. » Je vous en dis de même, Philothée cette misérable vie n'est qu'un acheminement à la bienheureuse; ne nous courrouçons donc point en chemin les uns avec les autres, marchons avec la troupe de nos frères et compagnons doucement, paisiblement et amiablement.

Mais je vous dis nettement et sans exception, ne vous courroucez point du tout, s'il est possible, et ne recevez aucun prétexte quel qu'il soit pour ouvrir la porte de votre coeur au courroux; car saint Joseph dit tout court et sans réserve, que « lire de l'homme n'opère point la justice de Dieu »

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CHAPITRE VIII

DE LA DOUCEUR ENVERS LE PROCHAIN ET REMÈDE CONTRE L'IRE


Il faut voirement résister au mal et réprimer les vices de ceux que nous avons en charge, constamment et vaillamment, mais doucement et paisiblement. Rien ne mate tant l'éléphant courroucé que la vue d'un agnelet, et rien ne rompt si aisément la force des canonnades que la laine.

On ne prise pas tant la correction qui sort de la passion, quoiqu'accompagnée de raison, que celle qui n'a aucune autre origine que la raison seule : car l'âme raisonnable étant naturellement sujette à la raison, elle n'est sujette à la passion que par tyrannie; et partant, quand la raison est accompagnée de la passion, elle se rend odieuse, sa juste domination étant avilie par la société de la tyrannie.

Les princes honorent et consolent infiniment les peuples quand ils les visitent avec un train de paix; mais quand ils conduisent des armées, quoique ce soit pour le bien public, leurs venues sont toujours désagréables et dommageables, parce qu'encore qu'ils fassent exactement observer la discipline militaire entre les soldats, si ne peuvent-ils jamais tant faire qu'il n'arrive toujours quelque désordre par lequel le bon homme est foulé.

Ainsi, tandis que la raison règne et exerce paisiblement les châtiments, corrections et répréhensions, quoique ce soit rigoureusement et exactement, chacun l'aime et l'approuve, mais quand elle conduit avec soi lire, la colère et le courroux, qui sont, dit saint Augustin, ses soldats, elle se rend plus effroyable qu'amiable, et son propre coeur en demeure toujours foulé et maltraité.

« Il est mieux, dit le même saint Augustin écrivant à Profuturus, de refuser l'entrée à lire juste et équitable que de la recevoir, pour petite qu'elle soit, parce quétant reçue, il est malaisé de la faire sortir, d'autant qu'elle entre comme un petit surgeon, et en moins de rien elle grossit et devient une poutre.

Que si une fois elle peut gagner la nuit et que le soleil se couche sur notre ire (ce que lApôtre défend), se convertissant en haine, il n'y a quasi plus moyen de s'en défaire; car elle se nourrit de mille fausses persuasions, puisque jamais nul homme courroucé ne pensa son courroux être injuste.

Il est donc mieux d'entreprendre de savoir vivre sans colère que de vouloir user modérément et sagement de la colère, et quand par imperfection et faiblesse nous nous trouvons surpris dicelle, il est mieux de la repousser vitement que de vouloir marchander avec elle ; car pour peu qu'on lui donne de loisir, elle se rend maîtresse de la place et fait comme le serpent, qui tire aisément tout son corps où il peut mettre la tête.

Mais comment la repousserai-je, me direz-vous ? Il faut, ma Philothée, qu'au premier ressentiment que vous en aurez, vous ramassiez promptement vos forces, non point brusquement ni impétueusement, mais doucement et néanmoins sérieusement; car, comme on voit ès audiences de plusieurs sénats et parlements, que les huissiers criant « Paix là ! » font plus de bruit que ceux qu'ils veulent faire taire, aussi il arrive maintes fois que voulant avec impétuosité réprimer notre colère, nous excitons plus de trouble en notre coeur qu'elle n'avait pas fait, et le coeur étant ainsi troublé ne peut plus être maître de soi-même.

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MessageSujet: Re: Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales   Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales - Page 2 EmptyDim 12 Nov - 17:08

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CHAPITRE VIII

DE LA DOUCEUR ENVERS LE PROCHAIN ET REMÈDE CONTRE L'IRE


Après ce doux effort, pratiquez l'avis que saint Augustin,... donnait au jeune évêque Auxilius: «Fais, dit-il, ce qu'un homme doit faire; que s'il t'arrive ce que l'homme de Dieu dit au psaume : Mon oeil est troublé de grande colère, recours à Dieu, criant : Aie Miséricorde de moi, Seigneur, afin qu'il étende sa dextre pour réprimer ton courroux. »

Je veux dire qu'il faut invoquer le secours de Dieu quand nous nous voyons agités de colère, à l'imitation des Apôtres tourmentés du vent et de lorage emmi les eaux; car il commandera à nos passions qu'elles cessent, et la tranquillité se fera grande. Mais toujours je vous avertis que l'oraison qui se fait contre la colère présente et pressante doit être pratiquée doucement, tranquillement, et non point violemment; ce qu'il faut observer en tous les remèdes qu'on use contre ce mal.

Avec cela, soudain que vous vous apercevrez avoir fait quelque acte de colère, réparez la faute par un acte de douceur, exercé promptement à l'endroit de la même personne contre laquelle vous vous serez irritée. Car tout ainsi que cest un souverain remède contre le mensonge que de s'en dédire sur le champ, aussitôt que l'on s'aperçoit de l'avoir dit, ains est-ce un bon remède contre la colère de la réparer soudainement par un acte contraire de douceur; car, comme l'on dit, les plaies fraîches sont plus aisément remédiables.

Au surplus, lorsque vous êtes en tranquillité et sans aucun sujet de colère, faites grande provision de douceur et débonnaireté, disant toutes vos paroles et faisant toutes vos actions petites et grandes en la plus douce façon qu'il vous sera possible, vous ressouvenant que l'Epouse au Cantique des Cantiques, n'a pas seulement le miel en ses lèvres et au bout de sa langue, mais elle la encore dessous la langue, c'est-à-dire dans la poitrine ; et ny' a pas seulement du miel, mais encore du lait; car aussi ne faut-il pas seulement avoir la parole douce à l'endroit du prochain, mais encore toute la poitrine, c'est-à-dire tout l'intérieur de notre âme.

Et ne faut pas seulement avoir la douceur du miel, qui est aromatique et odorant, c'est-à-dire la suavité de la conversation civile avec les étrangers, mais aussi la douceur du lait entre les domestiques et proches voisins : en quoi manquent grandement ceux qui en rue semblent des anges, et en la maison, des diables.

CHAPITRE IX

DE LA DOUCEUR ENVERS NOUS-MÊMES


L'une des bonnes pratiques que nous saurions faire de la douceur, c'est celle de laquelle le sujet est en nous-mêmes, ne dépitant jamais contre nous-mêmes ni contre nos imperfections; car encore que la raison veut que quand nous faisons des fautes nous en soyons déplaisants et marris, si faut-il néanmoins que nous nous empêchions d'en avoir une déplaisance aigre et chagrine, dépiteuse et colère.

En quoi font une grande faute plusieurs qui, s'étant mis en colère, se courroucent de s'être courroucés, entrent en chagrin de sêtre chagrinés, et ont dépit de s'être dépités; car par ce moyen ils tiennent leur coeur confit et détrempé en la colère: et si bien il semble que la seconde colère ruine la première, si est-ce néanmoins qu'elle sert d'ouverture et de passage pour une nouvelle colère, à la première occasion qui s'en présentera ; outre que ces colères, dépits et aigreurs que l'on a contre soi-même tendent à l'orgueil et n'ont origine que de l'amour-propre, qui se trouble et s'inquiète de nous voir imparfaits.

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CHAPITRE IX

DE LA DOUCEUR ENVERS NOUS-MÊMES


Il faut donc avoir un déplaisir de nos fautes qui soit paisible, rassis et ferme; car comme un juge châtie bien mieux les méchants faisant ses sentences par raison et en esprit de tranquillité, que non pas quand il les fait par impétuosité et passion, d'autant que jugeant avec passion, il ne châtie pas les fautes selon quelles sont, mais selon qu'il est lui-même.

Ainsi nous nous châtions bien mieux nous-mêmes par des repentances tranquilles et constantes, que non pas par des repentances aigres, empressées et colères, d'autant que ces repentances faites avec impétuosité ne se font pas selon la gravité de nos fautes, mais selon nos inclinations.

Par exemple, celui qui affectionne la chasteté se dépitera avec une amertume nonpareille de la moindre faute qu'il commettra contre icelle, et ne se fera que rire dune grosse médisance qu'il aura commise.

Au contraire, celui qui hait la médisance se tourmentera d'avoir fait une légère murmuration, et ne tiendra nul compte d'une grosse faute contre la chasteté, et ainsi des autres; ce qui n'arrive pour autre chose, sinon d'autant qu'ils ne font pas le jugement de leur conscience par raison, mais par passion.

Croyez-moi, Philothée: comme les remontrances d'un père faites doucement et cordialement, ont bien plus de pouvoir sur un enfant pour le coriiger que non par les colères et courroux; ainsi, quand notre coeur aura fait quelque faute, si nous le reprenons avec des remontrances douces et tranquilles, ayant plus de compassion de lui que de passion contre lui, l'encourageant à l'amendement, la repentance qu'il en concevra entrera bien plus avant et le pénétrera mieux que ne ferait pas une repentance dépiteuse, ireuse et tempétueuse.

