Concluant dimanche 24 novembre l’Année de la foi, le pape François a confié des exemplaires de son exhortation apostolique sur l’évangélisation, qui sera présentée mardi.
« Evangelii gaudium », « La joie de l’Évangile », titre de ce long texte, était déjà au cœur du message du pape, samedi, aux catéchumènes appelés à « conserver leur enthousiasme » .
Le changement de pape survenu au cours de l’Année de la foi a donné à cette initiative une dimension inattendue.
« Sème dans notre foi la joie du Ressuscité », demande en prière le pape dans Lumen fidei. Ce passage final de son encyclique sur la foi, publiée le 5 juillet dernier, rejaillit dans l’exhortation apostolique Evangelii gaudium (La joie de l’Évangile), que le pape François a remise après la messe célébrée dimanche 24 novembre place Saint-Pierre devant 60 000 fidèles pour la solennité du Christ-Roi de l’univers, clôturant l’Année de la foi. Accompagnée d’une exposition inédite d’ossements attribués à l’Apôtre Pierre – que le successeur de Pierre a longuement serrés dans ses mains –, la messe était concélébrée avec les primats des Églises orientales catholiques, venus à Rome la semaine dernière.
En attendant d’être présentée demain à la presse, la longue exhortation « sur l’annonce de l’Évangile dans le monde actuel », comme le résume le Vatican, a été donnée, comme un cadeau secret, à un évêque de Lettonie, un prêtre de Tanzanie et un diacre d’Australie récemment ordonnés, ainsi qu’à des religieux, une famille, un séminariste, des catéchistes, des responsables de mouvements, une peintre polonaise, un sculpteur japonais ayant œuvré à la Sagrada Familia de Barcelone et deux journalistes. Au total, « 36 représentants du Peuple de Dieu », selon l’expression du Saint-Siège, ont reçu l’exhortation, la première du nouveau pape. Une façon aussi de récapituler symboliquement les groupes qui se sont rendus à tour de rôle à Rome, pour l’Année de la foi.
Rome a enregistré officiellement 8,5 millions de pèlerins
Ou pour, d’abord, voir le pape François. L’élection du nouveau pape, le 13 mars dernier, précédée de la soudaine renonciation de Benoît XVI, le 11 février, ont relégué médiatiquement l’Année de la foi. « La tenue surprise d’un conclave en plein milieu l’a fait disparaître », juge un pèlerin parisien pour qui cette année voulue par le prédécesseur du pape François sera restée un « événement surtout romain ».
Depuis son ouverture le 11 octobre 2012, date qui avait été choisie pour le 50e anniversaire du début du concile Vatican II, la capitale italienne a enregistré officiellement 8,5 millions de pèlerins.
« Le nombre de participants dans les groupes venant des diocèses a gonflé à la suite de l’élection du pape », observe le recteur de Saint-Louis-des-Français, Mgr François Bousquet, pour qui l’événement « a certainement occulté la commémoration du Concile ». « Mais la consistance théologique d’une réflexion sur la foi, elle, n’a pas été effacée », estime-t-il. C’était l’objectif initial de Benoît XVI, exprimé dans son homélie d’ouverture de l’année : affermir « une foi vivante dans un monde en mutation ».
« Les catéchumènes incarnent ces “périphéries” que le pape cherche à atteindre »
Une papauté elle-même en mutation n’aura pas ébranlé l’Année de la foi, au contraire même. « Je lis cela comme un grand moment de grâce », répond dans L’Osservatore romano de dimanche Mgr Rino Fisichella, président du Conseil pontifical pour la promotion de la nouvelle évangélisation, dicastère à la manœuvre durant toute l’Année de la foi. « La renonciation de Benoît XVI est un geste de foi, posé avec confiance dans l’Esprit Saint qui accompagne l’Église », estime le religieux eudiste Luc Crépy, qui relève aussi la définition par le pape François de son rôle : « Confirmer ses frères dans la foi. » Et pour ceux dont la foi vacille, qui l’ont perdue ou ne l’ont pas, « le visage d’humanité de ce pape les interroge sur le sens de leur vie ».
De fait, c’est par son sourire serein que le pape François a accueilli un à un et marqué du signe de croix 35 parmi environ 500 nouveaux catéchumènes (NDLR : adultes se préparant au baptême) du monde entier, samedi après-midi, dans le narthex de la basilique vaticane. De France, ils étaient 49 venus avec leurs accompagnateurs et leurs familles. Le choix de conclure l’Année de la foi en mettant en avant les catéchumènes n’a été proposé que récemment au nouveau pape.
« Sans doute parce que les catéchumènes incarnent ces “périphéries” que le pape François cherche tant à atteindre », estime le P. Luc Mellet, directeur du Service national de la catéchèse et du catéchuménat. Rappelant dans son homélie combien « Dieu a soif de nous » (lire ci-dessous), le pape argentin a invité les catéchumènes à entretenir « l’enthousiasme du premier moment qui a fait ouvrir (leurs) yeux à la lumière de la foi » afin de prévenir le « risque d’une foi insipide ».
Centralité du Christ
« Le pape ne leur a pas parlé du contenu de la foi, comme l’aurait fait son prédécesseur, mais, dans une approche plus pastorale, a défini la foi comme cheminement avec Jésus », analyse le P. Mellet, assuré que « l’exhortation très personnelle du pape n’est pas une stratégie de recrutement pour l’Église au troisième millénaire mais un appel à savoir accueillir fraternellement ceux que nous donne Dieu, qui travaille les cœurs ».
À l’image des catéchumènes qui ont l’ardeur des nouveaux convertis, « c’est un appel à témoigner par notre joie de croire plutôt qu’en martelant des vérités », comprend-il. « Si évangéliser se définit comme annoncer la Bonne Nouvelle du salut pour tous, les dimensions de “bonne” et de “pour tous” ressortent déjà avec ce pape, qui sait réorienter sa popularité vers le Christ », ajoute Mgr Bousquet.
La centralité du Christ a été le fil conducteur de l’homélie du pape dimanche matin. « Quand on perd ce centre, parce qu’on lui substitue quelque chose d’autre, il n’en vient que des dommages, pour l’environnement autour de nous et pour l’homme lui-même », a-t-il prévenu, après avoir rendu hommage à son prédécesseur pour avoir promulgué l’Année de la foi : « Avec cette initiative providentielle, il nous a donné la possibilité de redécouvrir la beauté de ce chemin de foi qui a débuté le jour de notre baptême. »
Au-delà de l’année conclue, c’est toute l’Église catholique munie de l’exhortation à évangéliser qui s’affiche désormais prête à prendre le large, selon le P. Didier Duverne, du Conseil pontifical pour la nouvelle évangélisation, récapitulant les étapes franchies.
« Ayant appareillé lors du Concile, notre Église est comme ce grand et beau navire qui, depuis lors, a manœuvré pour sortir du port, avec précaution, mais cependant non sans heurter quelques écueils parfois. Ayant désormais franchi les passes du port, le voilà face à la haute mer, sur sa route, celle de l’homme du troisième millénaire », analyse ce prêtre parisien, inscrivant le changement de pape dans ce mouvement : « En quittant le port, l’ancien commandant a voulu laisser la place à un nouveau. »
SÉBASTIEN MAILLARD, à Rome
Journal la croix