Personnalité complexe, ce jésuite a été emprisonné pendant dix-huit ans avant d’être ordonné comme évêque auxiliaire par le régime communiste, puis finalement reconnu par Rome.
Samedi 27 avril , le diocèse de Shanghaï a fait part du décès de Mgr Aloysius Jin Luxian, 97 ans, à la fois évêque « officiel » du diocèse de Shanghaï, et reconnu par Rome. Souffrant de diabète, Mgr Jin était hospitalisé en soins intensifs depuis plusieurs semaines. Ses funérailles devraient avoir lieu aujourd’hui en la cathédrale Saint-Ignace à Xujiahui, le quartier de Shanghaï où se dresse l’archevêché.
personnalité complexe et controverséeLa mort de Mgr Jin marque la disparition d’une personnalité complexe et controversée, dont le parcours illustre et se mêle avec l’histoire douloureuse de l’Église en Chine au cours de ces soixante dernières années. Né en 1916 de parents catholiques au cœur de la vieille ville de Shanghaï, il étudie au collège Saint-Ignace et entre chez les jésuites, qui l’envoient en Europe, en France notamment, étudier la théologie. S’y trouvant lors de la prise de Pékin par les communistes le 1er septembre 1949, il obtient de ses supérieurs son retour en Chine.
Dix-huit années en prisonMais son rêve d’y œuvrer au service de l’Église tourne court : le 8 septembre 1955, il est arrêté. Symbole pour les nouveaux maîtres du pays de compromission avec les « impérialistes », la communauté catholique est soupçonnée de vouloir saper la révolution. Pendant plus de quatre ans, le P. Jin est placé à l’isolement. Au total, il passera dix-huit années en prison.
Libéré en 1973, il connaît pendant quelques années un régime de semi-liberté, avant d’accepter en 1982 de rouvrir le séminaire « officiel » de Sheshan. Une réouverture contestée en interne et qui coïncide à la fois avec la politique d’ouverture de Deng Xiaoping, et la publication par le régime de Pékin du « Document 19 » dans lequel il maintient que les religions sont un phénomène historique amené à disparaître, et qu’il convient seulement, dans l’intervalle, de renforcer le caractère patriotique de leurs membres…
« j’ai choisi de faire cavalier seul » « En dépit de ma fidélité au pape, j’ai choisi de faire cavalier seul », confiait Mgr Jin en 2006 à Dorian Malovic, journaliste à La Croix et auteur d’une biographie de Mgr Jin (1). Une phrase qui explique ce choix que certains – y compris chez ses frères jésuites – qualifieront de « trahison » mais que lui ne cessait de présenter comme une tentative de faire renaître une Église locale en lien avec l’Église universelle… Les résultats qu’il obtient à la tête de son diocèse – il y a été ordonné comme évêque auxiliaire sans l’aval de Rome en 1985 – forcent l’admiration. Au point que Mgr Jin est reconnu par Rome en 2004 et figure, l’année suivante, parmi les quatre évêques chinois invités – sans succès – par Benoît XVI au Synode sur l’Eucharistie.
La succession de Mgr Jin, un « test pour l’Eglise en Chine » Selon l’agence Églises d’Asie, la messe de funérailles pour Mgr Jin Luxian sera célébrée aujourd’hui. La logique voudrait que ce soit par l’évêque auxiliaire de Mgr Jin, Mgr Ma Daqin, mais celui-ci est, depuis son ordination le 7 juillet 2012, en résidence surveillée et « empêché par la police d’exercer son ministère épiscopal ».
Les autorités chinoises lui préféreront peut-être l’un des évêques « officiels » de l’Église, observe Églises d’Asie, qui voit dans ces obsèques un « test (pour) l’unité de l’Église en Chine, entre des fidèles et un clergé shanghaïen désireux de témoigner de leur lien avec l’Église universelle, et des autorités décidées à affirmer leur contrôle sur la communauté catholique de Chine populaire ».
Anne-Bénédicte Hoffner
Source :
http://www.la-croix.com/Religion/Actualite/Deces-de-Mgr-Jin-Luxian-fervent-partisan-de-la-reconciliation-des-catholiques-chinois-2013-04-28-954032