Pour moi, si j avais par exemple grande affection de ne point tomber au vice de la vanité, et que j'y fusse néanmoins tombé d'une grande chute, je ne voudrais pas reprendre mon coeur en cette sorte :

« Nes-tu pas misérable et abominable, qu'après tant de résolutions tu t'es laissé emporter à la vanité ? meurs de honte, ne lève plus les yeux au ciel, aveugle, impudent, traître et déloyal à ton Dieu », et semblables choses; mais je voudrais le corriger raisonnablement et par voie de compassion :

« Or sus! mon pauvre coeur, nous voilà tombés dans la fosse, laquelle nous avions tant résolu d'échapper; ah! relevons-nous et quittons-la pour jamais, réclamons la Miséricorde de Dieu et espérons en elle qu'elle nous assistera pour désormais être plus fermes, et remettons-nous au chemin de l'humilité; courage! soyons meshui sur nos gardes, Dieu nous aidera, nous ferons prou ».

Et voudrais sur cette répréhension bâtir une solide et ferme résolution de ne plus tomber en la faute, prenant les moyens convenables à cela, et mêmement l'avis de mon directeur.

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CHAPITRE IX

DE LA DOUCEUR ENVERS NOUS-MÊMES


Que si néanmoins quelqu'un ne trouve pas que son coeur puisse être assez ému par cette douce correction, il pourra employer le reproche avec une répréhension dure et forte pour l'exciter à une profonde confusion, pourvu qu'après avoir rudement gourmandé et courroucé son coeur, il finisse par un allégement, terminant tout son regret et courroux en une douce et sainte confiance en Dieu, à l'imitation de ce grand pénitent qui voyant son âme affligée la relevait en cette sorte :
« Pourquoi es-tu triste, o mon âme, et pourquoi me troubles-tu ? Espère en Dieu, car je le bénirai encore comme le salut de ma face et mon vrai Dieu. »

Relevez donc votre coeur quand il tombera, tout doucement, vous humiliant beaucoup devant Dieu pour la connaissance de votre misère, sans nullement vous étonner de votre chute, puisque ce n'est pas chose admirable que l'infirmité soit infirme, et la faiblesse faible, et la misère chétive.

Détestez néanmoins de toutes vos forces loffense que Dieu a reçue de vous, et avec un grand courage et confiance en la Miséricorde dicelui, remettez-vous au train de la vertu que vous aviez abandonnée.

CHAPITRE X

QU'IL FAUT TRAITER DES AFFAIRES AVEC SOIN ET SANS EMPRESSEMENT NI SOUCI


Le soin et la diligence que nous devons avoir en nos affaires sont choses bien différentes de la sollicitude, souci et empressement.

Les anges ont soin pour notre salut et le procurent avec diligence, mais ils n'en ont point pour cela de sollicitude, souci, ni d'empressement; car le soin et la diligence appartiennent à leur charité, mais aussi la sollicitude, le souci et l'empressement seraient totalement contraires à leur félicité, puisque le soin et la diligence peuvent être accompagnés de la tranquillité et paix d'esprit, mais non pas la sollicitude ni le souci, et beaucoup moins l'empressement.

Soyez donc soigneuse et diligente en toutes les affaires que vous aurez en charge, ma Philothée, car Dieu vous les ayant confiées veut que vous en ayez un grand soin; mais s'il est possible, n'en soyez pas en sollicitude et souci, c'est-à-dire, ne les entreprenez pas avec inquiétude, anxiété et ardeur.

Ne vous empressez point à la besogne: car toute sorte d'empressement trouble la raison et le jugement, et nous empêche même de bien faire la chose à laquelle nous nous empressons.

Source : Livres-mystiques.com

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CHAPITRE X

QU'IL FAUT TRAITER DES AFFAIRES AVEC SOIN ET SANS EMPRESSEMENT NI SOUCI


Quand Notre Seigneur reprend sainte Marthe, il dit : « Marthe, Marthe, tu es en souci et tu te troubles pour beaucoup de choses. » Voyez-vous, si elle eût été simplement soigneuse, elle ne se fût point troublée; mais parce qu'elle était en souci et inquiétude, elle s'empresse et se trouble, et c'est en quoi Notre Seigneur la reprend.

Les fleuves qui vont doucement coulant en la plaine portent les grands bateaux et riches marchandises, et les pluies qui tombent doucement en la campagne la fécondent d'herbes et de graines; mais les torrents et rivières qui à grands flots courent sur la terre, ruinent leurs voisinages et sont inutiles au trafic, comme les pluies véhémentes et tempétueuses ravagent les champs et les prairies.

Jamais besogne faite avec impétuosité et empressement ne fut bien faite : il faut dépêcher tout bellement, comme dit l'ancien proverbe: « Celui qui se hâte, dit Salomon, court fortune de chopper et heurter des pieds. » Nous faisons toujours assez tôt quand nous faisons bien. Les bourdons font bien plus de bruit et sont bien plus empressés que les abeilles, mais ils ne font sinon la cire et non point de miel: ainsi ceux qui s'empressent d'un souci cuisant et d'une sollicitude bruyante, ne font jamais ni beaucoup ni bien.

Les mouches ne nous inquiètent pas par leur effort, mais par la multitude: ainsi les grandes affaires ne nous troublent pas tant comme les menues, quand elles sont en grand nombre. Recevez donc les affaires qui vous arriveront en paix, et tâchez de les faire par ordre, l'une après l'autre; car si vous les voulez faire tout à coup ou en désordre, vous ferez des efforts qui vous fouleront et alanguiront votre esprit; et pour l'ordinaire vous demeurerez accablée sous la presse, et sans effet.

Et en toutes vos affaires appuyez-vous totalement sur la providence de Dieu, par laquelle seule tous vos desseins doivent réussir; travaillez néanmoins de votre côté tout doucement pour coopérer avec icelle, et puis croyez que si vous vous êtes bien confiée en Dieu, le succès qui vous arrivera sera toujours le plus profitable pour vous, soit qu'il vous semble bon ou mauvais selon votre jugement particulier.

Faites comme les petits enfants qui de lune des mains se tiennent à leur père, et de l'autre cueillent des fraises ou des mûres le long des haies; car de même, amassant et maniant les biens de ce monde de lune de vos mains, tenez toujours de l'autre la main du Père céleste, vous retournant de temps en temps à lui, pour voir s'il a agréable votre ménage ou vos occupations. Et gardez bien sur toutes choses de quitter sa main et sa protection, pensant d'amasser ou recueillir davantage ; car s'il vous abandonne, vous ne ferez point de pas sans donner du nez en terre.

Je veux dire, ma Philothée, que quand vous serez parmi les affaires et occupations communes, qui ne requièrent pas une attention si forte et si pressante, vous regardiez plus Dieu que les affaires; et quand les affaires sont de si grande importance quelles requièrent toute votre attention pour être bien faites, de temps en temps vous regarderez à Dieu, comme font ceux qui naviguent en mer lesquels, pour aller à la terre qu'ils désirent, regardent plus en haut au ciel que non pas en bas où ils voguent. Ainsi Dieu travaillera avec vous, en vous et pour vous, et votre travail sera suivi de consolation.

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MessageSujet: Re: Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales   Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales - Page 2 EmptyJeu 16 Nov - 17:39

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CHAPITRE XI

DE L'OBÉISSANCE


La seule charité nous met en la perfection; mais l'obéissance, la chasteté et la pauvreté sont les trois grands moyens pour l'acquérir. L'obéissance consacre notre coeur, la chasteté notre corps et la pauvreté nos moyens, à l'amour et service de Dieu: ce sont les trois branches de la croix spirituelle, toutes trois néanmoins fondées sur la quatrième qui est l'humilité.

Je ne dirai rien de ces trois vertus en tant qu'elles sont vouées solennellement, parce que cela ne regarde que les religieux; ni même en tant qu'elles sont vouées simplement, d'autant qu'encore que le voeu donne toujours beaucoup de grâces et de mérite à toutes les vertus, si est-ce que pour nous rendre parfaits il n'est pas nécessaire qu'elles soient vouées, pourvu qu'elles soient observées.

Car bien qu'étant vouées, et surtout solennellement, elles mettent l'homme en état de perfection, si est-ce que pour le mettre en la perfection il suffit qu'elles soient observées, y ayant bien de la différence entre l'état de perfection et la perfection, puisque tous les évêques et religieux sont en l'état de perfection, et tous néanmoins ne sont pas en la perfection, comme il ne se voit que trop.

Tâchons donc, Philothée, de bien pratiquer ces trois vertus, un chacun selon sa vocation; car encore qu'elles ne nous mettent pas en l'état de perfection, elles nous donneront néanmoins la perfection même; aussi nous sommes tous obligés à la pratique de ces trois vertus, quoique non pas tous à les pratiquer de même façon.

Il y a deux sortes dobéissance: l'une nécessaire, et l'autre volontaire. Par la nécessaire, vous devez humblement obéir à vos supérieurs ecclésiastiques, comme au pape et à l'évêque, au curé et à ceux qui sont commis de leur part; vous devez obéir à vos supérieurs politiques, c'est-à-dire à votre prince et aux magistrats qu'il a établis sur votre pays; vous devez enfin obéir à vos supérieurs domestiques, c'est-à-dire à votre père, mère, maître, maîtresse.

Or cette obéissance s'appelle nécessaire, parce que nul ne se peut exempter du devoir d'obéir à ces supérieurs-là, Dieu les ayant mis en autorité de commander et gouverner, chacun en ce qu'ils ont en charge sur nous.

Faites donc leurs commandements, et cela est de nécessité; mais pour être parfaite, suivez encore leurs conseils et même leurs désirs et inclinations, en tant que la charité et prudence vous le permettra.

Obéissez quand ils vous ordonneront chose agréable, comme de manger, prendre de la récréation, car encore qu'il semble que ce n'est pas grande vertu d'obéir en ce cas, ce serait néanmoins un grand vice de désobéir; obéissez ès choses indifférentes, comme à porter tel ou tel habit, aller par un chemin ou par un autre, chanter ou se taire, et ce sera une obéissance déjà fort recommandable; obéissez en choses malaisées, âpres et dures, et ce sera une obéissance parfaite.

Obéissez enfin doucement, sans réplique ; promptement, sans retardation; gaîment, sans chagrin; et surtout obéissez amoureusement pour l'amour de Celui qui pour l'amour de nous et s'est fait obéissant jusques à la mort de la croix , et lequel, comme dit saint Bernard, aima mieux perdre la vie que l'obéissance.

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MessageSujet: Re: Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales   Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales - Page 2 EmptyVen 17 Nov - 19:29

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CHAPITRE XI

DE L'OBÉISSANCE


Pour apprendre aisément à obéir à vos supérieurs, condescendez aisément à la volonté de vos semblables, cédant à leurs opinions en ce qui n'est pas mauvais, sans être contentieuse ni revêche; accommodez-vous volontiers aux désirs de vos inférieurs autant que la raison le permettra, sans exercer aucune autorité impérieuse sur eux tandis qu'ils sont bons.

C'est un abus de croire que si on était religieux ou religieuse on obéirait aisément, si l'on se trouve. difficile et revêche à rendre obéissance à ceux que Dieu a mis sur nous.

Nous appelons obéissance volontaire celle à laquelle nous nous obligeons par notre propre élection, et laquelle ne nous est point imposée par autrui. On ne choisit pas pour l'ordinaire son prince et son évêque, son père et sa mère, ni même souventefois son mari, mais on choisit bien son confesseur, son directeur. Or, soit qu'en le choisissant on fasse voeu dobéir (comme il est dit que la mère Thérèse, outre lobéissance solennellement vouée au supérieur de son ordre, s'obligea par un voeu simple d'obéir au père Gracian), ou que sans voeu on se dédie à l'obéissance de quelqu'un, toujours cette obéissance s'appelle volontaire, à raison de son fondement qui dépend de notre volonté et élection.

Il faut obéir à tous les supérieurs, à chacun néanmoins en ce de quoi il a charge sur nous: comme, en ce qui regarde la police et les choses publiques, il faut obéir aux princes; aux prélats, en ce qui regarde la police ecclésiastique; ès choses domestiques, au père, au maître, an mari; quant à la conduite particulière de l'âme, au directeur et confesseur particulier.

Faites-vous ordonner les actions de piété que vous devez observer par votre père spirituel, parce qu'elles en seront meilleures et auront double grâce et bonté : l'une, d'elles-mêmes, puisqu'elles sont pieuses, et l'autre, de l'obéissance qui les aura ordonnées et en vertu de laquelle elles seront faites. Bienheureux sont les obéissants, car Dieu ne permettra jamais qu'ils ségarent.

CHAPITRE XII

DE LA NÉCESSITÉ DE LA CHASTETÉ


La chasteté est le lis des vertus, elle rend les hommes presque égaux aux anges; rien n'est beau que par la pureté et la pureté des hommes, c'est la chasteté. On appelle la chasteté honnêteté, et la profession dicelle honneur; elle est nommée intégrité, et son contraire corruption : bref, elle a sa gloire tout à part, d'être la belle et blanche vertu de l'âme et du corps.

Il n'est jamais permis de tirer aucun impudique plaisir de nos corps en quelque façon que ce soit, sinon en un légitime mariage, duquel la sainteté puisse par une juste compensation réparer le déchet que l'on reçoit en la délectation. Et encore au mariage faut-il observer l'honnêteté de l'intention, afin que s'il y a quelque messéance en la volupté qu'on exerce, il n'y ait rien que d'honnête en la volonté qui l'exerce.

Le coeur chaste est comme la mère perle qui ne peut recevoir aucune goutte d'eau qui ne vienne du ciel, car il ne peut recevoir aucun plaisir que celui du mariage, qui est ordonné du ciel; hors de là, il ne lui est pas permis seulement d'y penser, d'une pensée voluptueuse, volontaire et entretenue.

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MessageSujet: Re: Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales   Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales - Page 2 EmptySam 18 Nov - 19:48

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CHAPITRE XII

DE LA NÉCESSITÉ DE LA CHASTETÉ


Pour le premier degré de cette vertu, gardez-vous, Philothée, d'admettre aucune sorte de volupté qui soit prohibée et défendue, comme sont toutes celles qui se prennent hors le mariage, ou même au mariage quand elles se prennent contre la règle du mariage.

Pour le second, retranchez-vous tant qu'il vous sera possible des délectations inutiles et superflues, quoique loisibles et permises. Pour le troisième, n'attachez point votre affection aux plaisirs et voluptés qui sont commandées et ordonnées ; car bien qu'il faille pratiquer les délectations nécessaires, c'est-à-dire qui regardent la fin et institution du saint mariage, si ne faut-il pas pourtant y jamais attacher le coeur et l'esprit.

Au reste, chacun a grandement besoin de cette vertu. Ceux qui sont en viduité doivent avoir une chasteté courageuse qui ne méprise pas seulement les objets présents et futurs, mais qui résiste aux imaginations que les plaisirs loisiblement reçus au mariage peuvent produire en leurs esprits, qui pour cela sont plus tendres aux amorces déshonnêtes.

Pour ce sujet, saint Augustin admire la pureté de son cher Alipius qui avait totalement oublié et méprisé les voluptés charnelles, lesquelles il avait néanmoins quelquefois expérimentées en sa jeunesse.

Et de vrai, tandis que les fruits sont bien entiers ils peuvent être conservés, les uns sur la paille, les autres dedans le sable, et les autres en leur propre feuillage; mais étant une fois entamés, il est presque impossible de les garder que par le miel et le sucre, en confiture : ainsi la chasteté qui n'est point encore blessée ni violée peut être gardée en plusieurs sortes, mais étant une fois entamée, rien ne la peut conserver qu'une excellente dévotion, laquelle, comme j'ai souvent dit, est le vrai miel et sucre des esprits.

Les vierges ont besoin d'une chasteté extrêmement simple et douillette, pour bannir de leur coeur toutes sortes de curieuses pensées et mépriser d'un mépris absolu toutes sortes de plaisirs immondes, qui, à la vérité, ne méritent pas d'être désirés par les hommes, puisque les ânes et pourceaux en sont plus capables qu'eux.

Que donc ces âmes pures se gardent bien de jamais révoquer en doute que la chasteté ne soit incomparablement meilleure que tout ce qui lui est incompatible, car, comme dit le grand saint Jérôme, l'ennemi presse violemment les vierges au désir de l'essai des voluptés, les leur représentant infiniment plus plaisantes et délicieuses quelles ne sont, ce qui souvent les trouble bien fort, tandis, dit ce saint père, qu'elles estiment plus doux ce qu'elles ignorent.

Car, comme le petit papillon voyant la flamme va curieusement voletant autour dicelle pour essayer si elle est aussi douce que belle, et pressé de cette fantaisie ne cesse point qu'il ne se perde au premier essai, ainsi les jeunes gens bien souvent se laissent tellement saisir de la fausse et sotte estime qu'ils ont du plaisir des flammes voluptueuses, qu'après plusieurs curieuses pensées ils s'y vont en fin finale ruiner et perdre; plus sots en cela que les papillons, d'autant que ceux-ci ont quelque occasion de cuider que le feu soit délicieux puisqu'il est si beau, où ceux-là sachant que ce qu'ils recherchent est extrêmement déshonnête ne laissent pas pour cela d'en surestimer la folle et brutale délectation.

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MessageSujet: Re: Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales   Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales - Page 2 EmptyDim 19 Nov - 17:44

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CHAPITRE XII

DE LA NÉCESSITÉ DE LA CHASTETÉ


Mais quand à ceux qui sont mariés, c'est chose véritable, et que néanmoins le vulgaire ne peut penser, que la chasteté leur est fort nécessaire, parce qu'en eux elle ne consiste pas à sabstenir absolument des plaisirs charnels, mais à se contenir entre les plaisirs.

Or, comme ce commandement: « Courroucez-vous et ne péchez point » est à mon avis plus difficile que celui-ci : « Ne vous courroucez point », et qu'il est plus tôt fait déviter la colère que de la régler, aussi est-il plus aisé de se garder tout à fait de voluptés charnelles que de garder la modération en icelles.

Il est vrai que la sainte licence du mariage a une force particulière pour éteindre le feu de la concupiscence, mais linfirmité de ceux qui en jouissent passent aisément de la permission à la dissolution, et de l'usage à l'abus.

Et comme l'on voit beaucoup de riches dérober, non point par indigence, mais par avarice, aussi voit-on beaucoup de gens mariés se déborder par la seule intempérance et lubricité, nonobstant le légitime objet auquel ils se devraient et pourraient arrêter, leur concupiscence étant comme un feu volage qui va brûletant çà et là sans s'attacher nulle part.

C'est toujours chose dangereuse de prendre des médicaments violents, parce que si l'on en prend plus qu'il ne faut, ou qu'ils ne soient pas bien préparés, on en reçoit beaucoup de nuisance: le mariage a été béni et ordonné en partie pour remède à la concupiscence et c'est sans doute un très bon remède, mais violent néanmoins, et par conséquent très dangereux s'il nest discrètement employé.

J'ajoute que la variété des affaires humaines, outre les longues maladies, sépare souvent les maris d'avec leurs femmes, c'est pourquoi les mariés ont besoin de deux sortes de chasteté: l'une, pour l'abstinence absolue quand ils sont séparés, ès occasions que je viens de dire; l'autre, pour la modération quand ils sont ensemble en leur train ordinaire.

Certes, sainte Catherine de Sienne vit entre les damnés plusieurs âmes grandement tourmentées pour avoir violé la sainteté du mariage: ce qui était arrivé, disait-elle, non pas pour la grandeur du péché, car les meurtres et les blasphèmes sont plus énormes, mais d'autant que ceux qui les commettent n'en font point de conscience, et par conséquent continuent longuement en icelui.

Vous voyez donc que la chasteté est nécessaire à toutes sortes de gens. « Suivez la paix avec tous, dit l'Apôtre et la sainteté, sans laquelle aucun ne verra Dieu ».

Or par la sainteté il entend la chasteté, comme saint Jérôme et saint Chrysostôme ont remarqué. Non, Philothée, « nul ne verra Dieu sans la chasteté, nul n'habitera en son saint tabernacle qui ne soit net de coeur »; et, comme dit le Sauveur même, « les chiens et impudiques en seront bannis », et «bienheureux sont les nets de coeur, car ils verront Dieu ».

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MessageSujet: Re: Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales   Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales - Page 2 EmptyMar 21 Nov - 17:37

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CHAPITRE XIII

AVIS POUR CONSERVER LA CHASTETÉ


Soyez extrêmement prompte à vous détourner de tous les acheminements et de toutes les amorces de la lubricité, car ce mal agit insensiblement, et par des petits commencements fait progrès à des grands accidents : il est toujours plus aisé à fuir qu'à guérir.

Les corps humains ressemblent à des verres, qui ne peuvent être portés les uns avec les autres en se touchant sans courir fortune de se rompre, et aux fruits, lesquels, quoiqu'entiers et bien assaisonnés, reçoivent de la tare, s'entretouchant les uns les autres. L'eau même, pour fraîche qu'elle soit dedans un vase, étant touchée de quelque animal terrestre ne peut longuement conserver sa fraîcheur. Ne permettez jamais, Philothée, qu'aucun vous touche incivilement, ni par manière de folâtrerie ni par manière de faveur; car bien qu'à l'aventure la chasteté puisse être conservée parmi ces actions, plutôt légères que malicieuses, si est-ce que la fraîcheur et fleur de la chasteté en reçoit toujours du détriment et de la perte : mais de se laisser toucher déshonnêtement, c'est la ruine entière de la chasteté.

La chasteté dépend du coeur comme de son origine, mais elle regarde le corps comme sa matière; c'est pourquoi elle se perd par tous les sens extérieurs du corps et par les cogitations et désirs du coeur. C'est impudicité de regarder, d'ouïr, de parler, d'odorer, de toucher des choses déshonnêtes, quand le coeur s'y amuse et y prend plaisir. Saint Paul dit tout court : « Que la fornication ne soit pas mêmement nommée entre vous, » Les abeilles non seulement ne veulent pas toucher les charognes, mais fuient et haïssent extrêmement toutes sortes de puanteurs qui en proviennent. L'Epouse sacrée, au Cantique des Cantiques, a ses mains qui distillent la myrrhe, liqueur préservative de la corruption; ses lèvres sont bandées d'un ruban vermeil, marque de la pudeur des paroles; ses yeux sont de colombe, à raison de leur netteté; ses oreilles ont des pendants d'or, enseigne de pureté; son nez est parmi les cèdres du Liban, bois incorruptible. Telle doit être l'âme dévote: chaste, nette et honnête, de mains, de lèvres, d'oreilles, d'yeux et de tout son corps.

A ce propos, je vous présente le mot que l'ancien père Jean Cassien rapporte comme sorti de la bouche du grand saint Basile, qui, parlant de soi-même, dit un jour: « Je ne sais que c'est que des femmes, et ne suis pourtant pas vierge. »

Certes, la chasteté se peut perdre en autant de façons qu'il y a d'impudicités et lascivetés, lesquelles, selon quelles sont grandes ou petites, les unes l'affaiblissent, les autres la blessent et les autres la font tout à fait mourir. Il y a certaines privautés et passions indiscrètes, folâtres et sensuelles, qui à proprement parler ne violent pas la chasteté, et néanmoins elles l'affaiblissent, la rendent languissante et ternissent sa belle blancheur.

Il y a d'autres privautés et passions, non seulement indiscrètes mais vicieuses, non seulement folâtres mais déshonnêtes, non seulement sensuelles mais charnelles ; et par celles-ci la chasteté est pour le moins fort blessée et intéressée. Je dis : pour le moins, parce qu'elle en meurt et périt du tout, quand les sottises et lascivetés donnent à la chair le dernier effet du plaisir voluptueux, ains alors la chasteté périt plus indignement, méchamment et malheureusement, que quand elle se perd par la fornication, voire par l'adultère et l'inceste ; car ces dernières espèces de vilenies ne sont que des péchés, mais les autres, comme dit Tertullien, au livre de la pudicité, sont des monstres d'iniquité et de péché.

Or Cassianus ne croit pas, ni moi non plus, que saint Basile eût égard à tel dérèglement quand il saccuse de nêtre pas vierge, car je pense quil ne disait cela que pour les mauvaises et voluptueuses pensées, lesquelles, bien quelles neussent pas souillé son corps, avaient néanmoins contaminé le coeur, de la chasteté duquel les âmes généreuses sont extrêmement jalouses.

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MessageSujet: Re: Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales   Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales - Page 2 EmptyMer 22 Nov - 18:13

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CHAPITRE XIII
AVIS POUR CONSERVER LA CHASTETÉ


Ne hantez nullement les personnes impudiques, principalement si elles sont encore impudentes, comme elles sont presque toujours; car, comme les boucs touchant de la langue les amandiers doux les font devenir amers, ainsi ces âmes puantes et coeurs infects ne parlent guère à personne, ni de même sexe ni de divers sexe, quelles ne le fassent aucunement déchoir de la pudicité: elles ont le venin aux yeux et en l'haleine, comme les basilics.

Au contraire, hantez les gens chastes et vertueux; pensez et lisez souvent aux choses sacrées, car « la parole de Dieu est chaste » et rend ceux qui s'y plaisent chastes, qui fait que David la compare au topaze, pierre précieuse, laquelle par sa propriété amortit l'ardeur de la concupiscence.

Tenez-vous toujours proche de Jésus-Christ crucifié, et spirituellement par la méditation et réellement par la sainte communion.: car tout ainsi que ceux qui couchent sur l'herbe nommée agisus castus deviennent chastes et pudiques, de même reposant votre coeur sur Notre Seigneur qui est le vrai agneau chaste et immaculé, vous verrez que bientôt votre âme et votre coeur se trouveront purifiés de toutes souillures et lubricités.

CHAPITRE XIV
DE LA PAUVRETÉ D'ESPRIT OBSERVÉE ENTRE LES RICHESSES


« Bienheureux sont les pauvres d'esprit, car le royaume des cieux est à eux »; malheureux donc sont les riches d'esprit, car la misère d'enfer est pour eux. Celui est riche d'esprit lequel a ses richesses dedans son esprit, ou son esprit dedans les richesses; celui est pauvre d'esprit qui n'a nulles richesses dans son esprit, ni son esprit dedans les richesses.

Les alcyons font leurs nids comme une paume, et ne laissent en iceux qu'une petite ouverture du côté d'en haut; ils les mettent sur le bord de la mer, et au demeurant les font si fermes et impénétrables que les ondes les surprenant, jamais l'eau n'y peut entrer; ainsi tenant toujours le dessus, ils demeurent emmi la mer, sur la mer et maîtres de la mer.

Votre coeur, chère Philothée, doit être comme cela, ouvert seulement au ciel, et impénétrable aux richesses et choses caduques : si vous en avez, tenez votre coeur exempt de leurs affections; qu'il tienne toujours le dessus et qu'emmi les richesses il soit sans richesses et maître des richesses.

Non, ne mettez pas cet esprit céleste dedans les biens terrestres; faites quil leur soit toujours supérieur, sur eux, non pas en eux.

Il y a différence entre avoir du poison et être empoisonné : les apothicaires ont presque tous des poisons pour s'en servir en diverses occurences, mais ils ne sont pas pour cela empoisonnés, parce qu'ils n'ont pas le poison dedans le corps, mais dedans leurs boutiques; ainsi pouvez-vous avoir des richesses sans être empoisonnée par icelles : ce sera si vous les avez en votre maison ou en votre bourse, et non pas en votre coeur.

Etre riche en effet et pauvre d'affection, c'est le grand bonheur du chrétien; car il a par ce moyen les commodités des richesses pour ce monde et le mérite de la pauvreté pour l'autre.

Source : Livres-mystiques.com

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MessageSujet: Re: Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales   Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales - Page 2 EmptyJeu 23 Nov - 18:10

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CHAPITRE XIV

DE LA PAUVRETÉ D'ESPRIT OBSERVÉE ENTRE LES RICHESSES


Hélas! Philothée, jamais nul ne confessera d'être avare; chacun désavoue cette bassesse et vileté de coeur. On s'excuse sur la charge des enfants qui presse, sur la sagesse qui requiert qu'on s'établisse en moyens : jamais on n'en a trop, il se trouve toujours certaines nécessités d'en avoir davantage; et même les plus avares, non seulement ne confessent pas de l'être, mais ils ne pensent pas en leur conscience de l'être ; non, car l'avarice est une fièvre prodigieuse, qui se rend d'autant plus insensible qu'elle est plus violente et ardente.

Moïse vit le feu sacré qui brûlait un buisson et ne le consumait nullement, mais au contraire le feu profane de l'avarice consume et dévore l'avaricieux et ne le brûle aucunement; au moins, emmi ses ardeurs et chaleurs plus excessives, il se vante de la plus douce fraîcheur du monde, et tient que son altération insatiable est une soif toute naturelle et suave.

Si vous désirez longuement, ardemment et avec inquiétude les biens que vous n'avez pas, vous avez beau dire que vous ne les voulez pas avoir injustement, car pour cela vous ne lasserez pas d'être vraiment avare.

Celui qui désire ardemment, longuement et avec inquiétude de boire, quoiqu'il ne veuille pas boire que de l'eau, si témoigne-t-il d'avoir la fièvre.

O Philothée! je ne sais si c'est un désir juste de désirer d'avoir justement, ce qu'un autre possède justement: car il semble que par ce désir nous nous voulons accommoder par l'incommodité dautrui.

Celui qui possède un bien justement, n'a-t-il plus de raison de le garder justement, que nous de le vouloir avoir justement ? et pourquoi donc étendons-nous notre désir sur sa commodité pour l'en priver?

Tout au plus si ce désir est juste, certes, il n'est pas pourtant charitable ; car nous ne voudrions nullement qu'au cun désirât, quoique justement, ce que nous voulons garder justement.

Ce fut le péché dAchab qui voulut avoir justement la vigne de Naboth, qui la voulait encore plus justement garder : il la désira ardemment, longuement et avec inquiétude, et partant il offensa Dieu.

Attendez, chère Philothée, de désirer le bien du prochain quand il commencera à désirer de s'en défaire ; car lors son désir rendra le vôtre non seulement juste, mais charitable oui, car je veux bien que vous ayez soin d'accroître vos moyens et facultés, pourvu que ce soit non seulement justement, mais doucement et charitablement.

Si vous affectionnez fort les biens que vous avez, si vous en êtes fort embesognée, mettant votre coeur en iceux, y attachant vos pensées et craignant d'une crainte vive et empressée de les perdre, croyez-moi, vous avez encore quelque sorte de fièvre; car les fébricitants boivent l'eau qu'on leur donne avec un certain empressement, avec une sorte d'attention et d'aise que ceux qui sont sains n'ont point accoutumé d'avoir :

il n'est pas possible de se plaire beaucoup en une chose, que l'on n'y mette beaucoup d'affection.

S'il vous arrive de perdre des biens, et vous sentez que votre coeur s'en désole et afflige beaucoup, croyez, Philothée, que vous y avez beaucoup d'affection; car rien ne témoigne tant d'affection à la chose perdue que l'affliction de la perte.

Source : Livres-mystiques.com

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MessageSujet: Re: Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales   Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales - Page 2 EmptyVen 24 Nov - 18:10

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CHAPITRE XIV

DE LA PAUVRETÉ D'ESPRIT OBSERVÉE ENTRE LES RICHESSES


Ne désirez donc point d'un désir entier et formé le bien que vous n'avez pas; ne mettez point fort avant votre coeur en celui que vous avez; ne vous désolez point des pertes qui vous arriveront, et vous aurez quelque sujet de croire qu'étant riche en effet vous ne l'êtes point d'affection, mais que vous êtes pauvre d'esprit et par conséquent bienheureuse, « car le Royaume des cieux vous appartient ».

CHAPITRE XV

COMME IL FAUT PRATIQUER LA PAUVRETÉ RÉELLE
DEMEURANT NÉANMOINS RÉELLEMENT RICHE


Le peintre Parrhasius peignit le peuple Athénien par une invention fort ingénieuse, le représentant d'un naturel divers et variable :

colère, injuste, inconstant, courtois, clément, Miséricordieux, hautain, glorieux, humble, bravache et fuyard, et tout cela ensemble; mais moi, chère Philothée, je voudrais mettre en votre coeur la richesse et la pauvreté tout ensemble, un grand soin et un grand mépris des choses temporelles.

Ayez beaucoup plus de soin de rendre vos biens utiles et fructueux que les mondains n'en ont pas. Dites-moi, les jardiniers des grands princes ne sont-ils pas plus curieux et diligents à cultiver et embellir les jardins qu'ils ont en charge, que s'ils leur appartenaient en propriété.?

Mais pourquoi cela ? parce, sans doute, qu'ils considèrent ces jardins-là comme jardins des princes et des rois, auxquels ils désirent de se rendre agréables par ces services-là. Ma Philothée, les possessions que nous avons ne sont pas nôtres :

Dieu les nous a données à cultiver et veut que nous les rendions fructueuses et utiles, et partant nous lui faisons service agréable d'en avoir soin.

Mais il faut donc que ce soit un soin plus grand et solide que celui que les mondains ont de leurs biens, car ils ne s'embesognent que pour l'amour deux-mêmes, et nous devons travailler pour l'amour de Dieu: or, comme l'amour de soi-même est un amour violent, turbulent, empressé, aussi le soin qu'on a pour lui est plein de trouble, de chagrin, d'inquiétude ; et comme l'amour de Dieu est doux, paisible et tranquille, aussi le soin qui en procède, quoique ce soit pour les biens du monde, est amiable, doux et gracieux.

Ayons donc ce soin gracieux de la conservation, voire de l'accroissement de nos biens temporels, lorsque quelque juste occasion s'en présentera et en tant que notre condition le requiert, car Dieu veut que nous fassions ainsi pour son amour.

Mais prenez garde que l'amour-propre ne vous trompe, car quelquefois il contrefait si bien l'amour de Dieu qu'on dirait que c'est lui: or, pour empêcher qu'il ne vous déçoive, et que ce soin des biens temporels ne se convertisse en avarice, outre ce que j'ai dit au chapitre précédent, il nous faut pratiquer bien souvent la pauvreté réelle et effectuelle, emmi toutes les facultés et richesses que Dieu nous a données.

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MessageSujet: Re: Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales   Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales - Page 2 EmptySam 25 Nov - 16:05

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CHAPITRE XV

COMME IL FAUT PRATIQUER LA PAUVRETÉ RÉELLE
DEMEURANT NÉANMOINS RÉELLEMENT RICHE


Quittez donc toujours quelque partie de vos moyens en les donnant aux pauvres de bon coeur; car donner ce qu'on a, c'est sappauvrir d'autant, et plus vous donnerez plus vous vous appauvrirez.

Il est vrai que Dieu vous le rendra, non seulement en l'autre monde, mais en cetui-ci, car il n'y a rien qui fasse tant prospérer temporellement que l'aumône; mais en attendant que Dieu vous le rende, vous serez toujours appauvrie de cela. Oh! le saint et riche appauvrissement que celui qui se fait par laumône!

Aimez les pauvres et la pauvreté, car par cet amour vous deviendrez vraiment pauvre, puisque, comme dit l'Ecriture, nous sommes faits comme les choses que nous aimons.

L'amour égale les amants: « Qui est infirme, avec lequel je ne sois infirme ? » dit saint Paul. Il pouvait dire : « Qui est pauvre, avec lequel je ne sois pauvre ? » parce que l'amour le faisait être tel que ceux qu'il aimait.

Si donc vous aimez les pauvres, vous serez vraiment participante de leur pauvreté, et pauvre comme eux.

Or, si vous aimez les pauvres, mettez-vous souvent parmi eux: prenez plaisir à les voir chez vous et à les visiter chez eux; conversez volontiers avec eux; soyez bien aise qu'il vous approchent aux églises, aux rues et ailleurs.

Soyez pauvre de langue avec eux, leur parlant comme leur compagne; mais soyez riche des mains, leur départant de vos biens, comme plus abondante.

Voulez-vous faire encore davantage, ma Philothée ? ne vous contentez pas d'être pauvre comme les pauvres, mais soyez plus pauvre que les pauvres. Et comment cela ? « Le serviteur est moindre que son maître »:

rendez-vous donc servante des pauvres; allez les servir dans leurs lits quand ils sont malades, je dis de vos propres mains; soyez leur cuisinière, et à vos propres dépens; soyez leur lingère et blanchisseuse. O ma Philothée, ce service est plus triomphant qu'une royauté.

Je ne puis assez admirer l'ardeur avec laquelle cet avis fut pratiqué par saint Louis, l'un des grands rois que le soleil ait vus, mais je dis grand roi en toute sorte de grandeur.

Il servait fort souvent à la table des pauvres qu'il nourrissait, et en faisait car ils ne sembesognent que pour l'amour deux-mêmes, et nous devons travailler pour l'amour de Dieu:

or, comme l'amour de soi-même est un amour violent, turbulent, empressé, aussi le soin qu'on a pour lui est plein de trouble, de chagrin, d'inquiétude ; et comme l'amour de Dieu est doux, paisible et tranquille, aussi le soin qui en procède, quoique ce soit pour les biens du monde, est amiable, doux et gracieux.

Ayons donc ce soin gracieux de la conservation, voire de l'accroissement de nos biens temporels, lorsque quelque juste occasion s'en présentera et en tant que notre condition le requiert, car Dieu veut que nous fassions ainsi pour son amour.

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MessageSujet: Re: Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales   Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales - Page 2 EmptyDim 26 Nov - 17:38

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CHAPITRE XV

COMME IL FAUT PRATIQUER LA PAUVRETÉ RÉELLE
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Mais prenez garde que l'amour-propre ne vous trompe, car quelquefois il contrefait si bien l'amour de Dieu qu'on dirait que c'est lui: or, pour empêcher quil ne vous déçoive, et que ce soin des biens temporels ne se convertisse en avarice, outre ce que j ai dit au chapitre précédent, il nous faut pratiquer bien souvent la pauvreté réelle et effectuelle, emmi toutes les facultés et richesses que Dieu nous a données.

Quittez donc toujours quelque partie de vos moyens en les donnant aux pauvres de bon coeur; car donner ce qu'on a, c'est s'appauvrir d'autant, et plus vous donnerez plus vous vous appauvrirez. Il est vrai que Dieu vous le rendra, non seulement en l'autre monde, mais en cetui-ci, car il n'y a rien qui fasse tant prospérer temporellement que l'aumône; mais en attendant que Dieu vous le rende, vous serez toujours appauvrie de cela. Oh! le saint et riche appauvrissement que celui qui se fait par l'aumône!

Aimez les pauvres et la pauvreté, car par cet amour vous deviendrez vraiment pauvre, puisque, comme dit l'Ecriture, nous sommes faits comme les choses que nous aimons. L'amour égale les amants: « Qui est infirme, avec lequel je ne sois infirme? »dit saint Paul.

Il pouvait dire : « Qui est pauvre, avec lequel je ne sois pauvre ? » parce que l'amour le faisait être tel que ceux qu'il aimait. Si donc vous aimez les pauvres, vous serez vraiment participante de leur pauvreté, et pauvre comme eux. Or, si vous aimez les pauvres, mettez-vous souvent parmi eux: prenez plaisir à les voir chez vous et à les visiter chez eux ; conversez volontiers avec eux; soyez bien aise qu'il vous approchent aux églises, aux rues et ailleurs. Soyez pauvre de langue avec eux, leur parlant comme leur compagne; mais soyez riche des mains, leur départant de vos biens, comme plus abondante.

Voulez-vous faire encore davantage, ma Philothée ? ne vous contentez pas d'être pauvre comme les pauvres, mais soyez plus pauvre que les pauvres. Et comment cela ? « Le serviteur est moindre que son maître »: rendez-vous donc servante des pauvres; allez les servir dans leurs lits quand ils sont malades, je dis de vos propres mains; soyez leur cuisinière, et à vos propres dépens; soyez leur lingère et blanchisseuse. O ma Philothée, ce service est plus triomphant qu'une royauté.

Je ne puis assez admirer l'ardeur avec laquelle cet avis fut pratiqué par saint Louis, l'un des grands rois que le soleil ait vus, mais je dis grand roi en toute sorte de grandeur. Il servait fort souvent à la table des pauvres qu'il nourrissait, et en faisait venir presque tous les jours trois à la sienne; et souvent il mangeait les restes de leur potage avec un amour non pareil.

Quand il visitait les hôpitaux des malades (ce quil faisait fort souvent), il se mettait ordinairement à servir ceux qui avaient les maux les plus horribles, comme ladres, chancreux et autres semblables, et leur faisait tout son service à tête nue et les genoux à terre, respectant en leur personne le Sauveur du monde, et les chérissant d'un amour aussi tendre qu'une douce mère eût su faire son enfant. Sainte Elisabeth, fille du roi de Hongrie, se mêlait ordinairement avec les pauvres, et pour se récréer s'habillait quelquefois en pauvre femme parmi ses dames, leur disant : « Si j'étais pauvre, je m'habillerais ainsi. » O

mon Dieu, chère Philothée, que ce prince et cette princesse étaient pauvres en leurs richesses, et qu'ils étaient riches en leur pauvreté!

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MessageSujet: Re: Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales   Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales - Page 2 EmptyLun 27 Nov - 17:51

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CHAPITRE XV

COMME IL FAUT PRATIQUER LA PAUVRETÉ RÉELLE
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« Bienheureux sont ceux qui sont ainsi pauvres, car à eux appartient le Royaume des cieux. » « J'ai eu faim, vous m'avez repu ; j'ai eu froid, vous m'avez revêtu: possédez le royaume qui vous a été préparé dès la constitution du monde », dira le Roi dès pauvres et des rois en son grand jugement.

Il n'est celui qui en quelque occasion nait quelque manquement et défaut de commodités. Il arrive quelquefois chez nous un hôte que nous voudrions et devrions bien traiter; il n'y a pas moyen pour lheure; on a ses beaux habits en un lieu, on en aurait besoin en un autre où il serait requis de paraître; il arrive que tous les vins de la cave se poussent et tournent :

il n'en reste plus que les mauvais et verts; on se trouve aux champs dans quelque bicoque, où tout manque: on n'a lit, ni chambre, ni table, ni service. Enfin, il est facile d'avoir souvent besoin de quelque chose, pour riche qu'on soit; or cela, c'est être pauvre en effet de ce qui nous manque. Philothée, soyez bien aise de ces rencontres, acceptez-les de bon coeur, souffrez-les gaîment.

Quand il vous arrivera des inconvénients qui vous appauvriront ou de beaucoup ou de peu, comme font les tempêtes, les feux, les inondations, les stérilités, les larcins, les procès, oh ! c'est alors la vraie saison de pratiquer la pauvreté, recevant avec douceurs ces diminutions de facultés, et s'accommodant patiemment et constamment à cet appauvrissement.

Esaü se présenta à son père avec ses mains toutes couvertes de poil, et Jacob en fit de même; mais parce que le poil qui était ès mains de Jacob ne tenait pas à sa peau, ains à ses gants, on lui pouvait ôter son poil sans l'offenser ni écorcher au contraire, parce que le poil des mains d'Esaü tenait à sa peau, qu'il avait toute velue de son naturel, qui lui eût voulu arracher son poil lui eût bien donné de la douleur: il eût bien crié; il se fût bien échauffé à la défense.

Quand nos moyens nous tiennent au coeur, si la tempête, si le larron, si le chicaneur nous en arrache quelque partie, quelles plaintes, quels troubles, quelles impatiences en avons-nous ! mais quand nos biens ne tiennent qu'au soin que Dieu veut que nous en ayons, et non pas à notre coeur, si on nous les arrache, nous n'en perdrons pourtant pas le sens ni la tranquillité.

C'est la différence des bêtes et des hommes quant à leurs robes : car les robes des bêtes tiennent à leur chair, et celles des hommes y sont seulement appliquées, en sorte qu'ils puissent les mettre et ôter quand ils veulent.

CHAPITRE XVI

POUR PRATIQUER LA RICHESSE D'ESPRIT EMMI LA PAUVRETÉ RÉELLE


Mais si vous êtes réellement pauvre, très chère Philothée, o Dieu, soyez-le encore d'esprit; faites de nécessité vertu, et employez cette pierre précieuse de la pauvreté pour ce qu'elle vaut: son éclat n'est pas découvert en ce monde, mais si est~ce pourtant qu'il est extrêmement beau et riche.

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MessageSujet: Re: Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales   Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales - Page 2 EmptyMar 28 Nov - 17:21

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CHAPITRE XVI

POUR PRATIQUER LA RICHESSE D'ESPRIT EMMI LA PAUVRETÉ RÉELLE


Mais si vous êtes réellement pauvre, très chère Philothée, o Dieu, soyez-le encore d'esprit; faites de nécessité vertu, et employez cette pierre précieuse de la pauvreté pour ce qu'elle vaut: son éclat n'est pas découvert en ce monde, mais si est~ce pourtant qu'il est extrêmement beau et riche.

Ayez patience, vous êtes en bonne compagnie: Notre Seigneur, Notre Dame, les Apôtres, tant de saints et de saintes ont été pauvres, et pouvant être riches ils ont méprisé de l'être.

Combien y a-t-il de grands mondains qui, avec beaucoup de contradictions, sont allés rechercher avec un soin non pareil la sainte pauvreté dedans les cloîtres et les hôpitaux? Ils ont pris beaucoup de peine pour la trouver, témoins saint Alexis, sainte Paule, saint Paulin, sainte Angèle et tant d'autres; et voilà, Philothée, que, plus gracieuse en votre endroit, elle se vient présenter chez vous; vous l'avez rencontrée sans la chercher et sans peine: embrassez-la donc comme la chère amie de Jésus-Christ, qui naquit, vécut et mourut avec la pauvreté, qui fut sa nourrice toute sa vie.

Votre pauvreté, Philothée, a deux grands privilèges, par le moyen desquels elle vous peut beaucoup faire mériter. Le premier est qu'elle ne vous est point arrivée par votre choix, mais par la seule volonté de Dieu, qui vous a faite pauvre sans qu'il y ait eu aucune concurrence de votre volonté propre.

Or, ce que nous recevons purement de la volonté de Dieu lui est toujours très agréable, pourvu que nous le recevions de bon coeur et pour l'amour de sa sainte volonté: où il y a moins du nôtre, il y a plus de Dieu. La simple et pure acceptation de la volonté de Dieu rend une souffrance extrêmement pure.

Le second privilège de cette pauvreté, c'est qu'elle est une pauvreté vraiment pauvre. Une pauvreté louée, caressée, estimée, secourue et assistée, elle tient de la richesse, elle n'est pour le moins pas du tout pauvre; mais une pauvreté méprisée, rejetée, reprochée et abandonnée, elle est vraiment pauvre.

Or, telle est pour lordinaire la pauvreté des séculiers; car parce qu'ils ne sont pas pauvres par leur élection, mais par nécessité, on n'en tient pas grand compte; et en ce qu'on nen tient pas grand compte, leur pauvreté est plus pauvre que celle des religieux, bien que celle-ci d'ailleurs ait une excellence fort grande et trop plus recommandable, à raison du voeu et de l'intention pour laquelle elle a été choisie.

Ne vous plaignez donc pas, ma chère Philothée, de votre pauvreté ; car on ne se plaint que de ce qui déplaît, et si la pauvreté vous déplaît vous n'êtes plus pauvre d'esprit, ains riche d'affection.

Ne vous désolez point de n'être pas si bien secourue qu'il serait requis; car en cela consiste l'excellence de la pauvreté. Vouloir être pauvre et n'en recevoir point d'incommodité, c'est une grande ambition ; car c'est vouloir l'honneur de la pauvreté et la commodité des richesses.

N'ayez point de honte d'être pauvre ni de demander l'aumône en charité ; recevez celle qui vous sera donnée, avec humilité, et acceptez le refus avec douceur.

Ressouvenez-vous souvent du voyage que Notre Dame fit en Egypte pour y porter son cher enfant, et combien de mépris, de pauvreté, de misère il lui convint supporter. Si vous vivez comme cela, vous serez très riche en votre pauvreté.

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MessageSujet: Re: Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales   Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales - Page 2 EmptyMer 29 Nov - 20:09

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CHAPITRE XVII

DE L'AMITIÉ, ET PREMIÈREMENT DE LA MAUVAISE ET FRIVOLE


L'amour tient le premier rang entre les passions de l'âme : c'est le roi de tous les mouvements du coeur, il convertit tout le reste à soi et nous rend tels que ce qu'il aime. Prenez donc bien garde, ma Philothée, de n'en point avoir de mauvais, car tout aussitôt vous seriez toute mauvaise. Or l'amitié est le plus dangereux amour de tous, parce que les autres amours peuvent être sans communication, mais l'amitié étant totalement fondée sur icelle, on ne peut presque l'avoir avec une personne sans participer à ses qualités.

Tout amour n'est pas amitié; car, 1. On peut aimer sans être aimé, et lors il y a de l'amour, mais non pas de l'amitié, d'autant que l'amitié est un amour mutuel, et s'il n'est pas mutuel ce n'est pas amitié. 2. Et ne suffit pas qu'il soit mutuel, mais il faut que les parties qui s'entraiment sachent leur réciproque affection, car si elles l'ignorent elles auront de l'amour, mais non pas de l'amitié. 3. Il faut avec cela qu'il y ait entre elles quelque sorte de communication qui soit le fondement de l'amitié.

Selon la diversité des communications l'amitié est aussi diverse, et les communications sont différentes selon la différence des biens quon s'entrecommunique : si ce sont des biens faux et vains, l'amitié est fausse et vaine, si ce sont de vrais biens, l'amitié est vraie; et plus excellents seront les biens, plus excellente sera l'amitié. Car, comme le miel est plus excellent quand il se cueille ès fleurons des fleurs plus exquises, ainsi l'amour fondé sur une plus exquise communication est le plus excellent; et comme il y a du miel en Héraclée du Pont, qui est vénéneux et fait devenir insensés ceux qui le mangent, parce qu'il est recueilli sur l'aconit qui est abondant en cette région-là, ainsi l'amitié fondée sur la communication des faux et vicieux biens est toute fausse et mauvaise.

La communion des voluptés charnelles est une mutuelle propension et amorce brutale, laquelle ne peut non plus porter le nom d'amitié entre les hommes, que celles des ânes et chevaux pour semblables effets ; et s'il n'y avait nulle autre communication au mariage, ii n'y aurait non plus nulle amitié; mais, parce qu'outre celle-là il y a en icelui la communication de la vie, de l'industrie, des biens, des affections et d'une indissoluble fidélité, c'est pourquoi l'amitié du mariage est une vraie amitié et sainte.

L'amitié fondée sur la communication des plaisirs sensuels est toute grossière, et indigne du nom d'amitié, comme aussi celle qui est fondée sur des vertus frivoles et vaines, parce que ces vertus dépendent aussi des sens. J'appelle plaisirs sensuels ceux qui s'attachent immédiatement et principalement aux sens extérieurs, comme le plaisir de voir la beauté, d'ouïr une douce voix, de toucher et semblables. J'appelle vertus frivoles certaines habilités et qualités vaines que les faibles d'esprits appellent vertus et perfections.

Oyez parler la plupart des filles, des femmes et des jeunes gens, ils ne se feindront nullement de dire : un tel gentilhomme est fort vertueux, il a beaucoup de perfections, car il danse bien, il joue bien à toutes sortes de jeux, il s'habille bien, il chante bien, il cajole bien, il a bonne mine; et les charlatans tiennent pour les plus vertueux d'entre eux ceux qui sont les plus grands bouffons.

Or, comme tout cela regarde les sens, aussi les amitiés qui en proviennent s'appellent sensuelles, vaines et frivoles, et méritent plutôt le nom de folâtrerie que d'amitié. Ce sont ordinairement les amitiés des jeunes gens, qui se tiennent aux moustaches, aux cheveux, aux oeillades, aux habits, à la morgue, à la babillerie: amitiés dignes de l'âge des amants, qui n'ont encore aucune vertu qu'en bourre ni nul jugement qu'en bouton; aussi telles amitiés ne sont que passagères et fondent comme la neige au soleil.

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MessageSujet: Re: Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales   Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales - Page 2 EmptyJeu 30 Nov - 18:12

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CHAPITRE XVIII

DES AMOURETTES


Quand ces amitiés folâtres se pratiquent entre gens de divers sexe, et sans prétention du mariage, elles s'appellent amourettes, car n'étant que certains avortons, ou plutôt fantômes d'amitié, elles ne peuvent porter le nom ni d'amitié, ni d'amour, pour leur incomparable vanité et imperfection.

Or, par icelles, les coeurs des hommes et des femmes demeurent pris et engagés et entrelacés les uns avec les autres en vaines et folles affections, fondées sur ces frivoles communications et chétifs agréments desquels je viens de parler.

Et bien que ces sottes amours vont ordinairement fondre et s'abîmer en des charnalités et lascivités fort vilaines, si est-ce que ce n'est pas le premier dessein de ceux qui les exercent; autrement ce ne seraient plus amourettes, ains impudicités manifestes.

Il se passera même quelquefois plusieurs années sans qu'il arrive, entre ceux qui sont atteints de cette folie, aucune chose qui soit directement contraire à la chasteté du corps, iceux s'arrêtant seulement à détremper leurs coeurs en souhaits, désirs, soupirs, muguetteries et autres telles niaiseries et vanités, et ce pour diverses prétentions.

Les uns n'ont d'autre dessein que d'assouvir leurs coeurs à donner et recevoir de l'amour, suivant en cela leur inclination amoureuse, et ceux-ci ne regardent à rien pour le choix de leurs amours sinon à leur goût et instinct, si qu'à la rencontre d'un sujet agréable, sans examiner l'intérieur ni les déportements dicelui, ils commenceront cette communication d'amourettes et se fourreront dedans les misérables filets desquels par après ils auront peine de sortir.

Les autres se laissent aller à cela par vanité, leur étant avis que ce ne soit pas peu de gloire de prendre et lier les coeurs par amour; et ceux-ci, faisant leur élection pour la gloire, dressent leurs pièges et tendent leurs toiles en des lieux spéciaux, relevés, rares et illustres.

Les autres sont portés et par leur inclination amoureuse et par vanité tout ensemble, car encore qu'ils aient le coeur contourné à l'amour, si ne veulent-ils pourtant pas en prendre qu'avec quelque avantage de gloire.

Ces amitiés sont toutes mauvaises, folles et vaines: mauvaises, d'autant qu'elles aboutissent et se terminent enfin au péché de la chair, et qu'elles dérobent l'amour et par conséquent le coeur à Dieu, à la femme et au mari, à qui il était dû; folles, parce qu'elles n'ont ni fondement ni raison; vaines, parce qu'elles ne rendent aucun profit, ni honneur, ni contentement.

Au contraire elles perdent le temps, embarrassent l'honneur, sans donner aucun plaisir que celui d'un empressement de prétendre et espérer, sans savoir ce qu'on veut ni qu'on prétend.

Car il est toujours avis à ces chétifs et faibles esprits qu'il y a je ne sais quoi à désirer ès témoignages qu'on leur rend de l'amour réciproque, et ne sauraient dire que c'est; dont leur désir ne peut finir, mais va toujours pressant leur coeur de perpétuelles défiances, jalousies et inquiétudes.

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CHAPITRE XVIII

DES AMOURETTES


Saint Grégoire Nazianzène, écrivant contre les femmes vaines, dit merveilles sur ce sujet; en voici une petite pièce qu'il adresse voirement aux femmes, mais bonne encore pour les hommes : « Ta naturelle beauté suffit pour ton mari ; que si elle est pour plusieurs hommes, comme un filet tendu pour une troupe d'oiseaux, qu'en arrivera-t-il ?

Celui-là te plaira qui se plaira en ta beauté, tu rendras oeillade pour oeillade, regard pour regard ; soudain suivront les souris et petits mots d'amour, lâchés à la dérobée pour le commencement, mais bientôt on s'apprivoisera et passera-t-on à la cajolerie manifeste.

Garde bien, o ma langue parleuse, de dire ce qui arrivera par après; si dirai-je néanmoins, encore cette vérité-: rien de tout ce que les jeunes gens et les femmes disent ou font ensemble en ces folles complaisances n'est exempt de grands aiguillons. Tous les fatras d'amourettes se tiennent l'un à lautre et s'entresuivent tous, ni plus ni moins qu'un fer tiré par l'aimant en tire plusieurs autres consécutivement. »

Oh! qu'il dit bien, ce grand évêque: Que pensez-vous faire? Donner de l'amour, non pas? Mais personne n'en donne volontairement qui n'en prenne nécessairement; qui prend est pris en ce jeu. L'herbe aproxis reçoit et conçoit le feu aussitôt quelle le voit: nos coeurs en sont de même ; soudain qu'ils voient une âme enflammée d'amour pour eux, ils sont incontinent embrasés pour elle.

J'en veux bien prendre, me dira quelqu'un, mais non pas fort avant. Hélas! vous vous trompez, ce feu d'amour est plus actif et pénétrant quil ne vous semble; vous cuiderez n'en recevoir qu'une étincelle, et vous serez tout étonné de voir qu'en un moment il aura saisi tout votre coeur, réduit en cendres toutes vos résolutions et en fumée votre réputation.

Le Sage s'écrie: « Qui aura compassion d'un enchanteur piqué par le serpent? » Et je m'écrie après lui : « O fols et insensés, cuidez-vous charmer l'amour pour le pouvoir manier à votre gré? Vous voulez jouer avec lui, il vous piquera et mordra mauvaisement ; et savez-vous ce qu'on en dira ?

chacun se moquera de vous et on rira de quoi vous avez voulu enchanter l'amour, et que sur une fausse assurance vous avez voulu mettre dedans votre sein une dangereuse couleuvre, qui vous a gâté et perdu dâme et d'honneur.

O Dieu, quel aveuglement est celui-ci, de jouer ainsi à crédit, sur des gages si frivoles, la principale pièce de notre âme! Oui, Philothée, car Dieu ne veut l'homme que pour l'âme, ni l'âme que pour la volonté, ni la volonté que pour l'amour.

Hélas! nous n'avons pas d'amour à beaucoup près de ce que nous avons besoin; je veux dire, il s'en faut infiniment que nous en ayons assez pour aimer Dieu, et cependant, misérables que nous sommes, nous le prodiguons et épanchons en choses sottes et vaines et frivoles, comme si nous en avions de reste.

Ah! ce grand Dieu qui s'était réservé le seul amour de nos âmes, en reconnaissance de leur création, conservation et rédemption, exigera un compte bien étroit de ces folles déduites que nous en faisons; que s'il doit faire un examen si exact des paroles oiseuses, qu'est-ce qu'il fera des amitiés oiseuses, impertinentes, folies et pernicieuses?

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CHAPITRE XVIII
DES AMOURETTES


Le noyer nuit grandement aux vignes et aux champs esquels il est planté, parce qu'étant si grand, il attire tout le suc de la terre, qui ne peut par après suffire à nourrir le reste des plantes; ses feuillages sont si touffus qu'ils font un ombrage grand et épais, et enfin il attire les passants à soi, qui, pour abattre son fruit, gâtent et foulent tout autour.

Ces amourettes font les mêmes nuisances à l'âme, car elles l'occupent tellement et tirent si puissamment ses mouvements qu'elle ne peut pas après suffire à aucune bonne oeuvre; les feuilles, c'est-à-dire les entretiens, amusements et muguetteries sont si fréquentes, qu'elles dissipent tout le loisir; et enfin elles attirent tant de tentations, distractions, soupçons et autres conséquences, que tout le coeur en est foulé et gâté. Bref, ces amourettes bannissent non seulement l'amour céleste, mais encore la crainte de Dieu, énervent l'esprit, affaiblissent la réputation : c'est, en un mot, le jouet des cours, mais la peste des coeurs.

CHAPITRE XIX
DES VRAIES AMITIÉS


O Philothée, aimez un chacun d'un grand amour charitable, mais n'ayez point d'amitié qu'avec ceux qui peuvent communiquer avec vous de choses vertueuses; et plus les vertus que vous mettrez en votre commerce seront exquises, plus votre amitié sera parfaite. Si vous communiquez ès sciences, votre amitié est certes fort louable; plus encore si vous communiquez aux vertus, en la prudence, discrétion, force et justice.

Mais si votre mutuelle et réciproque communication se fait de la charité, de la dévotion, de la perfection chrétienne, o Dieu! que votre amitié sera précieuse!

Elle sera excellente parce qu'elle vient de Dieu, excellente parce qu'elle tend à Dieu, excellente parce que son lien c'est Dieu, excellente par ce qu'elle durera éternellement en Dieu. Oh! qu'il fait bon aimer en terre comme l'on aime au ciel, et apprendre à s'entre-chérir en ce monde comme nous ferons éternellement en l'autre!

Je ne parle pas ici de l'amour simple de charité, car il doit être porté à tous les hommes; mais je parle de l'amitié spirituelle, par laquelle deux ou trois ou plusieurs âmes se communiquent leur dévotion, leurs affections spirituelles, et se rendent un seul esprit entre elles.

Qu'à bon droit peuvent chanter telles heureuses âmes : « Oh! que voici combien il est bon et agréable que les frères habitent ensemble! » Oui, car le baume délicieux de la dévotion distille de l'un des coeurs en l'autre par une continuelle participation, si qu'on peut dire que Dieu a répandu sur cette amitié sa bénédiction et la vie jusques aux siècles des siècles.

Il m'est avis que toutes les autres amitiés ne sont que des ombres au prix de celle-ci, et que leurs liens ne sont que des chaînes de verre ou de jayet, en comparaison de ce grand lien de la sainte dévotion qui est tout d'or.

Ne faites point d'amitié d'autre sorte, je veux dire des amitiés que vous faites: car il ne faut pas ni quitter ni mépriser pour cela les amitiés que la nature et les précédents devoirs vous obligent de cultiver, des parents, des alliés, des bienfaiteurs, des voisins et autres; je parle de celles que vous choisissez vous-même.

Plusieurs vous diront peut-être qu'il ne faut avoir aucune sorte de particulière affection et amitié, d'autant que cela occupe le coeur, distrait l'esprit, engendre les envies : mais ils se trompent en leurs conseils ; car ils ont vu ès écrits de plusieurs saints et dévots auteurs que les amitiés particulières et affections extraordinaires nuisent infiniment aux religieux; ils cuident que c'en soit de même du reste du monde, mais il y a bien à dire.

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CHAPITRE XIX

DES VRAIES AMITIÉS


Car attendu qu'en un monastère bien réglé le dessein commun de tous rend à la vraie dévotion, il n'est pas requis d'y faire ces particulières communications, de peur que cherchant en particulier ce qui est commun, on ne passe des particularités aux partialités; mais quant à ceux qui sont entre les mondains et qui embrassent la vraie vertu, il leur est nécessaire de s'allier les uns aux autres par une sainte et sacrée amitié; car par le moyen dicelle ils s'animent, ils s'aident, ils s'entreportent au bien.

Et comme ceux qui cheminent en la plaine n'ont pas besoin de se prêter la main, mais ceux qui sont ès chemins scabreux et glissants s'entretiennent l'un l'autre pour cheminer plus sûrement, ainsi ceux qui sont ès religions n'ont pas besoin des amitiés particulières, mais ceux qui sont au monde en ont nécessité pour s'assurer et secourir les uns les autres, parmi tant de mauvais passages quil leur faut franchir.

Au monde, tous ne conspirent pas à même fin, tous n'ont pas le même esprit , il faut donc sans doute se tirer à part et faire des amitiés selon notre prétention ; et cette particularité fait voirement une partialité, mais une partialité sainte, qui ne fait aucune division, sinon celle du bien et du mal, des brebis et des chèvres, des abeilles et des frelons, séparation nécessaire.

Certes, on ne saurait nier que Notre Seigneur n'aimât d'une plus douce et, plus spéciale amitié saint Jean, le Lazare, Marthe, Madeleine, car l'Ecriture le témoigne.

On sait que saint Pierre chérissait tendrement saint Marc et sainte Pétronille, comme saint Paul faisait son Timothée et sainte Thècle.

Saint Grégoire Nazianzène se vante cent fois de lamitié nonpareille qu'il eut avec le grand saint Basile, et la décrit en cette sorte : «

Il semblait qu'en l'un et l'autre de nous, il n'y eût qu'une seule âme portant deux corps. Que s'il ne faut pas croire ceux qui disent que toutes choses sont en toutes choses, si nous faut-il pourtant ajouter foi que nous étions tous deux en l'un de nous, et l'un en l'autre; une seule prétention avions-nous tous deux, de cultiver la vertu et accommoder les desseins de notre vie aux espérances futures, sortant ainsi hors de la terre mortelle avant que dy mourir. »

Saint Augustin témoigne que saint Ambroise aimait uniquement sainte Monique pour les rares vertus qu'il voyait en elle, et qu'elle réciproquement le chérissait comme un ange de Dieu.

Mais j'ai tort de vous amuser en chose si claire. Saint Jérôme, saint Augustin, saint Grégoire, saint Bernard et tous les plus grands serviteurs de Dieu ont eu de très particulières amitiés, sans intérêt de leur perfection.

Saint Paul reprochant le détraquement des Gentils, les accuse davoir été gens sans affection, cest-à-dire qui n'avaient aucune amitié.

Et saint Thomas, comme tous les bons philosophes, confesse que l'amitié est une vertu: or, il parle de l'amitié particulière, puisque, comme il dit, la parfaite amitié ne peut s'étendre à beaucoup de personnes.

La perfection donc ne consiste pas à n'avoir point damitié, mais à n'en avoir que de bonne, de sainte et sacrée.

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